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05/06/2014 | FRANCE | N°12LY23631

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 05 juin 2014, 12LY23631


Vu la requête, enregistrée le 21 août 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour le GAEC " La Rivière ", dont le siège est La Rivière, quartier de Jol à Saint-Quentin-La-Poterie (30700), représenté par son gérant en exercice, Monsieur B...A... ;

Le GAEC " La Rivière " demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001093 du 22 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 février 2010 du maire de la commune de Saint-Quentin-La-Poterie refusant de lui

délivrer un permis de construire un bâtiment agricole et une maison d'habitation ...

Vu la requête, enregistrée le 21 août 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour le GAEC " La Rivière ", dont le siège est La Rivière, quartier de Jol à Saint-Quentin-La-Poterie (30700), représenté par son gérant en exercice, Monsieur B...A... ;

Le GAEC " La Rivière " demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001093 du 22 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 février 2010 du maire de la commune de Saint-Quentin-La-Poterie refusant de lui délivrer un permis de construire un bâtiment agricole et une maison d'habitation ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 février 2010 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de procéder au réexamen de sa demande ;

Le GAEC " La Rivière " soutient que sa requête est recevable ; que ce sont les dispositions du plan d'occupation des sols relatives à la création d'unités d'exploitation nouvelles qui s'appliquent à son projet ; que son projet de développer une activité d'élevage équin est réel et que le maire ne pouvait apprécier sa " solidité " ; que la présence de l'éleveur est nécessaire sur les lieux de l'élevage ; que son élevage ne présentera pas de risques sanitaires dès lors qu'il sera modeste, situé en secteur agricole et éloigné des habitations ; que l'avis de la DDAF est imprécis et ne lie pas la commune ; que l'arrêté est entaché de détournement de procédure dès lors qu'il mentionne des préoccupations esthétiques alors que le maire a délivré plusieurs permis de construire aux alentours ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué le jugement de l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu l'ordonnance en date du 22 janvier 2014 fixant la date de la clôture de l'instruction au 24 février 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 avril 2014, présenté pour la commune de Saint-Quentin-La-Poterie, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du GAEC " La Rivière " en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que la demande et la requête sont irrecevables, le GAEC " La Rivière " ne justifiant pas de sa qualité de propriétaires des parcelles en cause ; que le permis demandé aurait pu être refusé pour ce seul motif ; que le refus de permis est signé par une autorité compétente et a été transmis en préfecture ; que les articles NC1 et NC2 du plan d'occupation des sols ne permet pas la construction projetée ; qu'elle conteste le caractère agricole de l'élevage et que le dossier comporte des insuffisances ; que l'habitation n'est pas nécessaire aux besoins de l'exploitation agricole ; que la demande de permis ne prévoit aucune référence aux conditions de nettoyage, d'évacuation et de stockage des fumiers ; que la décision attaquée n'est entachée d'aucun détournement de procédure ;

Vu l'ordonnance en date du 29 avril 2014 portant réouverture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2014 :

- le rapport de Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me D...représentant la Selarl cabinet Auby, avocat du GAEC " La Rivière ", et celles de Me C...représentant Me Audouin, avocat de la commune de Saint-Quentin-la-Poterie ;

1. Considérant que, par jugement du 22 juin 2012, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande du GAEC " La Rivière " tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 février 2010 par lequel le maire de la commune de Saint-Quentin-La-Poterie a refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment agricole et une maison d'habitation ; que le GAEC " La Rivière " relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune :

2. Considérant que la circonstance que le GAEC " La Rivière " ne serait pas propriétaire du terrain d'assiette du projet est sans incidence sur la recevabilité de la demande qu'il a présentée devant le tribunal administratif dès lors que sa qualité de pétitionnaire et de destinataire de la décision en litige lui conférait la qualité pour agir et un intérêt pour le faire ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Quentin-La-Poterie devant les premiers juges ne peut être accueillie ;

Sur la légalité de l'arrêté du 24 février 2010 :

3. Considérant que, pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité portant sur la construction d'un bâtiment agricole destiné à l'élevage équin et d'une maison d'habitation, le maire de la commune de Saint-Quentin-La-Poterie s'est fondé sur quatre motifs, tenant à ce que le bâtiment d'élevage serait implanté à plus de 100 mètres de la maison, le dossier de demande ne permettait pas d'apprécier la solidité et la réalité du projet d'élevage équin et l'activité du GAEC ne nécessite pas la présence constante sur le lieu de l'exploitation de M.A..., le dossier de demande ne faisait pas état de dispositions satisfaisantes pour le traitement des déchets et effluents produits par l'activité d'élevage et présente un risque pour la salubrité publique et le projet serait de nature à accentuer le " mitage de la plaine agricole " ;

4. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article NC2 du plan d'occupation des sols : " types d'occupation et d'utilisation du sol autorisés sous conditions spéciales : Les constructions à usage d'habitation et bâtiments nécessaires aux besoins de l'exploitation agricole. Les constructions prévues y compris les bâtiments d'élevage et les serres, doivent être regroupées dans un rayon de 50 mètres autour du mas du demandeur existant à la date de publication du plan d'occupation des sols, sauf pour les unités d'exploitation autonomes nouvelles " ; que, la demande du GAEC " La Rivière " porte sur la réalisation d'une exploitation agricole nouvelle, et aucun mas n'existait à la date de publication du plan d'occupation des sols ; que, par suite, le maire de la commune de Saint-Quentin-La-Poterie ne pouvait légalement fonder son refus sur le motif que le bâtiment d'élevage serait implanté à plus de 100 mètres de la maison ;

5. Considérant qu'à l'appui de sa demande de permis de construire, le GAEC " La Rivière ", qui a déposé un dossier complet en application des articles R. 431-4 et R. 431-5 du code de l'urbanisme, a produit une notice expliquant son projet de diversifier son activité agricole, jusque-là exclusivement de cultures, par la création d'une activité d'élevage équin ; que, dans les circonstances de l'espèce, ces éléments sont suffisants pour établir la réalité et la consistance de son projet, alors même qu'aucun diplôme ou référence n'a été produit ;

6. Considérant que l'arrêté en litige indique seulement que l'habitation n'est pas nécessaire à l'activité agricole de culture exercée par le GAEC requérant, sans se prononcer sur sa nécessité au regard de l'activité d'élevage projetée ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ; qu'eu égard à sa localisation en zone agricole, à proximité d'autres élevages et à distance des habitations, ainsi qu'à sa capacité d'accueil, de six chevaux seulement, il ne ressort pas des pièces du dossier que le bâtiment agricole projeté nécessiterait des installations particulières ou représenterait un risque en termes de salubrité, dès lors que le maire de la commune de Saint-Quentin-La-Poterie n'apporte aucune précision sur les risques sanitaires afférents au projet en litige et que l'avis émis le 5 janvier 2011 par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales est défavorable compte tenu de la seule absence de précisions dans le dossier sur le nombre d'animaux, les conditions de nettoyage des boxes et les conditions de stockage et d'évacuation des fumiers ;

8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maire aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de ce que le projet en litige constitue un mitage de la plaine agricole, alors qu'il résulte des termes mêmes du règlement de la zone NC que cette zone est réservée à l'agriculture et que c'est à ce titre que les bâtiments agricoles y sont admis ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun des motifs retenus par le maire pour refuser le permis de construire sollicité par le GAEC " La Rivière " n'était fondé ;

10. Considérant, toutefois, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ; que la commune de Saint-Quentin-La-Poterie fait valoir que le maire aurait pu fonder sa décision sur le motif tiré de ce que le GAEC n'est pas propriétaire du terrain d'assiette du projet ou sur le motif tiré de ce que l'activité projetée n'a pas de caractère agricole ;

11. Considérant, d'une part, que l'activité d'élevage projetée présente un caractère agricole ;

12. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique." ; qu'aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire précise (...) L'identité du ou des demandeurs (...) La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis " ; qu'il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus ; qu'il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction de la demande de permis, la validité de l'attestation établie par le pétitionnaire ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée par le GAEC " La Rivière " comporte l'attestation qu'elle remplissait les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme pour déposer cette demande ; que, dès lors, le maire de la commune de Saint-Quentin-La-Poterie, à qui il n'appartenait pas de vérifier la qualité du pétitionnaire attestant remplir les conditions pour déposer la demande de permis de construire, n'aurait pas pu rejeter la demande au motif que le GAEC n'était pas propriétaire des terrains ;

14. Considérant que compte tenu de ce qui précède il ne résulte pas de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ces motifs ; que, par suite, il n'y a pas lieu de procéder à la substitution de motifs demandée ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GAEC " La Rivière " est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 février 2010 par lequel le maire de la commune de Saint-Quentin-La-Poterie a refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment agricole et une maison d'habitation ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

17. Considérant que le présent arrêt implique que le maire de la commune de Saint-Quentin-La-Poterie procède au réexamen de la demande du GAEC " La Rivière " ; qu'en conséquence, il y a lieu d'enjoindre au maire de procéder à ce réexamen et de lui octroyer un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt pour ce faire ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par la commune de Saint-Quentin-La-Poterie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge du GAEC " La Rivière ", qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la commune de Saint-Quentin-La-Poterie, partie perdante dans la présente instance, à verser une somme de 1 500 euros au GAEC " La Rivière " ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 22 juin 2012 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 24 février 2010 par lequel le maire de la commune de Saint-Quentin-La-Poterie a refusé de délivrer un permis de construire au GAEC " La Rivière " est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Saint-Quentin-La-Poterie de procéder à une nouvelle instruction de la demande du GAEC " La Rivière " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Saint-Quentin-La-Poterie versera une somme de 1 500 euros au GAEC " La Rivière " sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Quentin-La-Poterie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées ;

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC " La Rivière " et à la commune de Saint-Quentin-La-Poterie.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2014, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juin 2014.

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N° 12LY23631

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY23631
Date de la décision : 05/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL CABINET AUBY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-06-05;12ly23631 ?
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