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18/11/2014 | FRANCE | N°12VE00639

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 18 novembre 2014, 12VE00639


Vu le recours, enregistré le 22 février 2012, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 1er du jugement n° 1009453 en date du 24 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a majoré les déficits constatés par la SA LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton au titre de ses exercices clos en 2001, 2002, 2003 et 2004, respectivement à concurrence des sommes de 1 408 860 euros, 1 041 145 euros, 714 054 euros et 696 980 euros ;

2° de rétablir les rectifications apportées

aux résultats déficitaires de la société, en excluant les sommes précitées...

Vu le recours, enregistré le 22 février 2012, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 1er du jugement n° 1009453 en date du 24 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a majoré les déficits constatés par la SA LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton au titre de ses exercices clos en 2001, 2002, 2003 et 2004, respectivement à concurrence des sommes de 1 408 860 euros, 1 041 145 euros, 714 054 euros et 696 980 euros ;

2° de rétablir les rectifications apportées aux résultats déficitaires de la société, en excluant les sommes précitées ;

Il soutient que :

- en vertu de l'article 38 du code général des impôts, les redevances perçues doivent être retenues pour leur montant brut afin de déterminer le résultat fiscal de l'entreprise, la retenue à la source ne constituant éventuellement qu'un crédit d'impôt imposable, puis imputable sur l'impôt sur les sociétés payé afin d'éliminer la double imposition ;

- si l'article 39-1-4° du code général des impôts autorise la déductibilité des impôts mis à la charge des entreprises, il résulte tant de la jurisprudence du Conseil d'Etat que de la doctrine administrative que l'impôt frappant à l'étranger un bénéfice imposable en France n'est déductible qu'en l'absence de stipulations conventionnelles internationales y faisant obstacle et, ce y compris dans l'hypothèse où le contribuable serait déficitaire et ne pourrait effectivement imputer le crédit d'impôt auquel il pourrait prétendre en application des stipulations conventionnelles ; en l'espèce, il résulte des termes de l'ensemble des conventions fiscales applicables au litige que celles-ci s'opposent à la déduction en France des retenues à la source acquittées à l'étranger par la société Givenchy SA, intégrée au groupe LVMH, à raison des redevances perçues aux Etats-Unis, en Italie, au Japon, en Corée du Sud, au Mexique, en Nouvelle-Zélande et en Chine ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, et notamment son préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, devenu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la convention signée le 19 juin 1979 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu la convention signée le 30 novembre 1979 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Nouvelle-Zélande tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu la convention signée le 30 mai 1984 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu la convention signée le 5 octobre 1989 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu la convention signée le 7 novembre 1991 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu la convention signée le 31 août 1994 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu la convention signée le 3 mars 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2014 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la SA LVMH ;

1. Considérant que la société Givenchy SA a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le service vérificateur a remis en cause la déduction de ses résultats imposables, au titre de ses exercices clos de 2001 à 2004, des retenues à la source acquittées aux Etats-Unis, en Italie, au Japon, en Corée du Sud, au Mexique, en

Nouvelle-Zélande et en Chine au titre de redevances de concessions de licences de fabrication et de commercialisation de produits dans ces Etats ; que la société Givenchy SA étant membre d'un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, à la tête duquel se trouve la SA LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton, les rectifications ainsi apportées ont conduit à minorer les déficits constatés au niveau des résultats d'ensemble du groupe au titre des exercices en cause ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève appel du jugement du 24 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rétabli les résultats déficitaires constatés par la SA LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton au titre des exercices clos de 2001 à 2004 à concurrence du montant des retenues à la source en litige ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre " ; qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. / Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue " ;

3. Considérant, en premier lieu, que la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton soutient que les dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales portent atteinte à l'équilibre des droits des parties et méconnaissent ainsi les exigences de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'elles ouvrent à l'administration un délai d'appel plus favorable que le délai de droit commun ; que, toutefois, lesdites dispositions ont pour objet de tenir compte des nécessités particulières du fonctionnement de l'administration fiscale qui la placent dans une situation différente de celle des autres justiciables ; que cette différence de situation justifie le délai complémentaire de deux mois accordé au ministre, délai dont les contribuables peuvent d'ailleurs, en provoquant

eux-mêmes la signification du jugement au ministre, réduire la durée ; qu'ainsi, la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales le 30 novembre 2011 ; que le délai de quatre mois dont, en vertu de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, le ministre disposait à compter de cette notification pour faire appel dudit jugement n'était pas expiré le 22 février 2012, date à laquelle son recours été enregistré au greffe de la Cour ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton et tirée d'une prétendue tardiveté de l'appel du ministre ne peut qu'être écartée ;

Au fond :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 4° Sous réserve des dispositions de l'article 153, les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...) " ; que, lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale réalise, dans un Etat étranger, des opérations dont le résultat entre dans ses bénéfices imposables en France, ce résultat doit, conformément à ces dispositions, être déterminé sous déduction de toutes charges ayant grevé la réalisation de ces opérations et que doivent, en principe, être regardées comme telles les impositions que l'entreprise a supportées, du fait de ces opérations, dans cet Etat ;

6. Considérant, d'autre part, que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et si, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale, il appartient néanmoins au juge, après avoir constaté que les impositions qu'une entreprise a supportées dans un autre Etat du fait des opérations qu'elle y a réalisées seraient normalement déductibles de son bénéfice imposable en France en vertu la loi fiscale nationale, de faire application, pour la détermination de l'assiette de l'impôt dû par cette entreprise, des stipulations claires d'une convention excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre Etat d'un bénéfice imposable en France ; qu'il en va ainsi, alors même que la convention prévoirait par ailleurs un mécanisme de crédit d'impôt imputable sur l'impôt français, dont cette entreprise ne serait pas en mesure de bénéficier du fait de sa situation déficitaire au cours de l'année en cause, dès lors que la convention interdit la déduction en toutes circonstances ;

En ce qui concerne la déductibilité des retenus à la source acquittées aux Etats-Unis, en Italie, au Japon, en Corée du Sud et au Mexique :

7. Considérant que le a du 1 de la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994, après avoir énoncé que, pour éviter la double imposition, " Les revenus qui proviennent des Etats-Unis, et qui sont imposables ou ne sont imposables qu'aux Etats-Unis conformément aux dispositions de la présente Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française ", stipule que " Dans ce cas, l'impôt américain n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal (...) au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. (...) " ; que de même le a du 1 de l'article 24 de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989, après avoir énoncé que, pour éviter la double imposition " Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent d'Italie et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la convention, sont également imposables en France lorsqu'ils reviennent à un résident de France ", stipule que " L'impôt italien n'est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d'impôt (...) ne peut toutefois excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus (...) " ; que, de même, le a du 1 de la convention fiscale franco-japonaise du 3 mars 1995, après avoir énoncé que, pour éviter la double imposition en ce qui concerne la France, " Les revenus qui proviennent du Japon, et qui sont imposables ou ne sont imposables qu'au Japon conformément aux dispositions de la présente Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française ", stipule que " Dans ce cas, l'impôt japonais n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt (...) ne peut excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. (...) " ; que, de même, le a du 2 de la convention fiscale franco-coréenne du 19 juin 1979, après avoir énoncé que, pour éviter la double imposition en ce qui concerne la France, " Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent de Corée et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la présente Convention peuvent également être imposés en France lorsqu'ils reviennent à un résident de France ", stipule que " L'impôt coréen n'est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d'impôt est égal (...) au montant de l'impôt payé en Corée conformément aux dispositions de ces articles. Il ne peut toutefois excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus (...) " ; qu'enfin, de la même façon, le a du 1 de l'article 21 de la convention fiscale franco-mexicaine du 7 novembre 1991, après avoir énoncé que, pour éviter la double imposition en ce qui concerne la France " Les revenus qui proviennent du Mexique, et qui sont imposables ou ne sont imposables que dans cet Etat conformément aux dispositions de la présente Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation française ", stipule que " Dans ce cas, l'impôt mexicain n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal (...) au montant de l'impôt payé au Mexique conformément aux dispositions de ces articles ; ce crédit ne peut toutefois excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de ces stipulations qu'elles excluent la possibilité de déduire l'impôt acquitté aux Etats-Unis, en Italie, au Japon, en Corée du Sud et au Mexique des revenus imposables en France, sans réserver le cas où le contribuable, résident de France, ne pourrait bénéficier, en raison de sa situation déficitaire, de l'imputation du crédit d'impôt correspondant à l'impôt acquitté à l'étranger ; que le ministre est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, qui s'est refusé à faire application des stipulations en cause, a en admis la déductibilité sur le fondement des dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ;

9. Considérant, toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton tant devant le Tribunal administratif de Montreuil que devant elle ;

10. Considérant, en premier lieu, que la société ne saurait en tout état de cause utilement se prévaloir des dispositions du 1. de l'article 220 du code général des impôts et de celles de l'article 136 de l'annexe II à ce code qui sont relatives à l'imputation des retenues à la source afférentes aux revenus de capitaux mobiliers et aux revenus de valeurs mobilières et non, comme en l'espèce, aux redevances ; que, par voie de conséquence, elle ne peut pas davantage se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions administratives commentant les dispositions en cause ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que si la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton mentionne que la position de l'administration " conduit de facto à l'imposition d'un produit inexistant à hauteur du crédit d'impôt (...) ce qui contrevient directement au principe posé par l'article 38 du code général des impôts ", elle n'apporte, à l'appui de ce moyen, aucune précision permettant d'en apprécier la portée ni, par suite, le bien-fondé ;

12. Considérant, en troisième lieu, que si l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts dispose que "Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général ", c'est, toutefois, " sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt " ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en l'espèce ces règles excluent la déduction des impôts étrangers en cause ; que, par suite, la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton ne saurait utilement faire valoir que la déduction de ces impôts de son bénéfice imposable en France est prescrite par les normes comptables qui lui sont applicables ;

13. Considérant, en quatrième lieu que, pour faire obstacle à l'application des conventions susmentionnées, la société ne peut utilement faire valoir, au nom d'un principe de non-aggravation, que l'application des stipulations précitées rendrait sa situation moins favorable que celle résultant du seul droit interne ; que la circonstance que des revenus provenant d'Etats non liés à l'Etat français par une convention fiscale auraient donné lieu à un traitement plus favorable est également sans incidence sur le présent litige ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton soutient que la non-déductibilité des impôts étrangers résultant de l'application des conventions fiscales susvisées méconnaîtrait, selon les cas, le principe communautaire de liberté d'établissement ou celui de liberté de circulation des capitaux posées le Traité instituant la Communauté européenne ; qu'elle se borne toutefois à invoquer une distinction entre sa situation et celle des contribuables ayant perçu des revenus provenant d'Etats n'ayant pas signé de convention ou ayant signé une convention ne prévoyant pas la non-déductibilité de l'impôt acquitté dans ledit Etat ; qu'elle n'invoque ainsi aucun traitement différent qui serait appliqué à des situations objectivement comparables ; que les moyens ainsi soulevés ne peuvent dès lors qu'être écartés ;

15. Considérant, enfin, que, dès lors, la société ne dispose en application des conventions fiscales en cause d'aucun crédit d'impôt dont elle serait fondée à demander le remboursement, elle ne peut se prévaloir d'aucune créance pouvant être regardée comme constituant un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, elle ne saurait soutenir que ces stipulations ont été méconnues, non plus que celles de l'article 14 de la même convention, qui, combinées à l'article 1er du premier protocole additionnel, prohibent les discriminations dans la jouissance des droits et libertés que cette convention reconnaît ;

En ce qui concerne la déductibilité des retenus à la source acquittées en

Nouvelle-Zélande et en Chine :

16. Considérant que la convention fiscale signée le 30 novembre 1979 entre la France et la Nouvelle-Zélande, après avoir énoncé au b du 1 de son article 23 que, pour éviter les doubles impositions, " Les revenus (...) provenant de Nouvelle-Zélande sont imposables en France, conformément aux dispositions de ces articles, pour leur montant brut ", stipule que " L'impôt néo-zélandais perçu sur ces revenus ouvre droit au profit des résidents de France à un crédit d'impôt qui correspond au montant de l'impôt néo-zélandais perçu mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus. Ce crédit est imputable sur les impôts visés à l'alinéa a du paragraphe 3 de l'article 2, dans les bases d'imposition desquels les revenus en cause sont compris (...) " ; que, par ailleurs le b du 2 de l'article 22 de la convention fiscale franco-chinoise du 30 mai 1984, après avoir énoncé que, pour éviter la double imposition en ce qui concerne la France " Les revenus (...) provenant de Chine sont imposables en France, conformément aux dispositions de ces articles, pour leur montant brut ", stipule que " Il est accordé aux résidents de France un crédit d'impôt français correspondant au montant de l'impôt chinois perçu sur ces revenus mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus (...) " ;

17. Considérant que ces stipulations n'excluent pas la possibilité pour une société de déduire de son bénéfice imposable en France les impôts acquittés en Nouvelle-Zélande et en Chine sur des redevances en provenance de l'un de ces Etats ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutient le ministre, sans d'ailleurs étayer son argumentation sur ce point, une telle exclusion ne résulte pas de la seule mention que les redevances provenant de Nouvelle-Zélande ou de Chine sont imposables en France " pour leur montant brut " ; que, par suite, dès lors que les stipulations précitées ne font pas obstacle à l'application des dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que les impôts acquittés en Nouvelle-Zélande et en Chine étaient déductibles des résultats de la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton ;

18. Considérant qu'il en résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a majoré les déficits constatés par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton au titre des exercices clos de 2001 à 2004, à concurrence du montant des retenues à la source acquittées par la SA Givenchy aux Etats-Unis, en Italie, au Japon, en Corée du Sud et au Mexique ;

Sur les conclusions de la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

20. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1009453 du Tribunal administratif de Montreuil du

24 novembre 2011 est annulé en tant qu'il a majoré les déficits constatés par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton au titre de ses exercices clos de 2001 à 2004 à concurrence du montant des retenues à la source acquittées par la société Givenchy aux Etats-Unis, en Italie, au Japon, en Corée du Sud et au Mexique.

Article 2 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et les conclusions présentées par la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 12VE00639 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE00639
Date de la décision : 18/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-11-18;12ve00639 ?
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