Vu la requête introductive et le mémoire ampliatif, enregistrés le 15 octobre 2012, présentés pour Mme A...B..., demeurant..., par Me André, avocat ;
Mme B...demande à la Cour :
1° de réformer, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires, le jugement n° 1005723 du 6 août 2012, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 286 829,34 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une intervention chirurgicale réalisée au centre hospitalier d'Argenteuil le 19 décembre 2007 ;
2° de condamner l'ONIAM à lui verser une somme de 817 401,08 euros au titre de son préjudice patrimonial et une somme de 126 719,33 euros au titre de son préjudice extra patrimonial, indemnités qui doivent être majorées des intérêts dûs à compter du 19 juillet 2010 et capitalisés ;
3° de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- ses séquelles résultent d'un acte médical non fautif, une thrombose de l'artère iliaque primitive ;
- le préjudice a eu des conséquences anormales eu égard à son état de santé qui a évolué vers une paralysie L5-S1 ;
- les premiers juges ont sous-évalué certains préjudices ;
- sa perte de chance de revenus temporaire doit être évaluée à 17 516 euros et sa perte de chance de retrouver un emploi doit être évaluée à 50 % ; que la pénibilité pour exercer une activité professionnelle et sa dévalorisation sur le marché du travail doivent être indemnisées par une somme de 50 000 euros ; le préjudice économique doit ainsi être réparé par une indemnité de 359 933,49 euros ;
- la prestation de compensation du handicap ne doit être déduite de l'indemnisation allouée au titre de la tierce personne dès lors qu'elle n'est pas une indemnité au sens de l'article L. 3122-5 du code de la santé publique ni au sens de la jurisprudence ;
- son besoin d'assistance par une tierce personne est pour le futur de deux heures par jour sept jours sur sept et dont le taux horaire doit être fixé à 14 puis à 16 euros ; qu'ainsi ce chef de préjudice doit être indemnisé par une somme de 387 000 euros ;
- le surcoût d'acquisition d'un véhicule adapté et de son renouvellement ainsi que les frais engagés inutilement pour les leçons de conduite seront réparés par une indemnité de 48 166,59 euros ;
- le déficit fonctionnel temporaire partiel doit être indemnisé par une somme de 4 719,33 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent doit être réparé par une indemnité de 75 000 euros ;
- le pretium doloris, fixé par l'expert à 4/7, sera évalué à 15 000 euros et le préjudice esthétique réparé par une indemnité de 10 000 euros ;
- le préjudice d'agrément doit être évalué à 15 000 euros et le préjudice sexuel à 7 000 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2014 ;
- le rapport de M. Brumeaux, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de Me C...pour MmeB... ;
1. Considérant que Mme A...B...qui souffrait d'une lombosciatique gauche sur hernie discale L4-L5, a été admise au centre hospitalier d'Argenteuil pour y subir le 19 décembre 2007 une discectomie et que cette intervention a entraîné des douleurs dans le pied droit et un déficit moteur ; qu'en raison d'une suspicion d'un hématome postopératoire ou d'une décompensation de la hernie, puis de l'apparition de signes d'ischémie, Mme B...a été opérée à nouveau le 20 décembre 2007 et le 22 décembre 2007 ; que ces interventions ont mis en évidence que les complications survenues avaient pour origine une plaie de la paroi artérielle de l'artère iliaque primitive causée lors de l'ablation d'un fragment discal à l'aide de la pince à disque ; que le tribunal administratif a estimé que ces complications revêtaient le caractère d'un accident médical non fautif et que la réparation des dommages subis incombait à la solidarité nationale sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ; que le centre hospitalier d'Argenteuil conclut sur ce point à la confirmation du jugement et que l'ONIAM, qui ne remet pas en cause cette appréciation des premiers juges, fait seulement valoir que le tribunal s'est livré à une évaluation excessive de certains chefs de préjudice ; que Mme B...fait appel en soutenant que le tribunal administratif n'a pas procédé à une réparation suffisante de certaines conséquences dommageables causées par cet accident médical ;
Sur les préjudices à caractère patrimonial :
Sur les dépenses de santé et de transport :
2. Considérant que les frais exposés à ce titre et supportés par Mme B...s'élèvent à 1 333,44 euros, ce qui n'est pas contesté ; qu'en revanche les dépenses de télévision, de téléphone et les frais d'obtention d'un dossier médical ne sont pas des dépenses directement liées aux préjudices causés par l'accident médical en cause et ne peuvent, par voie de conséquence, être prises en charge sur le fondement de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ;
Sur les frais de logement adapté :
3. Considérant que le coût des travaux entrepris dans le logement de la requérante pour l'aménager en fonction de son handicap n'est pas contesté et s'élève à 1 576,63 euros ; que par suite cette somme doit être mise à la charge de l'ONIAM ;
Sur les frais d'un véhicule adapté :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B...avait entrepris d'apprendre à conduire et qu'elle a dû interrompre cette formation en raison de son état de santé avant l'accident médical litigieux ; que par suite elle n'est pas fondée à solliciter le remboursement des heures de conduite qu'elle avait suivies ; qu'elle ne peut davantage demander la prise en charge d'un véhicule adapté dès lors qu'elle ne dispose pas d'un permis de conduire ; qu'au surplus le document versé au dossier ne fait pas apparaître les adaptations qui seraient nécessaires d'apporter à un tel véhicule en raison de son handicap ; que par suite le préjudice allégué ne peut ouvrir droit à réparation ;
Sur l'aide d'une tierce personne :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise en date du 4 novembre 2009 diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France, que l'aide d'une tierce personne à domicile, avant la consolidation de l'état de santé de la requérante intervenue le 6 octobre 2009, était indispensable 6 heures par jour, à compter du 25 juillet 2008, date de sa sortie du centre de rééducation de Villiers-sur-Marne et qu'après le 6 octobre 2009, en raison de ses difficultés de déplacement, une telle assistance restait nécessaire mais devait être réduite à deux heures par jour, cinq jours par semaine ;
6. Considérant que le principe de réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) horaire brut augmenté des charges sociales appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail ; qu'en se fondant sur les taux horaires bruts du SMIC augmenté des cotisations sociales patronales, il sera fait une exacte appréciation des besoins en assistance d'une tierce personne en les évaluant à 26 700 euros jusqu'à la date de consolidation et à 24 580 euros du 6 octobre 2009 à la date du présent arrêt ; que pour la période postérieure à cette dernière date, il y a lieu de lui allouer une indemnité de 126 878 euros ; qu'ainsi, par suite, ce chef de préjudice doit être réparé par une indemnité de 179 058 euros, dont il convient de déduire les sommes perçues par la requérante au titre de la prestation de compensation du handicap, dès lors que cette prestation doit être regardée comme ayant couvert partiellement les frais correspondant à l'assistance d'une tierce personne ;
Sur le préjudice professionnel :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction d'une part que Mme B...a exercé le métier de femme de ménage mais était sans emploi depuis plus de deux ans à la date de l'accident médical dont elle a été victime et d'autre part qu'elle était affectée d'une maladie invalidante ; que dans ces circonstances elle n'est pas fondée à demander la condamnation de l'ONIAM à une prise en charge de la perte de gains temporaires et futurs ; qu'en revanche la requérante, qui a travaillé régulièrement sur des longues périodes depuis 1993 et qui était âgée de 41 ans à la date de l'accident, a perdu une chance sérieuse de retrouver un emploi et qu'il doit lui être alloué une somme de 30 000 euros pour réparer ce préjudice ;
Sur le préjudice personnel :
8. Considérant que le rapport d'expertise en date du 4 novembre 2009 a fixé le déficit fonctionnel temporaire à un taux de 75 % jusqu'au 27 juillet 2008 puis à 35 %, a évalué les souffrances endurées par Mme B...à 4 sur une échelle de 1 à 7, un préjudice esthétique à 3-4 sur une échelle de 1 à 7, un préjudice sexuel indirect et un préjudice d'agrément majeur ; qu'enfin le déficit fonctionnel permanent a été arrêté par le même expert à 35 % ; que, dans ces circonstances, les premiers juges ont procédé à une suffisante appréciation des préjudices personnels subis par l'intéressée en évaluant le préjudice issu de ses troubles dans les conditions d'existence durant la période de déficit fonctionnel temporaire et permanent à 70 000 euros, le préjudice esthétique à 4 800 euros, le pretium doloris à 6 000 euros, enfin le préjudice sexuel à 2 200 euros ; que c'est à bon droit qu'ils ont écarté la réparation du préjudice d'agrément dont la réalité n'est pas établie ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ensemble des préjudices subis par Mme B...doit être réparé par une indemnité de 294 968,07 euros, avant déduction de la prestation de compensation de handicap perçue et que le jugement attaqué doit être réformé en ce sens ; que cette somme doit être majorée des intérêts à compter du 19 juillet 2010, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif, et de leur capitalisation à compter du 23 février 2012 sur le fondement de l'article 1154 du code civil ;
Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par Mme B...et par le centre hospitalier d'Argenteuil sur ce fondement et de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La somme que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a été condamné à verser à Mme B... est portée de 286 829,34 euros à 294 968,07 euros, avant déduction de la prestation de compensation de handicap versée au fur et à mesure des besoins. Cette indemnité doit être majorée des intérêts à compter du 19 juillet 2010 et les intérêts échus le 23 février 2012 seront capitalisés à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci.
Article 2 : L'article 1er du jugement susvisé du 6 août 2012 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce sens.
Article 3 : L'ONIAM versera 1 500 euros à Mme B...et au centre hospitalier Victor Dupouy d'Argenteuil.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B...et du centre hospitalier d'Argenteuil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
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N° 12VE03465 2