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28/05/2013 | FRANCE | N°12VE00654

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 28 mai 2013, 12VE00654


Vu le recours, enregistré le 14 février 2012, présentée par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour :

1° d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 1001607 du 20 octobre 2011 par lesquels le Tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, déchargé la société Panzani des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle avait été assujettie au titre de son exercice clos en 2004 à raison de la remise

en cause du prix de cession des titres de la société WilliamA..., et, d'a...

Vu le recours, enregistré le 14 février 2012, présentée par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour :

1° d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 1001607 du 20 octobre 2011 par lesquels le Tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, déchargé la société Panzani des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle avait été assujettie au titre de son exercice clos en 2004 à raison de la remise en cause du prix de cession des titres de la société WilliamA..., et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2° de rétablir les impositions en litige ;

Il soutient que :

- le prix de cession des titres de la société William A...fixé par la société Panzani à 30,08 francs le 28 avril 2000 n'était pas représentatif de la valeur vénale de l'entreprise ; la méthode d'évaluation retenue par la société Panzani repose sur l'application d'un coefficient de 10,8 au résultat d'exploitation 1999 de la société WilliamA..., lequel était exceptionnellement dégradé en raison de crises ponctuelles, sans égard pour le véritable potentiel économique de l'entreprise ; le bien-fondé de l'application du multiple de 10,8 n'est pas démontré par le panel des transactions sur titres non côtés des entreprises comparables présenté par la SAS Panzani, dès lors que la majorité de ces transactions sont intervenues postérieurement à la cession litigieuse ; l'accord conclu avec Unilever en décembre 1999 n'explique pas la valorisation du groupe William A...à 251 000 000 francs ; aucune explication ne permet de justifier l'évaluation de la valeur des filiales de l'entreprise fixée à 81 000 000 francs ; à cet égard, si la société William A...a appliqué un multiple de 4 aux résultats d'exploitation de ses filiales, elle doit le justifier, de même qu'elle doit expliquer le bien-fondé de l'autre méthode qu'elle a éventuellement appliquée ; l'endettement financier du groupe WilliamA..., évalué à 221 000 000 francs, n'excédait pas, en réalité, le montant de l'endettement net consolidé du groupe (152 000 000 francs au 30 avril 2000), dès lors que cet endettement était principalement formé de dépôts intra-groupe ; le prix de 30,08 francs ne saurait être regardé comme ayant été utilisé dans d'autres transactions entre tiers indépendants dès lors qu'il y a eu en réalité entente sur un prix minoré ;

- en application d'une méthode d'évaluation multicritères combinant la valeur patrimoniale, la valeur de rentabilité et la marge brute d'autofinancement, le prix de cession de chaque titre a pu légalement être évalué, dans la proposition de rectification du 17 janvier 2006, à 111 francs ;

- en se référant à la valeur de la branche William A...évaluée dans le cadre de l'apport partiel d'actif réalisé le 29 octobre 1999 et en corrigeant ce prix pour tenir compte du résultat d'exploitation 1999 de cette branche, le prix de cession des titres du groupe William A...a pu légalement être réévalué à 115,51 francs dans la réponse faite le 15 juin 2006 aux observations de la société Panzani ; en effet, d'une part, les conditions de la cession litigieuse avaient été définitivement arrêtées dès le 15 décembre 1999 et, d'autre part, l'exercice 2000 de la société par rapport à son exercice 1999 était marqué par une stabilité de l'actif net et par l'augmentation de l'ensemble des indicateurs commerciaux ; la valeur de l'apport réalisé en octobre 1999 avait été déterminée en prenant en compte les effets de la crise de la dioxine du mois de juin 1999 et en anticipant sur les effets des politiques de concentration de la grande distribution ; cette nouvelle évaluation était d'autant plus modérée qu'elle ne tenait pas compte de la valeur des filiales de la société WilliamA... ; par ailleurs, en juin 2001, malgré la survenance d'une nouvelle crise liée à l'ESB en octobre 2000, l'intégralité des titres du groupe William A...a été cédée pour un prix global de 432 000 000 francs ;

- à titre subsidiaire, la valeur du groupe William A...ne saurait être arrêtée à un montant inférieur à 106 000 000 francs correspondant à la valeur de son actif net au 30 avril 2000, le prix unitaire des titres de la société ne pouvant en conséquence être inférieur à 106,55 francs ; que cette évaluation resterait sans incidence sur le montant du redressement en litige ;

- les factures produites par la SAS Panzani pour appuyer ses conclusions de première instance présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont, hormis la dernière, toutes antérieures à la saisine du juge administratif ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2013 :

- le rapport de M. Guiard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la SAS Panzani ;

Et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 16 mai 2013, présentée pour la société Panzani ;

1. Considérant que, le 27 octobre 1999, la société Panzani WilliamA..., devenue ultérieurement Panzani, a apporté sa branche complète d'activité de fabrication et de commercialisation de plats cuisinés à sa filiale, la société Comalim, qui a repris le nom de C...A...; que la société William A...a acquis le 26 novembre 1999 les trois filiales de la société Panzani correspondant à cette activité pour un montant de 12 348 370,40 euros (81 000 000 de francs) ; que, le 28 avril 2000, la société Panzani a cédé à un groupe d'investisseurs, constitués de ses actionnaires indirects à l'exception du fonds Paninvest, les titres qu'elle détenait dans la société William A...pour un prix unitaire de 4,59 euros (30,08 francs) ; qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de la société Panzani portant sur les exercices clos de 2002 à 2004, l'administration fiscale a remis en cause le prix de cession des titres WilliamA..., qu'elle a d'abord évalué à 16,92 euros (111 francs) dans la proposition de rectification du 17 janvier 2006 puis à 17,56 euros (115,20 francs) dans la réponse aux observations présentées par la société Panzani le 15 juin 2006, et a estimé que la cession de ces actions à un prix minoré était constitutive d'un acte anormal de gestion ; que la cession en cause ayant été réalisée au titre d'un exercice prescrit, le service s'est toutefois borné à refuser l'imputation des amortissements réputés différés générés par la cession litigieuse sur les résultats de l'exercice clos par la société en 2004 à hauteur d'un montant de 1 864 648 euros ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT fait appel du jugement 20 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Panzani des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2004 en conséquence de ce redressement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa version alors en vigueur : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. (...) " ;

3. Considérant que la valeur vénale de titres non admis à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ; que la valeur réelle des titres d'une société doit prioritairement être évaluée par référence à la valeur des autres titres de la société telle qu'elle ressort des transactions portant à la même époque sur ces titres, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance ; qu'en l'absence de toute transaction ou de transaction équivalente, l'appréciation de la valeur vénale est faite en utilisant les méthodes d'évaluation qui permettent d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ;

4. Considérant que, pour établir que le prix unitaire des titres de la société William A...cédés le 28 avril 2000 par la société Panzani a été minoré, l'administration, en l'absence de transactions portant sur les actions de cette société à des dates proches de la cession en litige, a procédé à leur évaluation, notamment en se fondant sur la valeur patrimoniale de la société William A...qu'elle a déterminée à partir de la valeur de la branche d'activité de fabrication et de commercialisation de plats cuisinés, telle qu'elle avait été établie par les commissaires aux apports lors de l'opération du 27 octobre 1999 à partir du bilan de clôture de l'exercice 1998, et à laquelle elle a ajouté le résultat de l'exercice 1999, aboutissant à une valeur globale de 17 562 127 euros (115 200 000 francs), soit une valeur unitaire du titre fixée à 17,61 euros (115,51 francs) ; qu'il ressort du rapport établi le 24 septembre 1999 par les commissaires à la scission désignés dans le cadre de l'opération d'apport partiel d'actifs, que la valeur réelle nette de la société William A...avait été évaluée au 31 décembre 1998 à 15 165 734,95 euros (99 480 700 francs), en intégrant une dévaluation de 15 854 697,79 euros (104 000 000 francs) pour tenir compte des effets négatifs prévisibles, d'une part, de la politique de concentration menée par la grande distribution, et d'autre part, de la crise de la dioxine survenue en juin 1999, laquelle avait entraîné un résultat opérationnel négatif dès les mois de juillet et août 1999 ; que cette évaluation indépendante, qui intégrait ainsi les perspectives d'évolution de l'activité de la société WilliamA..., pouvait être utilisée par l'administration fiscale pour estimer la valeur des titres William A...vendus le 28 avril 2000 ; que l'administration fait valoir, en outre, qu'alors que la société Panzani n'a pu apporter des éléments précis de nature à justifier le prix de 4,59 euros (30,08 francs), la valeur résultant de cette méthode rejoint l'ordre de grandeur des valeurs unitaires, comprises entre 15,85 euros (104 francs) et 17,53 euros (115 francs), qu'elle avait définies en application des méthodes dites de la valeur patrimoniale, de la valeur de rentabilité et de la marge brute d'autofinancement ; que l'administration relève, enfin, que l'intégralité des actions formant le capital social de la société William A...a été cédée en juin 2001 pour un prix global de 432 000 000 francs, soit au prix unitaire de 246,64 francs, malgré la survenance d'une nouvelle crise alimentaire en octobre 2000 ;

5. Considérant que, pour combattre les évaluations concordantes obtenues par le service au moyen de ces différentes méthodes d'évaluation, la société Panzani fait tout d'abord valoir que l'administration ne pouvait écarter le prix unitaire de 4,59 euros (30,08 francs) dès lors que des cessions de titres de la société WilliamA..., portant sur 22,73 % du capital, auraient été conclues entre des tiers indépendants à ce prix le 28 avril 2000 de sorte que ce prix reflèterait un prix librement négocié tenant compte de la valeur économique de l'entreprise et de ses perspectives d'activité dégradées dans un contexte de crises alimentaires frappant le secteur des plats cuisinés ; que, toutefois, en présence d'une opération globale de cession, la valeur vénale des titres retenue pour l'ensemble des transactions directes ou indirectes constitutives de cette cession ne peut être regardée comme un prix de référence issu de transactions distinctes équivalentes ; qu'il suit de là que le prix de 4,59 euros ne peut être regardé comme une valeur de référence issue de transactions équivalentes devant, prioritairement, être utilisée pour déterminer le prix de cession des titres William A...le plus voisin possible de celui correspondant au fruit du jeu normal de l'offre et de la demande ; que, par ailleurs, en l'espèce, il n'est pas contesté que 77,2 % du capital de la société William A...cédés le 28 avril 2000 par la société Panzani ont été acquis par des investisseurs qui étaient eux-mêmes des actionnaires indirects de cette société, de sorte que l'existence d'un prix de convenance ne peut, comme le soutient l'administration fiscale, être totalement exclue ;

6. Considérant que la société Panzani fait également valoir que le prix de 4,59 euros correspond à la valeur de la société WilliamA..., évaluée à 25 916 332,93 euros (170 000 000 francs) pour tenir compte de ses perspectives d'activité dégradées et du contexte de crises alimentaires, augmentée de la valeur de ses filiales acquises le 26 novembre 1999 pour un montant de 12 348 370,40 euros (81 000 000 francs), diminuée de son endettement de 33 691 232,81 euros (221 000 000 francs) et divisée par le nombre de titres cédés, à savoir 994 802 ; qu'elle ajoute que l'évaluation de la valeur de la société WilliamA..., arrêtée à 25 916 332,93 euros, correspondait à l'application d'un multiple de 10,8 au résultat d'exploitation de l'exercice 1999, lequel serait particulièrement ambitieux au regard des cessions d'autres sociétés intervenues à la même époque dans le même secteur d'activité ; que, toutefois, l'administration relève pour sa part que le résultat de l'exercice 1999 était exceptionnellement dégradé, que la valeur d'entreprise arrêtée à 25 916 332,93 euros (170 000 000 francs) n'a pas été explicitée, de même que la valeur qui a été retenue pour les filiales, égale à 4 fois leur résultat d'exploitation sans que la faiblesse de ce multiple au regard de celui résultant de l'évaluation de leur société mère soit justifiée par la seule circonstance qu'elles ne détenaient pas de marques reconnues ; que, dans ces conditions, les éléments avancés par la société Panzani ne permettent pas d'écarter les résultats concordants des différentes évaluations menées par le service ; qu'il suit de là que l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve que le chiffre de 17,56 euros était aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue et que, par suite, la société Panzani a commis un acte anormal de gestion en cédant, sans contrepartie, les titres qu'elle détenait dans la société William A...à un prix significativement minoré ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 du jugement du 20 octobre 2011 par lesquels le Tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, déchargé la société Panzani des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle avait été assujettie au titre de son exercice clos en 2004 et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentée par la société Panzani tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt, ainsi que les pénalités correspondantes, auxquelles la société Panzani avait été assujettie au titre de son exercice clos en 2004, sont remises à sa charge.

Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1001607 du 20 octobre 2011 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par la société Panzani devant le Tribunal administratif de Montreuil tendant à la décharge des impositions litigieuses ainsi qu'au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

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N° 12VE00654 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE00654
Date de la décision : 28/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Olivier GUIARD
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : CABINET DLSI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-05-28;12ve00654 ?
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