Vu la requête, enregistrée le 26 octobre 2011, présentée pour la commune de Vitré, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal du 27 mars 2008, par Me Martin, avocat au barreau de Rennes ; la commune de Vitré demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903725 en date du 31 août 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de Mme E... -C..., annulé la délibération du conseil municipal de Vitré du 12 juin 2009 procédant au retrait d'une précédente délibération du 20 mars 2009 approuvant les conditions de vente du lot E1 du Parc d'activités du Bas Fougeray à Mme Martin- C... et à M. B..., agissant pour le compte de la société civile d'attribution (SCA) MetB en voie de constitution, et validant le protocole d'accord du 15 janvier 2009 conclu entre ces associés et la commune de Vitré ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... -C... devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de Mme E... -C... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- le jugement est irrégulier ; en annulant totalement, et non partiellement, ainsi qu'il lui était demandé, la délibération du 12 juin 2009, le tribunal administratif n'a pas statué dans la limite des conclusions dont il était saisi ;
- la demande de première instance n'est pas recevable ; Mme D... et M. B... n'étant pas désignés en qualité d'acquéreur en leur nom propre, mais en tant qu'agissant pour le compte de la SCA MetB, l'intimée ne pouvait se prévaloir de ce que le retrait de cette décision lui faisait personnellement grief ; le retrait ne peut être regardé comme intervenu à la demande du bénéficiaire ;
- les premiers juges ont commis plusieurs erreurs de droit ; une décision individuelle- créatrice ou non de droits- peut être retirée à tout moment à la demande de l'intéressé ; M. B..., représentant la société en cours de constitution, a pu solliciter seul de la commune de Vitré, par courrier du 18 mai 2009, la remise en cause du protocole d'accord signé le 16 janvier précédent ; la Ville a ainsi pu prononcer le retrait de la délibération du 20 mars 2009 ;
- les termes du courrier de M. B... du 18 mai 2009 attestent de ce que le projet de constitution de la SCA MetB était abandonné, de sorte que la vente ne pouvait plus être passée à son profit ; la vente du lot E1 n'aurait pu intervenir dans les conditions organisées par la délibération du 20 mars 2009 du fait de la défaillance financière de l'acquéreur ; en retirant cette délibération, le conseil municipal s'est borné à prendre acte du non respect des accords entre les membres de la société et de la demande d'annulation du protocole d'accord par M. B... ; les conditions du protocole d'accord n'étaient plus satisfaites, permettant ainsi à la Ville de se désengager ;
- la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, ne pourra qu'écarter les autres moyens de la requête dirigée contre la délibération du 12 juin 2009 ; cette délibération respecte les dispositions de l'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales, puisqu'il a pu être justifié de ce que l'ordre du jour et la note explicative de synthèse ont été transmis aux conseillers municipaux cinq jours francs avant la réunion du conseil du 12 juin 2009, ainsi que celles de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dès lors que la décision du 20 mars 2009 ne constitue pas une décision créatrice de droits au profit de Mme E... -C..., que son retrait a été demandé par son bénéficiaire, et que l'intéressée a été mise à même de présenter ses observations ; le conseil municipal était compétent pour se prononcer sur la cession des parcelles appartenant à la commune et sur le retrait des décisions édictées en la matière ; le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2012, présenté pour Mme E... -C..., demeurant..., par SELARL Olive-Azincourt, cabinet d'avocats, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la Commune de Vitré au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- le tribunal n'a pas statué " ultra petita " dés lors que les moyens soulevés étaient de nature à justifier une annulation totale, que l'annulation de la délibération du 20 mars 2009 représentait l'objet principal de la délibération du 12 juin et que la disparition de la désignation d'un expert et de l'autorisation donnée au maire pour signer les actes de vente ne sont que la conséquence directe et obligée de l'annulation de la délibération contestée ;
- la fin de non recevoir opposée à sa demande doit être écartée, dès lors qu'elle intérêt à agir contre un acte qui l'affecte particulièrement, son nom étant mentionné dans le protocole d'accord ; dès lors que la société n'était pas constituée, il appartenait à la commune de Vitré de s'assurer auprès des deux associés de la volonté de retirer la délibération du 20 mars 2009 ; son accord était ainsi indispensable ; la décision retirée était créatrice de droits à son profit ; elle s'est acquittée le 16 mars 2009 du versement de l'acompte prévu de 10 % du prix de vente du terrain ; elle a déposé une demande de permis de construire, obtenu une autorisation de la CDAC et fait immatriculer la SCI Temacle Invest ;
- en annulant la délibération de retrait, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de droit ; le retrait d'une décision explicite créatrice de droit ne peut intervenir à tout moment qu'à la demande du bénéficiaire ; en vertu de l'article 1843 du code civil, le retrait d'un acte, dont les bénéficiaires représentent une société non encore constituée, doit intervenir avec l'accord de tous ces bénéficiaires ; la possibilité pour la commune de se désengager unilatéralement n'était prévue qu'au bout de 18 mois ; or, le protocole a été rompu au bout de 6 mois seulement ; il n'est pas démontré que la condition relative à la signature d'un acte notarié n'aurait pas été satisfaite à l'avenir ;
- au fond, il n'est pas contestable que la note de synthèse n'est pas visée dans la délibération contestée ; elle ne respecte donc pas l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ; les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ont été méconnues, en l'absence de procédure contradictoire ; or, les décisions qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droit doivent être motivées et rentrent dès lors dans le champ de ces dispositions ;
- une décision approuvant un contrat constitue une décision créatrice de droits ; le conseil municipal ne pouvait retirer la décision que pour illégalité dans le délai de 4 mois ; or, la délibération du 20 mars 2009 ne comportait aucune illégalité justifiant son retrait ; en outre, la demande de retrait n'a été faite que par M. B..., sans qu'elle en soit informée ;
- la délibération du 12 juin 2009 est également entachée d'incompétence et de détournement de pouvoir ; la commune n'avait aucune compétence pour se prononcer sur l'état d'avancement de la constitution de la SCA MetB, cette question relevant du droit privé ; en outre, il apparait que des tractations ont eu lieu entre M. B... et la commune aux fins d'attribuer la cession de l'îlot à la SCA Baratière ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 février 2012, présenté pour la SCA Baratière, dont le siège social est 108 bis, boulevard de Laval à Vitré (35500), par Me Bois, avocat au barreau de Rennes, qui tend aux mêmes fins que la requête de la commune de Vitré et demande que soit mise à la charge de Mme E... -C... une somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans chacune des procédures de première instance et d'appel ;
elle soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable ; Mme E... -C... ne pouvait se prévaloir d'un soi-disant retrait d'une décision créatrice de droit à son profit ; dès lors elle n'avait pas qualité ni intérêt pour agir aux fins d'annulation de la délibération du 12 juin 2009 ;
- la délibération litigieuse n'est pas entachée d'erreur de droit ; Mme E... -C... et M. B... ne sont pas intervenus isolément, ni en leur nom propre, mais en qualité de co-gérants de la SCA MetB ; dés lors la délibération du 20 mars 2009 n'a pu créer de droits qu'au profit de la SCA ; si l'on doit admettre que la délibération du 20 mars 2009 est un acte créateur de droits, son retrait est intervenu à la demande d'un représentant légal du bénéficiaire et donc dans des conditions régulières ;
- la délibération du 20 mars 2009 ne pouvait que se référer aux termes du protocole d'accord signé en janvier 2009, lequel restait soumis à la condition essentielle des capacités de règlement du prix par l'acquéreur selon les modalités indiquées au protocole ; or, à la date de la délibération contestée, ces conditions financières ne pouvaient être tenues au vu des courriers échangés notamment avec Mme E... -C... ;
- elle se joint aux conclusions de la commune de Vitré pour considérer également qu'aucun des autres moyens de l'intéressée n'est de nature à justifier l'annulation de la délibération contestée, de sorte que sa demande doit être rejetée ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2012, présenté pour Mme E... -C... qui conclut au rejet de la requête, et des conclusions de la SCA Baratière, par les mêmes moyens, et demande que soit mis à la charge respective de la commune de Vitré et de la SCA Baratière le versement à son profit de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 18 octobre 2013 :
- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
- les conclusions de Me Olive, avocat de Mme E... -C... ;
- et les conclusions de MeA..., substituant Me Bois, avocat de la SCA Baratière ;
1. Considérant que la commune de Vitré (Ille-et-Vilaine) interjette appel du jugement n° 0903725 en date du 31 août 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de Mme E... -C..., annulé la délibération du conseil municipal de Vitré du 12 juin 2009 procédant au retrait d'une précédente délibération du 20 mars 2009 approuvant les conditions de vente du lot E1 du Parc d'activités du Bas Fougeray à Mme E... -C... et à M. B..., agissant pour le compte de la société civile d'attribution (SCA) MetB en voie de constitution, et validant le protocole d'accord conclu entre ces associés et la commune de Vitré ;
Sur la légalité de la délibération du 12 juin 2009 :
2. Considérant que la délibération du 20 mars 2009 " approuve les conditions des ventes
du lot E1 au profit des acquéreurs cités ci-dessus [ M. B... et Mme E... -C... agissant pour le compte de la SCA MetB ] ou de toute personne physique ou morale qu'il leur plaira de substituer " ; que cette délibération ne pouvait être analysée comme créatrice de droits qu'au seul profit de la SCA MetB alors en cours de constitution ; qu'en outre, elle ne comportait aucune condition suspensive relative au délai dans lequel la société devait être constituée ; que le courrier présenté le 18 mai 2009 par M. B... à titre individuel demandant l'annulation du protocole d'accord et du permis de construire ne pouvait être regardé comme émanant du bénéficiaire de cette délibération, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... -C... aurait renoncé à son bénéfice, ni que la constitution de la société SCA MetB aurait été rendue impossible ; que, dans ces conditions, et en l'absence d'une demande présentée dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles avait été souscrite la demande initiale, la commune ne pouvait légalement procéder au retrait de la délibération du 20 mars 2009 par la délibération en litige ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Vitré et la SCA Baratière ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la délibération du 12 juin 2009 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
4. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E... -C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent la commune de Vitré et de la SCA Baratière au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre respectivement à la charge de la commune de Vitré et de la SCA Baratière le versement à Mme E... -C... d'une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Vitré et les conclusions de la SCA Baratière sont rejetées.
Article 2 : La commune de Vitré et la SCA Baratière verseront chacune à Mme E... -C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vitré, à Mme F... -C... et à la SCA Baratière.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2013.
Le rapporteur,
J-F. MILLET
Le président,
B. ISELIN Le greffier,
C. GOY
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N° 11NT02809