Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2012, présentée pour la Polynésie française, représentée par M. Oscar Temaru, Président, par MeA... ; la Polynésie française demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100680/1 du 20 mars 2012 en tant que le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé, sur demande de la société Electricité de Tahiti (EDT), l'avant dernier paragraphe de son arrêté n° 1636/CM du 26 octobre 2011 imposant à cette dernière le paiement d'une redevance d'occupation du domaine public pour les années antérieures à celle de l'autorisation accordée par le présent arrêté ;
2°) de rejeter la demande présentée par EDT devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ;
3°) de mettre à la charge de la société EDT une somme de 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :
- le rapport de M. Gouès, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Electricité de Tahiti (EDT) a demandé, par courrier du 5 juin 2008, à l'administration de la Polynésie française une autorisation d'exploiter deux forages existant, respectivement depuis 1986 et 1988, dans la nappe phréatique de la Punaruu, dans le but de procéder à leur extension ; que par arrêté pris en conseil des ministres le 25 octobre 2011, la Polynésie française a accordé cette autorisation, en l'assortissant, d'une part, de l'obligation pour EDT d'acquitter une redevance de 15 F CFP par m3 d'eau pompée, d'autre part, de l'obligation de régulariser au même tarif, pour l'exploitation passée, les redevances non versées depuis la mise en service de ces deux forages ; que la société EDT ayant partiellement obtenu satisfaction devant les premiers juges, le Gouvernement de la Polynésie française demande à la Cour d'annuler ce jugement alors que, par la voie de l'appel incident, la société EDT demande à la Cour d'annuler l'intégralité de l'arrêté du 25 octobre 2011 ;
Sur l'appel principal :
2. Considérant, qu'aux termes de l'article 6 de la délibération du 12 février 2004 susvisée portant composition et administration du domaine public en Polynésie française : " Nul ne peut sans autorisation préalable délivrée par l'autorité compétente, effectuer aucun remblaiement, travaux, extraction, installation et aménagement quelconque sur le domaine public, occuper une dépendance dudit domaine ou l'utiliser dans les limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous. " ; qu'aux termes de l'article 10 de cette même délibération : " L'autorité compétente fixe les revenus, redevances, droits et taxes de toutes sortes dus à raison des autorisations d'occupation et des utilisations de toute nature des dépendances du domaine public. L'autorité compétente tient compte, pour déterminer le montant des redevances dues, des avantages de toute nature procurés à l'occupant " ; que l'article 11 de la même délibération dispose : " La redevance commence à courir à compter de la date mentionnée dans l'arrêté d'autorisation.....Dans le cas où l'occupation est antérieure à l'autorisation, la redevance commence à courir à compter de l'occupation effective....C'est à l'autorité compétente qu'il appartient de déterminer la date d'exigibilité des redevances. " ; que l'article 12 précise " Les revenus, redevances, droits et taxes de toutes sortes, afférents au domaine public de la Polynésie française, recouvrées par le receveur des domaines en vertu de délibérations, arrêtés, décisions ou actes, sont soumis à la prescription quinquennale édictée par l'article 2277 du code civil. Cette prescription commence à courir à compter de la date d'exigibilité des droits et redevances " ; qu'en outre, aux termes de l'article 14 de la même délibération : " En outre, les occupations ou utilisations sans titre ni autorisation d'une dépendance du domaine public donnent lieu à recouvrement d'une indemnité dont le montant correspond à la totalité des redevances dont la Polynésie française a été frustrée, le tout sans préjudice de la répression des contraventions de grande voirie " ; qu'enfin, aux termes de l'article 2277 du code civil : " Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : Des salaires ; Des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ; Des loyers, des fermages et des charges locatives ; Des intérêts des sommes prêtées, et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts. Se prescrivent également par cinq ans les actions en répétition des loyers, des fermages et des charges locatives. " ;
3. Considérant que, pour contester la redevance qui lui a été réclamée pour les années antérieures à 2011 sur le fondement de l'article 11 précité de la délibération du 12 février 2004, la société EDT avait, devant les premiers juges, excipé de l'illégalité de cet article en tant qu'il conférait selon elle un effet rétroactif, en ce qui concerne l'exigibilité de la redevance, aux autorisations d'utilisation du domaine public fluvial ; que la Polynésie française a demandé au tribunal administratif de substituer à ce motif celui tiré de l'exigibilité des mêmes sommes au titre de l'indemnisation de l'occupation sans titre du domaine public sur le fondement de l'article 14 précité de la délibération du 12 février 2004 ; que les premiers juges n'ayant pas fait droit à cette demande, le Gouvernement de Polynésie française soutient devant la Cour qu'ils ont commis une erreur de droit en estimant que la substitution de motifs demandée privait la société requérante de garanties procédurales ;
4. Considérant, en premier lieu, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande du Gouvernement de la Polynésie française ne reposant pas sur la procédure répressive des contraventions de grande voirie, les premiers juges devaient faire droit à sa demande de substitution de motifs dans la mesure où la société EDT bénéficiait des mêmes garanties procédurales en application de l'article 14 de la délibération susvisée ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées à titre subsidiaire par la Polynésie française et tendant à limiter la portée rétroactive du mécanisme à la prescription de 5 ans prévue à l'article 2277 du code civil doivent être rejetées ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Polynésie française est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie française a annulé partiellement l'arrêté en litige ;
Sur l'appel incident :
7. Considérant, en premier lieu, que la société EDT, par la voie de l' appel incident, conteste le calcul de la redevance en soutenant qu'il devrait être effectué de façon individualisée selon une analyse reposant sur la surface du domaine public occupé et l'avantage économique qui en découle ; qu'elle n'établit cependant pas, par les documents produits, qu'une telle méthode serait plus équitable que celle consistant à taxer la quantité d'eau pompée, la circonstance que le montant de la redevance soit identique à celui appliqué à d'autres utilisateurs du domaine public fluvial n'étant pas suffisante pour établir que ce montant ne serait pas justifié ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que si la société EDT soutient qu'elle est victime d'une discrimination dans la mesure où des sociétés qui pompent également de l'eau dans le même bassin fluvial mais, contrairement à son mode de fonctionnement, ne la rejettent pas, paient une redevance identique, il ressort des pièces du dossier que la société EDT procède au pompage de l'eau dans une nappe phréatique et la rejette ensuite dans la rivière Punaruu ; qu'elle n'établit donc pas se trouver dans une situation différente de celle des autres sociétés assujetties à le même redevance ;
9. Considérant, en troisième et dernier lieu, que la société EDT ne peut utilement soutenir être assujettie à la redevance à titre rétroactif alors que c'est en qualité d'occupant sans titre, en application de l'article 14 de la délibération susvisée, qu'elle est soumise au versement d'une indemnité dont le montant correspond à la totalité des redevances dont la Polynésie française a été frustrée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société EDT une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Polynésie française et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1100680/1 en date du 20 mars 2012 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la société EDT sont rejetées.
Article 3 : La société EDT versera à la Polynésie française une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
''
''
''
''
2
N° 12PA03094