La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2013 | FRANCE | N°12PA00656

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 avril 2013, 12PA00656


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2012, présentée pour M. et MmeC..., demeurant..., par MeB... ; les époux C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001495/6 du 25 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2009 par laquelle le maire de la commune de Vincennes a refusé de soumettre au conseil municipal une délibération tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ;

2°) d'annuler la décision précitée du 21 décembre 2009 ;


......................................................................................

Vu la requête, enregistrée le 6 février 2012, présentée pour M. et MmeC..., demeurant..., par MeB... ; les époux C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001495/6 du 25 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2009 par laquelle le maire de la commune de Vincennes a refusé de soumettre au conseil municipal une délibération tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ;

2°) d'annuler la décision précitée du 21 décembre 2009 ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2013 :

- le rapport de M. Gouès, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour M. et MmeC... ;

1. Considérant que M. et Mme C...sont propriétaires de trois appartements dans un immeuble situé 5/7 rue de la Paix à Vincennes ; qu'à la suite de l'adoption du Plan Local d'Urbanisme (PLU) par une délibération du conseil municipal de la ville de Vincennes le 30 mai 2007, désignant des parcelles au titre des emplacements réservés en vue de la réalisation de programmes de logements sociaux, l'immeuble des requérants, identifié sous la parcelle n° 42, a été choisi ; que les requérants ont alors adressé, le 4 décembre 2009, un courrier au maire de Vincennes pour lui demander d'abroger ce PLU en tant qu'il classait leur bien en emplacement réservé ; que, toutefois, par un courrier du 21 décembre 2009, le maire a opposé un refus aux époux C...précisant qu' " il n'est pas envisagé de proposer au conseil municipal une délibération sur les emplacements réservés " ; que M. et Mme C...ont alors demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler ce refus ; que ce tribunal n'ayant pas fait droit à leur demande, les époux C...interjettent appel de ce jugement ;

2. Considérant que M. et Mme C...soutiennent que la décision refusant d'abroger le plan local d'urbanisme est illégale, dès lors que la commune de Vincennes était tenue d'abroger ledit plan, lui-même entaché d'illégalité ; que si les dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme font obstacle à ce que l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un document d'urbanisme soit invoquée par voie d'exception plus de six mois après son approbation, à l'occasion d'un recours exercé contre un acte pris sur son fondement, elles ne limitent pas la possibilité de présenter tant des moyens de légalité externe qu'interne dans un recours dirigé contre la décision de refus opposée à une demande d'abrogation d'un document d'urbanisme ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que si les époux C...soutiennent dans leur mémoire introductif que le jugement est irrégulier en tant qu'il aurait été rendu au terme d'une procédure non contradictoire et annoncent " ainsi qu'il sera démontré dans un mémoire ampliatif à intervenir " alors que dans ce mémoire ampliatif, on lit seulement " Le TA de Melun a rendu son jugement au terme d'une procédure non contradictoire ", ce moyen, n'étant pas assorti de précisions suffisantes, doit être écarté ;

Au fond :

En ce qui concerne la procédure d'enquête publique :

4. Considérant que les épouxC..., pour soutenir que les premiers juges ont entaché leur décision d'une contradiction de motifs en écartant le moyen tiré de l'insuffisance de l'information relative à la première enquête publique, font valoir que le Tribunal administratif de Melun ne pouvait constater que les observations émises par une dizaine de personnes s'étant déplacées lors de la première enquête publique, de même que celles émises dans une trentaine de courriers adressée à cette occasion, n'avaient pas été prises en compte lors de la seconde enquête publique, faute d'information suffisante, et ne pas en tirer les conclusions qui s'imposaient, à savoir l'annulation de la procédure ; qu'il ressort cependant du jugement attaqué que si les premiers juges ont constaté ce fait, ils ont surtout relevé que " toutefois, aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait au maire de préciser que les observations émises lors de la première enquête publique ne seraient pas prises en compte à l'occasion de la seconde " ; qu'en conséquence, le moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne l'article 1er du Premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-2 b) du code de l'urbanisme : " Dans les zones urbaines ou à urbaniser, le plan local d'urbanisme peut instituer des servitudes consistant : (...) b) A réserver des emplacements en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu'il définit (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens./ Nul ne peut-être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) " ;

6. Considérant que les époux C...soutiennent que l'article L. 123-2 b) précité du code de l'urbanisme est inconventionnel au regard de l'article 1er précité du premier Protocole additionnel à la convention européenne susvisée ; que, toutefois, eu égard d'une part aux garanties que présente la procédure d'élaboration du PLU, d'autre part au droit de délaissement dont disposent les propriétaires, prévu par les dispositions de l'article L. 123-17 du code de l'urbanisme, par laquelle ils peuvent exiger l'acquisition de leurs terrains par le bénéficiaire de l'emplacement réservé, et enfin au caractère d'intérêt général du but de mixité sociale poursuivi, la mise en oeuvre de ces dispositions ne peut, en tout état de cause, porter une atteinte excessive au droit au respect des biens, ces dispositions n'ayant pas pour finalité de priver une personne de la propriété d'un bien mais de réglementer le droit de construire ; qu'en outre, si les époux C...soutiennent que la consistance de la servitude n'est pas clairement déterminée, que les critères ne sont pas précisés par la loi et qu'en l'espèce, à Vincennes, ils sont imprécis et alternatifs et portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété, toutefois, d'une part, ils n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes et, d'autre part, il résulte de ce qui précède que les limitations apportées aux conditions d'exercice du droit de propriété par la servitude critiquée ne revêtent pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit s'en trouvent dénaturés ; qu'enfin, si les requérants font valoir que les dispositions de l'article L. 123-2 b) précités conduisent à des décisions arbitraires et que le risque de préemption serait plus élevé, ils ne l'établissent pas par les pièces produites au dossier ;

En ce qui concerne les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

8 Considérant que les époux C...soutiennent que le PLU est inconventionnel au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et font valoir qu'ils ont subi une différence de traitement dans l'exercice ou la jouissance de leur droit de propriété dans la mesure où leur situation demeure particulière par rapport à la situation juridique de l'ensemble des biens comparables à Vincennes ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que la ville de Vincennes a mis au point cinq critères alternatifs pour choisir les biens à réserver en vue de la création des logements sociaux nécessaires pour atteindre son but de mixité sociale sur le territoire de la commune ; que le critère de la mutabilité des constructions édifiées sur le terrain permet de s'assurer du caractère réalisable des opérations projetées compte tenu des caractéristiques physiques du bien ; que le critère du statut de propriété, qui vise à réserver les biens en mono-propriété ou les petites copropriétés, est justifié par le caractère plus aisé de la réalisation des opérations d'acquisition des biens réservés, et consiste ainsi en un critère objectif et raisonnable à la date du classement du bien et peu susceptible d'évolution dans le temps, le nombre de propriétaires n'étant pas appelé, même en cas de mutations, à être modifié dans des proportions significatives ; que le critère de dégradation du bâti, qui répond à l'objectif de renouvellement urbain voulu par le législateur dans le cadre de la politique de logement social, peut être qualifié d'objectif et raisonnable à la date du classement, les propriétaires pouvant toutefois toujours demander l'abrogation du classement de leur bien en se prévalant de l'erreur manifeste d'appréciation du maintien de la réserve compte tenu des travaux effectués ; qu'il en est de même en ce qui concerne le critère de vacance des logements, la création de logements sociaux pouvant être plus facilement envisagée à partir de logements vides ; qu'enfin, le critère de la répartition géographique équilibrée, dans la mesure où il ne saurait à lui seul justifier le classement d'un bien en emplacement réservé, mais ne peut être appliqué que cumulativement avec un autre des quatre critères précités, doit être regardé comme ayant un caractère subsidiaire ; qu'en conséquence, il résulte de ce qui précède que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme de Vincennes permet une distinction des biens en vue de leur classement en emplacement réservé afin de créer des logements sociaux qui repose sur des critères objectifs et raisonnables en rapport avec les buts de la loi et que, par suite, il ne méconnait pas les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, si les époux C...soutiennent que la commune de Vincennes, en raison des cinq critères énoncés par le PLU, peut classer comme emplacement réservé tout immeuble, quel qu'il soit, ils ne l'établissent pas , alors même que le témoignage du commissaire-enquêteur démontrerait selon eux le caractère arbitraire du classement de leur parcelle ; que le moyen tiré de ce que le respect des dispositions de la loi SRU ne peut justifier le choix arbitraire de la commune de Vincennes de classer leur bien en emplacement réservé n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'enfin, la circonstance qu'ils n'auraient eu connaissance des critères de choix qu'au cours de la première instance est sans influence sur la solution du présent litige ;

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation :

9. Considérant que les époux C...soutiennent en dernier lieu que la ville de Vincennes a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où leur bien ne remplit aucun des cinq critères énoncés par le PLU ; que, toutefois, il ressort du dossier que, d'une part, le bien immobilier en litige appartenant à trois copropriétaires, il répond au critère du statut de propriété, qui vise à réserver les biens en mono-propriété ou les petites propriétés ; que, d'autre part, s'ils font valoir que leur bien ne permettra pas d'accueillir un programme de logements sociaux d'envergure, aucune disposition du plan local d'urbanisme n'impose que les opérations de création de logements sociaux concernent un nombre élevé de logements ; qu'enfin, l'immeuble en litige possédant un potentiel constructible important au regard du bâti existant, des règles d'urbanisme en vigueur et de l'objectif poursuivi, le critère de mutabilité des constructions édifiées sur le terrain est également rempli ; qu'il suit de là que, le classement du bien en cause en emplacement réservé en vue de la construction de logements sociaux ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des critères fixés par la commune de Vincennes ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions en faveur de la commune de Vincennes ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête des époux C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Vincennes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

4

N° 12PA00656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00656
Date de la décision : 11/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Serge GOUES
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : JORION

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-04-11;12pa00656 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award