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25/09/2013 | FRANCE | N°12-20256

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 2013, 12-20256


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er juin 1982 par Mme Y..., a été licenciée le 30 mai 2008 en raison de la cessation d'activité de son employeur ; que le 4 septembre 2008, la société DG et co a acquis le droit au bail de Mme Y... et a embauché Mme X... en qualité de responsable de magasin ; que le 6 octobre 2008, la salariée a conclu avec Mme Y... un protocole transactionnel relatif à l'indemnisation de son licenciement ; que le 8 octobre 2008, la société DG et co a mis fin à la p

ériode d'essai de Mme X... ; qu'estimant que cette rupture s'analysait...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er juin 1982 par Mme Y..., a été licenciée le 30 mai 2008 en raison de la cessation d'activité de son employeur ; que le 4 septembre 2008, la société DG et co a acquis le droit au bail de Mme Y... et a embauché Mme X... en qualité de responsable de magasin ; que le 6 octobre 2008, la salariée a conclu avec Mme Y... un protocole transactionnel relatif à l'indemnisation de son licenciement ; que le 8 octobre 2008, la société DG et co a mis fin à la période d'essai de Mme X... ; qu'estimant que cette rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société DG et co fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié licencié à l'occasion du transfert de l'entité économique ne peut se prévaloir de la poursuite du contrat de travail avec le cessionnaire que s'il n'a pas opté pour l'indemnisation, par le cédant, des conséquences de sa rupture ; qu'en jugeant qu'« aucune règle de droit n'interdit à la demanderesse, après avoir agi contre son premier employeur et obtenu de celui-ci une indemnisation à la suite d'une transaction signée consécutivement à son licenciement, de se prévaloir à l'encontre de la société défenderesse du transfert de son contrat auprès de cette dernière » et que Mme X... pouvait se prévaloir de la poursuite de son contrat de travail avec la société DG et co, « peu important l'accord transactionnel conclu avec son ancien employeur », bien que l'indemnisation préalable de la rupture par Mme Y... ait fait obstacle à la continuation de ce contrat avec la société DG et co, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;
2°/ qu'en toute hypothèse, le salarié qui sollicite l'indemnisation des conséquences de la rupture d'un contrat de travail est irrecevable à prétendre ensuite au maintien de ce contrat ; qu'en jugeant que Mme X... pouvait prétendre au maintien de son contrat de travail peu important qu'elle ait préalablement sollicité et obtenu l'indemnisation de sa rupture, la cour d'appel a méconnu le principe de cohérence, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'après son licenciement par le cédant la salariée était effectivement passée au service du cessionnaire, qui avait poursuivi la même activité, la cour d'appel en a exactement déduit que l'intéressée était en droit d'agir contre celui-ci au titre des conséquences de la rupture dont il avait ensuite pris l'initiative en méconnaissance des effets de l'article L. 1224-1 du code du travail, peu important qu'une transaction ait été conclue avec le cédant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/ 23/ CE du Conseil du 12 mars 2001 ;
Attendu que la cour d'appel a retenu que la salariée pouvait prétendre à obtenir de la société cessionnaire réparation du préjudice résultant de la rupture illicite du contrat de travail sans qu'il y ait lieu de prendre en compte l'indemnité transactionnelle qui lui avait été versée par le cédant ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'un salarié ne peut obtenir deux fois réparation du même préjudice, de sorte qu'il convenait de déduire des sommes mises à la charge de la société cessionnaire, en considération d'une ancienneté remontant à 1982, celles que la salariée avait obtenues de la cédante à la suite du licenciement notifié par celle-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société DG et co
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société DG et CO à payer à Madame Annie-France X... les sommes de 5. 200 ¿ à titre d'indemnité de préavis, outre 520 ¿ pour congés payés afférents, 12. 220 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 28. 000 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 1224-1 du Code du travail « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise » ; qu'il résulte des éléments du dossier que Madame Annie-France X... a été licenciée au motif d'une cessation d'activité par Madame Y... le 30 mai 2008 ; qu'il est constant que Madame Y... a cédé son droit au bail à la SARL DG et CO, avec l'agrément du bailleur, et que le cessionnaire a, au final, exercé la même activité que Madame Y... dans les locaux en question, cette décision ayant été prise par lui au moins dès le mois d'août 2008, soit avant la signature du contrat de travail avec Madame Annie-France X..., dès lors que le 5 août la SARL DG et CO écrivait à l'ensemble des fournisseurs de Madame Y... dans les termes suivants : « je me permets avec retard de vous confirmer les entretiens téléphoniques que vous avez échangés avec Madame Annie-France X.... Nous désirons continuer le partenariat que vous entretenez avec elle depuis fort longtemps. Nous avons l'intention de lui conserver ses responsabilités et nous espérons fortement à ce challenge et de stimuler notre entente à travers le temps ¿ » ; qu'il s'ensuit que la cession du droit au bail par Madame Y... à la SARL DG et CO a eu en réalité pour finalité la cession d'une entité économique rentrant dans les modalités d'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ce qui autorise Madame Annie-France X... à se prévaloir d'un transfert de son contrat de travail indépendamment du contrat régularisé le 4 septembre 2008 ; que la rupture dite de « la période d'essai » n'en est en conséquence pas une mais s'analyse en licenciement abusif ouvrant droit au profit de la salariée au bénéfice des créances habituelles peu important l'accord transactionnel conclu avec son ancien employeur ; que le jugement dont appel sera, en conséquence, confirmé dans son analyse ainsi qu'en ce qu'il a alloué à Madame Annie-France X... les sommes suivantes :-5. 200 ¿ à titre de préavis outre 520 pour les congés payés afférents,-12. 200 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-28. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1. 200 ¿ en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la Cour ne trouvant pas dans le dossier de Madame Annie-France X... des arguments lui permettant d'augmenter l'indemnité de dommages intérêts alloués en première instance ; que le jugement dont appel sera, en conséquence, confirmé dans l'intégralité de ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il convient d'estimer qu'aucune règle de droit, malgré ce que prétend la société défenderesse, n'interdit à la demanderesse, après avoir agi contre son premier employeur et obtenu de celui-ci une indemnisation à la suite d'une transaction signée consécutivement à son licenciement, de se prévaloir à l'encontre de la société défenderesse, après la rupture survenue le 9 octobre 2008, du transfert de son contrat de travail auprès de cette dernière par application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ; que dans ces conditions, il n'existe aucune raison d'enjoindre à la demanderesse de produire la transaction qu'elle a conclue avec son précédente employeur ; qu'en outre il importe de considérer que :- la société défenderesse exerce le même type d'activité que Madame Y...,- la première, par courrier du cinq août 2008, a écrit à l'ensemble des fournisseurs du fonds de commerce afin de continuer les relations commerciales avec ceux-ci,- aucune modification n'apparaît en ce qui concerne les caractéristiques de la clientèle ; que par suite c'est à juste titre que la demanderesse souligne que la cession du droit au bail est constitutive en l'occurrence d'une cession d'une entité économique ayant conservé son identité, rentrant dans les prévisions du texte précité ; que dès lors, le licenciement le 30 mai 2008 ne peut se voir reconnaître aucun effet, peu important la transaction dont il a fait ultérieurement l'objet, étant par ailleurs rappelé que dès le 25 juillet 2008, la société défenderesse cherchait à s'attacher les services de Madame X..., alors que celle-ci se trouvait toujours en fonction ; qu'il s'en déduit que le contrat de travail, nonobstant l'embauche conclue entre les parties le 4 septembre 2008, avait été en tout état de cause de plein droit transféré à la société défenderesse par application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ; qu'en conséquence, « la rupture de la période d'essai » s'analyse nécessairement comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'ancienneté de Madame X... devant en l'occurrence être fixée à l'égard de la défenderesse au 1er juin 82 ;
1° ALORS QUE le salarié licencié à l'occasion du transfert de l'entité économique ne peut se prévaloir de la poursuite du contrat de travail avec le cessionnaire que s'il n'a pas opté pour l'indemnisation, par le cédant, des conséquences de sa rupture ; qu'en jugeant qu'« aucune règle de droit n'interdit à la demanderesse, après avoir agi contre son premier employeur et obtenu de celui-ci une indemnisation à la suite d'une transaction signée consécutivement à son licenciement, de se prévaloir à l'encontre de la société défenderesse du transfert de son contrat auprès de cette dernière » et que Madame X... pouvait se prévaloir de la poursuite de son contrat de travail avec la société DG et CO, « peu important l'accord transactionnel conclu avec son ancien employeur », bien que l'indemnisation préalable de la rupture par Madame Y... ait fait obstacle à la continuation de ce contrat avec la société DG et CO, la Cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du Code du travail ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, le salarié qui sollicite l'indemnisation des conséquences de la rupture d'un contrat de travail est irrecevable à prétendre ensuite au maintien de ce contrat ; qu'en jugeant que Madame X... pouvait prétendre au maintien de son contrat de travail peu important qu'elle ait préalablement sollicité et obtenu l'indemnisation de sa rupture, la Cour d'appel a méconnu le principe de cohérence, ensemble l'article L. 1224-1 du Code du travail ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse, le salarié ne peut obtenir, à deux reprises, l'indemnisation de la rupture du même contrat de travail ; qu'en jugeant que Madame X... pouvait solliciter de la société DG et CO des indemnités pour licenciement « peu important l'accord transactionnel conclu avec son ancien employeur » qui l'avait indemnisée des conséquences de la rupture du même contrat de travail transféré, la Cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale, ensemble les articles L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-20256
Date de la décision : 25/09/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Licenciement - Licenciement par l'employeur sortant - Continuation du contrat de travail par le cessionnaire - Rupture ultérieure - Mise en cause du cessionnaire - Demande portant sur les conséquences de la rupture du contrat de travail - Réparation du préjudice - Dommages-intérêts - Montant - Fixation - Modalités - Détermination

Un salarié ne peut obtenir deux fois réparation du même préjudice. Doit en conséquence être cassé l'arrêt qui, après avoir retenu que le salarié licencié à l'occasion d'un transfert d'entreprise pouvait prétendre obtenir de la société cessionnaire réparation du préjudice résultant de la rupture illicite du contrat de travail, fixe le montant des condamnations à la charge de celle-ci sans prendre en compte les sommes obtenues par le salarié à la suite de son licenciement par le cédant


Références :

Directive 2011/23/CE du Conseil du 12 mars 2001

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 avril 2012

Sur le n° 1 : Sur la possibilité pour le salarié d'engager une action contre l'employeur cessionnaire en cas de continuation du contrat de travail, à rapprocher :Soc., 13 mai 2009, pourvoi n° 08-40447, pourvois n° 08-40.447 et 08-40.898, Bull. 2009, V, n° 127 (cassation). Sur le n° 2 : Sur une autre application du principe selon lequel un salarié ne peut obtenir deux fois réparation du même préjudice, à rapprocher :Soc., 30 juin 2010, pourvoi n° 09-40347, Bull. 2010, V, n° 154 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 sep. 2013, pourvoi n°12-20256, Bull. civ. 2013, V, n° 200
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, V, n° 200

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Weissmann
Rapporteur ?: M. David
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.20256
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