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07/12/2012 | FRANCE | N°11PA02625

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 07 décembre 2012, 11PA02625


Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2011, présentée pour Mme Héloïse B, demeurant ..., par Me Bondiguel ; Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0810708 en date du 29 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2001 et à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 ;

2°) de prononcer la réduction et

la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somm...

Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2011, présentée pour Mme Héloïse B, demeurant ..., par Me Bondiguel ; Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0810708 en date du 29 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2001 et à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 ;

2°) de prononcer la réduction et la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 novembre 2012 :

- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- et les observations de Me Bondiguel, avocat de Mme B ;

1. Considérant que la société civile immobilière " Château de Brécy ", qui a été constituée le 25 février 1992 par Mme B, ses parents et les membres de sa fratrie, a acquis la nue-propriété d'un château classé monument historique, situé à Saint-Gabriel-Brécy dans le département du Calvados ; que Mme B a, d'une part, imputé sur son revenu global des déficits fonciers, à concurrence de 115 520 euros en 2001 et de 27 382 euros en 2002, et, d'autre part, déduit de son revenu global des charges foncières, à concurrence de 38 506 euros en 2001 et de 9 127 euros en 2002 ; que ces différentes sommes correspondent à la part de travaux réalisés sur le monument dont elle avait effectivement assumé la charge ;

2. Considérant qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces, le service vérificateur a notamment remis en cause l'imputation et la déduction de ces sommes et a assujetti Mme B à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2001 et 2002 ;

3. Considérant que Mme B relève appel du jugement en date du 29 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions en tant qu'elles se rapportent aux rectifications résultant de la remise en cause des imputations et déductions litigieuses ;

Sur les conclusions à fins de réduction et de décharge des impositions litigieuses :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification adressée à Mme B, nue-propriétaire du château de Brécy par l'intermédiaire d'une société civile immobilière, le service a fondé les rectifications litigieuses sur le motif tiré de ce que le démembrement de propriété ne résultait ni d'une succession, ni d'une donation, mais d'un acte de vente ; que, pour contester ces rectifications, Mme B s'est bornée à faire valoir que : " selon l'organisme "La Demeure historique", il apparaît que les propriétaires d'immeubles historiques ou assimilés sont autorisés à déduire de leur revenu global sans limitation le montant des travaux effectivement payés concernant lesdits immeubles. / Il en est de même pour le nu-propriétaire d'un immeuble historique lorsque les travaux de grosses réparations sont engagés par lui en application de l'article 605 du code civil, ce qui est le cas " ; que, pour rejeter les observations de Mme B, le service lui a répondu que : " L'article 156-1-3° du code général des impôts dispose que l'imputation des déficits fonciers s'effectue sur les bénéfices des dix années postérieures. Cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires de monuments classés monuments historiques ni aux nus-propriétaires pour le déficit foncier qui résulte des travaux qu'ils payent en application des dispositions de l'article 605 du code civil, lorsque le démembrement de propriété d'un immeuble bâti résulte de succession et de donation entre vifs. / Après vérification, le démembrement de propriété de l'immeuble concerné résulte d'une mutation à titre onéreux et non pas d'une donation entre vifs ou d'une succession. / En conséquence, le nu-propriétaire ne peut déduire aucunes charges du revenu global " ; qu'eu égard au caractère sommaire des observations de Mme B, qui n'avait apporté aucune précision particulière sur les chefs de rectification contestés, la réponse du service doit être regardée comme suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la réponse aux observations du contribuable ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la rectification relative aux déficits fonciers :

S'agissant de l'application de la loi fiscale ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : / I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement. / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : / (...) / 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires de monuments classés monuments historiques (...) ni aux nus-propriétaires pour le déficit foncier qui résulte des travaux qu'ils payent en application des dispositions de l'article 605 du code civil, lorsque le démembrement de propriété d'un immeuble bâti résulte de succession ou de donation entre vifs, effectuée sans charge ni condition et consentie entre parents jusqu'au quatrième degré inclusivement. / (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts que, si les propriétaires des monuments historiques peuvent imputer un déficit foncier sur leur revenu global, les nus-propriétaires de tels monuments ne peuvent l'imputer que sur leurs revenus fonciers lorsque le démembrement de propriété ne résulte ni d'une succession, ni d'une donation entre vifs ;

8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au paragraphe n° 1 ci-dessus, Mme B ne détient, avec les membres de sa famille nucléaire et par l'intermédiaire d'une société civile immobilière, que la nue-propriété d'un monument historique ; qu'il est constant que le démembrement de propriété de ce monument ne résulte ni d'une succession, ni d'une donation entre vifs, mais d'un acte de vente ; qu'ainsi, n'étant pas respectées en l'espèce les conditions prévues par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts pour l'imputation sur leur revenu global, par les nus-propriétaires d'un immeuble, des déficits fonciers qui s'y rapportent, Mme B n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a remis en cause l'imputation sur son revenu global des déficits litigieux, et ce, alors même qu'ils se rapporteraient à un monument historique ;

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale ;

9. Considérant que Mme B ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative 5 B 2428, à jour au 1er septembre 1999, et notamment de ses paragraphes n° 82 et suivants, qui, en tout état de cause, ne donnent de la loi fiscale aucune interprétation autre que celle dont il est fait application par le présent arrêt ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la rectification relative aux charges foncières :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : / (...) / II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : / (...) / 1° ter. Dans les conditions fixées par décret, les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques (...) " ; qu'aux termes de l'article 41 E de l'annexe III au code général des impôts : " Dans la mesure où elles ne sont pas déduites des revenus visés à l'article 29, deuxième alinéa, du code général des impôts, les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques (...) et dont le propriétaire se réserve la jouissance peuvent être admises en déduction du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu dans les conditions et limites définies aux articles 41 F à 41 I " ; qu'aux termes de l'article 41 F de cette annexe, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. Les charges visées à l'article 41 E comprennent tout ou partie des dépenses de réparation et d'entretien ainsi que des autres charges foncières énumérées aux a à d du 1° et au a du 2° du I de l'article 31 du code général des impôts. / Ces charges sont déductibles pour leur montant total si le public est admis à visiter l'immeuble et pour 50 p. 100 de leur montant dans le cas contraire. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 41 I de ladite annexe : " Pour l'application des articles 41 F et 41 H, un arrêté détermine les conditions auxquelles il doit être satisfait pour que l'immeuble soit considéré comme ouvert au public " ; qu'aux termes de l'article 17 ter de l'annexe IV au code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Sont réputés ouverts à la visite au sens de l'article 41 I de l'annexe III au code général des impôts les immeubles que le public est admis à visiter au moins : / soit cinquante jours par an dont vingt-cinq jours fériés au cours des mois d'avril à septembre inclus ; / soit quarante jours pendant les mois de juillet, août et septembre " ; qu'aux termes de l'article 17 quater de cette annexe : " Le propriétaire est tenu de déclarer avant le 1er février de chaque année les conditions d'ouverture de son immeuble au délégué régional du tourisme. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 17 quinquies de la même annexe, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour l'application du I de l'article 41 F et de l'article 41 H de l'annexe III au code général des impôts, le récépissé de la déclaration visée à l'article 17 quater est joint à la déclaration des revenus de l'année considérée " ;

11. Considérant, d'une part, que, dans le cas où un immeuble fait l'objet d'un démembrement du droit de propriété entre un nu-propriétaire et un usufruitier, les charges foncières correspondant aux dépenses de réparation se rapportant à cet immeuble sont déductibles du revenu global de celui qui a effectivement supporté la charge de ces dépenses ; que, toutefois, ce dernier ne peut déduire que les charges qui auraient été déductibles si la propriété n'avait pas été démembrée ;

12. Considérant, d'autre part, qu'eu égard aux termes des articles 156 du code général des impôts et 41 F de l'annexe III à ce code, les arrêtés dont procèdent les articles 17 quater et quinquies de l'annexe IV au même code ne peuvent légalement prescrire l'obligation de déclaration et de production du récépissé à peine de refus de l'avantage fiscal sollicité ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le château de Brécy, dont il est constant que Mme B s'est en partie réservée la jouissance, était ouvert au public au cours des années en litige ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux paragraphes n°s 11 et 12 ci-dessus, et contrairement à ce que se borne à faire valoir l'administration, que les circonstances que Mme B, d'une part, ne soit que nue-propriétaire de ce monument historique, par l'intermédiaire d'une société civile immobilière, et, d'autre part, n'ait pas joint à ses déclarations de revenus des années en litige le récépissé de la déclaration visée à l'article 17 quater de l'annexe IV au code général des impôts, ne font pas obstacle à ce qu'elle puisse déduire de son revenu global les charges foncières correspondant audit monument et qu'elle a effectivement supportées ; qu'il s'ensuit que Mme B est fondée à soutenir que c'est à tort que le service a remis en cause la déduction de ses revenus globaux des années 2001 et 2002 des charges litigieuses, à concurrence de 38 506 euros en 2001 et de 9 127 euros en 2002 ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002 en tant qu'elle se rapportent à la rectification résultant de la remise en cause de la déduction des charges foncières ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, le versement à Mme B de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Mme B est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002 en tant qu'elles se rapportent à la rectification résultant de la remise en cause de la déduction des charges foncières, à concurrence de 38 506 euros en 2001 et de 9 127 euros en 2002.

Article 2 : Le jugement n° 0810708 du Tribunal administratif de Paris en date du 29 mars 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B est rejeté.

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N° 11PA02625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02625
Date de la décision : 07/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable - Montant global du revenu brut.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable - Charges déductibles.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : BONDIGUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-07;11pa02625 ?
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