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09/07/2013 | FRANCE | N°12VE02174

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 09 juillet 2013, 12VE02174


Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2012, présentée pour l'ASSOCIATION LE COLOMBIER, dont le siège social est 53 rue Kellerman à Soisy-sous-Montmorency (95230), par Me Naitali, avocat ; l'ASSOCIATION LE COLOMBIER demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1001260 du 5 avril 2012 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2306 du 23 décembre 2009 conjoint du préfet du Val-d'Oise et du président du conseil général du Val-d'Oise nommant M. B...administrateur provisoire pour une durée de six mois des é

tablissements et des services qu'elle gérait ;

2° d'annuler l'injonction...

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2012, présentée pour l'ASSOCIATION LE COLOMBIER, dont le siège social est 53 rue Kellerman à Soisy-sous-Montmorency (95230), par Me Naitali, avocat ; l'ASSOCIATION LE COLOMBIER demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1001260 du 5 avril 2012 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2306 du 23 décembre 2009 conjoint du préfet du Val-d'Oise et du président du conseil général du Val-d'Oise nommant M. B...administrateur provisoire pour une durée de six mois des établissements et des services qu'elle gérait ;

2° d'annuler l'injonction conjointe du préfet et du président du conseil général du Val-d'Oise du 4 novembre 2009 et l'arrêté n° 2306 du 23 décembre 2009 conjoint du préfet du Val-d'Oise et du président du conseil général du Val-d'Oise nommant M. B...administrateur provisoire ;

3° de mettre à la charge de l'Etat et du département du Val-d'Oise une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'ASSOCIATION LE COLOMBIER soutient que :

En ce qui concerne l'injonction :

- le tribunal administratif n'a pas statué sur sa demande tendant à l'annulation de l'injonction du 4 novembre 2009 ;

- le juge a procédé à une substitution de base légale de l'injonction sans la mettre à même à présenter ses observations ;

- les premiers juges ont validé l'arrêté du 23 décembre 2009 sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'action sociale et des familles alors que l'injonction a été prise sur celui de l'article L. 313-14-1 du même code ;

- l'injonction, prise sur la base de l'article L. 313-14-1 du code de l'action sociale et des familles, est illégale ;

- aucun contrôle préalable sur place n'a été conduit et l'injonction est intervenue au vu des seuls documents produits par M.B... ;

- la situation financière difficile a été causée par l'administration et elle était en cours d'amélioration ;

- l'injonction a été adressée sans analyse précise préalable de la situation et sans l'envoi de documents sur sa situation financière ;

- les mesures imposées par l'injonction dépassent le cadre de l'article L. 313-14-1 ; elles ne pouvaient prévoir la fermeture des établissements ;

- si l'injonction a été prise sur le fondement de l'article L. 313-14, elle est illégale en raison de l'absence de contrôle sur place ou d'inspection ;

- les dysfonctionnements constatés ne remettent pas en cause la qualité de la prise en charge des personnes handicapées ;

- les inquiétudes du personnel ne constituent pas un dysfonctionnement justifiant une injonction ; la perturbation du climat social n'est pas établie ;

- les mesures ordonnées par l'injonction visent l'organisme gestionnaire et non les établissements sociaux et médico-sociaux ; elles n'ont pas pour objectif de remédier à des dysfonctionnements financiers ;

En ce qui concerne l'arrêté du 23 décembre 2009 :

- sa motivation est insuffisante ;

- il est fondé sur des dysfonctionnements nouveaux autres que ceux mentionnés dans l'injonction qui n'ont pas été soumis au principe du contradictoire ;

- faute de risques pour les usagers et les patients, les dysfonctionnements ne pouvaient pas donner lieu à une mesure d'administration provisoire fondée sur l'article L. 313-14 ;

- elle aurait dû être avertie des dysfonctionnements susceptibles de nuire à la qualité de la prise en charge des usagers ;

- les administrations ne sont pas compétentes pour évaluer le fonctionnement de l'instance associative ; les mesures litigieuses portaient atteinte au principe de liberté des associations ;

- M. B...ne peut pas à la fois exercer ses fonctions de directeur général de transition et celles d'administrateur provisoire des établissements ; ce cumul constitue un détournement de pouvoir pour permettre à l'administration de contrôler l'association et ses établissements ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2013 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Naitali pour l'ASSOCIATION LE COLOMBIER et de Me A... pour le département du Val-d'Oise ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;

1. Considérant que l'ASSOCIATION LE COLOMBIER, association de la loi du 1er juillet 1901 créée en 1961, a été autorisée depuis 1991 pour les anciens, à gérer dans le département du Val-d'Oise onze établissements médico-sociaux, en particulier des foyers de vie pour adultes handicapés et des instituts médico-éducatifs, accueillant des enfants et des adolescents handicapés ; qu'à partir de 2006, la dégradation des résultats financiers, les graves dysfonctionnements en matière de gouvernance et les difficultés de trésorerie, ont conduit à la désignation d'un " directeur général de transition " le 19 mai 2009 et les autorités de tutelle (Etat et département du Val-d'Oise), à enjoindre à la présidente de l'association le 4 novembre 2009 de faire voter par le conseil d'administration le principe de la reprise de l'ensemble des établissements par un ou plusieurs repreneurs pour le 15 janvier 2010 en indiquant que son refus entraînerait la fermeture de l'ensemble des structures et leur transfert à un ou plusieurs organismes repreneurs ; que si le conseil d'administration de l'association en date du 12 novembre 2009 a accepté ce principe de la reprise par un tiers et alors que l'Etat et le conseil général du Val-d'Oise ont accordé une subvention de 1 467 000 euros à titre exceptionnel pour permettre le fonctionnement des établissements gérés par l'association requérante, il a toutefois décidé, à la suite de son renouvellement, lors de l'assemblée générale du 12 décembre 2009, de ne pas donner de suite à l'injonction des autorités de tutelle du 4 novembre 2009 ; que, par suite, le préfet du Val-d'Oise et le président du conseil général du Val-d'Oise ont nommé, par l'arrêté attaqué, M.B..., qui est le " directeur général de transition " de l'association depuis le 19 mai 2009, administrateur provisoire des établissements et services qu'elle gérait pour une durée de six mois ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14-1 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors applicable : " Les établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant du I de l'article L. 312-1, à l'exception du 10°, gérés par des organismes de droit privé à but non lucratif, lorsque la situation financière fait apparaître un déséquilibre financier significatif et prolongé ou lorsque sont constatés des dysfonctionnements dans la gestion de ces établissements et de ces services, et sans préjudice des dispositions relatives au contrôle des établissements et services prévues au présent code, l'autorité de tarification compétente adresse à la personne morale gestionnaire une injonction de remédier au déséquilibre financier ou aux dysfonctionnements constatés et de produire un plan de redressement adapté, dans un délai qu'elle fixe. Ce délai doit être raisonnable et adapté à l'objectif recherché. Les modalités de retour à l'équilibre financier donnent lieu à la signature d'un avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens prévu à l'article L. 313-11. S'il n'est pas satisfait à l'injonction, ou en cas de refus de l'organisme gestionnaire de signer la convention susmentionnée, l'autorité de tarification compétente peut désigner un administrateur provisoire de l'établissement pour une durée qui ne peut être supérieure à une période de six mois renouvelable une fois. Si l'organisme gestionnaire gère également des établissements de santé, l'administrateur provisoire est désigné conjointement avec le directeur général de l'agence régionale de santé dans les conditions prévues à l'article L. 6161-3-1 du code de la santé publique. L'administrateur provisoire accomplit, pour le compte des établissements et services, les actes d'administration urgents ou nécessaires pour mettre fin aux dysfonctionnements ou irrégularités constatés ainsi que la préparation et la mise en oeuvre d'un plan de redressement. (...) " et qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " Dès que sont constatés dans l'établissement ou le service des infractions aux lois et règlements ou des dysfonctionnements dans la gestion ou l'organisation susceptibles d'affecter la prise en charge ou l'accompagnement des usagers ou le respect de leurs droits, l'autorité qui a délivré l'autorisation adresse au gestionnaire de l'établissement ou du service une injonction d'y remédier, dans un délai qu'elle fixe. Ce délai doit être raisonnable et adapté à l'objectif recherché. Elle en informe les représentants des usagers, des familles et du personnel et, le cas échéant, le représentant de l'Etat dans le département. Cette injonction peut inclure des mesures de réorganisation et, le cas échéant, des mesures individuelles conservatoires, dans les conditions prévues par le code du travail ou par les accords collectifs. S'il n'est pas satisfait à l'injonction, l'autorité compétente peut désigner un administrateur provisoire de l'établissement pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois renouvelable une fois. Celui-ci accomplit, au nom de l'autorité compétente et pour le compte de l'établissement ou du service, les actes d'administration urgents ou nécessaires pour mettre fin aux dysfonctionnements ou irrégularités constatés. (...) " ;

3. Considérant que le 4 novembre 2009 le président du conseil général du Val-d'Oise et le préfet ont enjoint, sur le fondement de l'article L. 313-14-1 du code de l'actions sociale et des familles, à l'association requérante de " faire voter le conseil d'administration dans un délai de quinze jours sur le principe d'une reprise de l'ensemble de ses établissements et services par un ou plusieurs repreneurs avec effectivité au 15 janvier 2010 (...), donner toute autorité et toute délégation au directeur général de transition (...) lui permettant d'assurer une stabilisation de la gestion de l'administration ainsi que la préparation de la reprise des établissements et services, améliorer le climat social par l'instauration d'un dialogue constructif entre l'association gestionnaire et les instances représentatives du personnel " ; que toutefois de telles mesures n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 313-14-1 du code de l'action sociale et des familles qui permet seulement à l'administration de demander à l'organisme gestionnaire de remédier au déséquilibre financier ou aux dysfonctionnements constatés et de produire un plan de redressement adapté, dans un délai qu'elle fixe ; que par suite l'ASSOCIATION LE COLOMBIER est fondée à soutenir que l'injonction litigieuse est irrégulière et doit être annulée pour ce motif ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales " ;

5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ASSOCIATION LE COLOMBIER ait été mise à même de présenter des observations écrites à la suite de l'injonction qui lui a été adressée le 4 novembre 2009 et avant l'intervention de l'arrêté n° 2306 du 23 décembre 2009 du préfet du Val-d'Oise et du président du conseil général de ce département nommant M. B...administrateur provisoire pour une durée de six mois des établissements et des services qu'elle gérait dans le Val-d'Oise ; que par suite l'association requérante est fondée à soutenir que cet arrêté a été pris au terme d'une procédure qui n'a pas respecté le principe du contradictoire ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION LE COLOMBIER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'injonction du 4 novembre 2009 et de l'arrêté n° 2306 du 23 décembre 2009 conjoint du préfet du Val-d'Oise et du président du conseil général du Val-d'Oise ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ASSOCIATION LE COLOMBIER, qui n'est pas la partie perdante, la somme que le département du Val-d'Oise demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que par suite ses conclusions présentées sur ce fondement ne peuvent être que rejetées ; qu'en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'ASSOCIATION LE COLOMBIER sur le même fondement et de mettre à la charge solidaire de l'Etat et du département du Val-d'Oise une somme de 2 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé n° 1001260 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 5 avril 2010 et l'injonction du 4 novembre 2009 ainsi que l'arrêté n° 2306 du préfet du Val-d'Oise et du président du conseil général du Val-d'Oise du 23 décembre 2009 sont annulés.

Article 2 : L'Etat et le département du Val-d'Oise verseront la somme de 2 000 euros à l'ASSOCIATION LE COLOMBIER au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'ASSOCIATION LE COLOMBIER et les conclusions du département du Val-d'Oise présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 12VE02174 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02174
Date de la décision : 09/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-03-02 Aide sociale. Institutions sociales et médico-sociales. Dispositions spéciales relatives aux établissements privés.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SCP LACOURTE BALAS RAQUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-07-09;12ve02174 ?
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