Vu le recours, enregistré le 11 août 2011, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0910656 du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. A...une somme de 500 euros ainsi que la somme de 1 565,28 euros au titre des frais d'expertise et a mis à sa charge une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
2°) de rejeter, en statuant par la voie de l'évocation, la demande présentée par M. A...devant le Tribunal Administratif de Versailles comme non fondée en toutes ses prétentions ;
Le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE soutient, en premier lieu, qu'il n'est pas établi que le régime d'engagement de la responsabilité de l'administration pénitentiaire est celui de la faute simple mais qu'à le supposer établi, celui-ci tient compte des contraintes particulières qui pèsent sur celle-ci ; que, pour donner lieu à indemnisation, le préjudice doit être certain et avoir pour cause directe une faute commise par l'administration ; qu'enfin, il doit exister un lien de causalité entre la faute et le préjudice ; qu'en deuxième lieu, le tribunal a commis une erreur de droit ; qu'il a retenu que la cellule ne disposait pas d'une ventilation mécanique ; que l'aération requise résulte de l'application des articles D. 350 et D.351 du code de procédure pénale et qu'aucune ventilation mécanique n'est prévue ; que, dès lors, le jugement est erroné ; qu'en troisième lieu, le tribunal devait rechercher si le préjudice moral était établi ; qu'il ne ressort pas toutefois des pièces du dossier que M. A...aurait été exposé à de graves souffrances psychiques ; qu'en quatrième lieu, s'agissant de l'erreur d'appréciation, le tribunal a retenu à... ; que le griefs invoqués ne permettent pas de conclure à cette méconnaissance ; que l'absence de ventilation mécanique de la cellule n'est pas au nombre des griefs permettant de conclure à la méconnaissance de ce principe ; qu'en cinquième lieu, s'agissant de la violation de l'article D. 189 du code de procédure pénale, le requérant ne saurait se fonder sur des considérations générales pour soutenir qu'à Nanterre les conditions de détention sont indignes ; qu'en l'espèce, la maison d'arrêt de Nanterre est soumise à des contrôles et à des vérifications réguliers et que les cellules correspondent au standard défini par le cahier des clauses techniques particulières ; que si l'article 716 du code de procédure pénale prévoit un encellulement individuel, le même article prévoit qu'il peut être dérogé à ce principe si les intéressés en font la demande ou si leur personnalité le justifie ; qu'en outre, l'article 100 de la loi pénitentiaire du 29 novembre 2009 a prévu qu'il pouvait être dérogé à ce principe si le nombre des personnes détenues ne permettait pas son application ; qu'à la date des faits, la maison d'arrêt de Nanterre souffrait d'une surpopulation chronique ; que le détenu a lui-même souhaité être placé en cellule double, et l'administration y était favorable, M. A...paraissant jeune et fragile ; que ses cohabitations avec ses codétenus se sont bien passées et qu'il n'a pas souffert d'une promiscuité imposée ; qu'il n'a pas passé 22 heures sur 24 en cellule puisqu'il a demandé à travailler ; qu'il bénéficiait de deux promenades par jour et participait assez régulièrement aux activités de son secteur de détention ; que s'agissant de la ventilation et de la luminosité dans les cellules, les fenêtres sont suffisantes pour l'entrée de la lumière naturelle et le renouvellement de l'air frais ; que s'agissant du système de ventilation des cellules, les bouches sont souvent obstruées par les détenus eux-mêmes et utilisées par ceux-ci comme cachettes ; que lorsque les surveillants les démontent pour récupérer les objets, ils ne remettent pas toujours en place le système après leur intervention ; que le chauffage est suffisant ; que s'agissant des deux douches, leur utilisation est conforme à l'article D. 358 du code de procédure pénale ; que seule l'une des deux portes n'était pas détalonnée et ne permettait pas une aération suffisante ; que les repas sont placés sur des chariots chauffants et la température maintenue ; que, compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, l'article D. 189 du code de procédure pénale n'a pas été méconnu ; qu'en sixième lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'a pas davantage été méconnu ; qu'à supposer que la Cour considère que les conditions de détention n'étaient pas optimales, elles ne sauraient atteindre le seuil de gravité requis pour impliquer la méconnaissance de cet article ; qu'en outre, il n'y a pas eu d'abstention volontaire d'agir de l'administration pénitentiaire face à une situation indigne pour les détenus ; qu'au cas où la Cour estimerait qu'il y a un préjudice, la somme demandée est excessive ; que les conclusions présentées en première instance à fin d'injonction doivent être rejetées ; que M. A...ne précise pas en quoi les prescriptions du règlement sanitaire départemental auraient été méconnues ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 1er mars 2013 :
- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,
- et les observations de Me C...et MeB..., pour M. A...;
1. Considérant que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE relève régulièrement appel du jugement du 8 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. A...une somme de 500 euros ainsi que la somme de 1 565,28 euros au titre des frais d'expertise, en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de sa détention à la maison d'arrêt de Nanterre, où il a été incarcéré du 15 février 2009 au 5 juin 2010 pendant une durée de seize mois, sa condamnation étant intervenue en fin de peine le
25 mai 2010 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article D. 349 du code de procédure pénale : " L'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d'hygiène et de salubrité, tant en ce qui concerne l'aménagement et l'entretien des bâtiments, le fonctionnement des services économiques et l'organisation du travail, que l'application des règles de propreté individuelle et la pratique des exercices physiques " ; qu'aux termes des articles D. 350 et D. 351 du même code : " Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération " ; " Dans tout local où les détenus séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle. L'agencement de ces fenêtres doit permettre l'entrée d'air frais. La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer leur vue. Les installations sanitaires doivent être propres et décentes. Elles doivent être réparties d'une façon convenable et leur nombre proportionné à l'effectif des détenus ". ; qu'aux termes de l'article D. 354 du code de procédure pénale : " Les détenus doivent recevoir une alimentation variée, bien préparée et présentée, répondant tant en ce qui concerne la qualité et la quantité aux règles de la diététique et de l'hygiène, compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de la nature de leur travail et, dans toute la mesure du possible, de leurs convictions philosophiques ou religieuses " ; qu'enfin, aux termes de l'article 716 du même code, applicable à compter du 24 novembre 2009 : " Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés en cellule individuelle. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants : 1° Si les intéressés en font la demande ; 2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'ils ne soient pas laissés seuls ; 3° S'ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d'organisation l'imposent. Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placés en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des personnes détenues qui y sont hébergées. Celles-ci doivent être aptes à cohabiter. Leur sécurité et leur dignité doivent être assurées " ;
3. Considérant que M. A...ne peut utilement se prévaloir des prescriptions du règlement sanitaire départemental qui ne sont pas applicables dans les lieux de détention ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a été placé, à sa demande et avec avis favorable de l'administration pénitentiaire en cellule avec un autre détenu ; que les cellules successivement occupées par M. A...avec un autre détenu mesuraient au moins 8,90 mètres carrés selon le constat d'expertise, soit, en l'espèce, une dimension acceptable dès lors que la surface personnelle allouée à chaque détenu dépassait 4 mètres carrés ; qu'il n'est pas contesté que cette cohabitation s'est bien déroulée ; que, si le dispositif d'aération y était défectueux ce qui ressort du rapport produit par l'expert mais aussi des écritures de l'administration pénitentiaire qui admet que, après avoir vérifié lors des fouilles, que ces gaines ne contenaient pas d'objets cachés, les gardiens ne les remettaient pas nécessairement en place, qu'elles étaient bouchées par les détenus eux-mêmes et que le seul moyen d'aération se trouvait être la fenêtre, le requérant ne soutient ni n'allègue qu'il n'aurait pu faire usage de celle-ci ; que le chauffage au sol permettait d'atteindre 16 degrés et si les conditions de chauffage pour atteindre les 19 degrés prévus n'étaient pas adaptées, ce fait était imputable à la fois à l'administration et aux détenus s'agissant de l'impossibilité d'utiliser les conduits ; qu'un certain inconfort pouvait en résulter tant en hiver qu'en été, lors des fortes températures, qu'il n'est pas établi que les repas seraient parvenus à destination à la bonne température et qu'en outre, l'administration ne conteste pas l'aération défectueuse d'une des deux douches qui résulte du constat de l'expert ;
5. Considérant que, si certains des faits ci-dessus décrits peuvent être regardés comme des dysfonctionnements matériels et à supposer même que certains d'entre eux puissent être regardés comme fautifs, en l'absence d'un préjudice clairement établi par le requérant, qui ne démontre ni son caractère indemnisable, ni son existence, ni, par aucun élément précis, le préjudice moral dont il fait état, et compte tenu de la durée de sa détention de seize mois, la responsabilité de l'administration pénitentiaire ne peut être engagée sur ce terrain ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens soulevés par le requérant tant devant le Tribunal que devant la Cour ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article D. 189 du code de procédure pénale : " A l'égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale " ;
8. Considérant que le requérant soutient qu'il aurait été maintenu en cellule 22 heures sur 24 ; que, toutefois, il ne conteste pas qu'il a pu travailler à sa demande, qu'il bénéficiait de deux promenades par jour et participait assez régulièrement aux activités de son secteur de détention ; que s'il fait valoir que la surpopulation carcérale aurait été chronique à la maison d'arrêt de Nanterre, cette circonstance est sans influence sur la solution du litige dès lors que cette situation générale n'a pas eu d'effet direct sur ses conditions personnelles de détention ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'aucun des griefs formulés par M. A...à l'encontre de l'administration pénitentiaire n'est constitutif, au regard de sa gravité ou de son intensité, d'une atteinte à la dignité inhérente à la personne humaine, tant en application de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que de l'article D. 189 du code de procédure pénale ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à la demande de M. A...;
Sur les conclusions de M. A...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, la somme de 1 500 euros que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0910656 du 8 juillet 2011, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. A...une somme de 500 euros ainsi que la somme de 1 565,28 euros au titre des frais d'expertise et a mis à la charge de l'Etat, une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Versailles et ses conclusions d'appel sont rejetées.
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