Vu la requête, enregistrée le 29 août 2011, présentée pour M. Alain A, demeurant ..., par Me Bascoulergue, avocat au barreau de Nantes ; M. A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 07-1710 du 15 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Saint-Nazaire à lui verser la somme de 277 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 19 octobre 2004 dans cet établissement ;
2°) de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 277 000 euros ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer son taux d'incapacité et d'évaluer ses préjudices ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens ainsi que la même somme au titre des frais exposés en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- et les observations de Me de Lespinay, substituant Me Bascoulergue, avocat de M. A :
1. Considérant que M. Alain A né le 3 mai 1958, a subi une ostéotomie du genou droit en 1981 puis du genou gauche en 1982 ; que le 1er juin 2004, il a été procédé à une reprise d'ostéotomie de son genou droit, laquelle a été réalisée à la polyclinique de l'Atlantique à Saint-Herblain ; qu'en raison de l'apparition de douleurs au niveau du mollet gauche, l'intéressé a subi le 19 octobre 2004, au centre hospitalier de Saint-Nazaire, une intervention chirurgicale consistant en un pontage fémoro-poplité sur la jambe gauche ; que M. A, qui est sorti de l'hôpital le 22 octobre suivant, a été victime dans les jours qui ont suivi le retour à son domicile d'une infection qui s'est révélée être un érysipèle veino-lymphatique, lequel est à l'origine de séquelles importantes ; que deux expertises ont été réalisées, l'une amiable par le docteur C, le 22 avril 2005, et l'autre à la demande de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, réalisée le 22 septembre 2005 par le docteur B, avec un complément d'expertise en date du 30 novembre 2005 ; que cette commission a rejeté le 8 février 2006 la demande indemnitaire de M. A en estimant notamment que l'érysipèle ne constituait pas une infection nosocomiale ; que l'intéressé a présenté le 5 décembre 2006 un recours préalable auprès du centre hospitalier de Saint-Nazaire, qui l'a rejeté le 10 janvier 2007 ; que M. A a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 277 000 euros en réparation de ses préjudices ; que, par un jugement du 15 juin 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que l'intéressé fait appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal administratif de Nantes, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments développés devant lui par les parties, a examiné l'ensemble des moyens soulevés par M. A à l'appui de sa demande ; qu'ainsi le jugement attaqué n'est entaché ni d'une motivation insuffisante, ni d'une omission à statuer ;
3. Considérant, par ailleurs, que contrairement à ce que soutient M. A, une complication postopératoire peut être à la fois "connue", "prévisible" et "rare" ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché en raison de ces termes d'une contradiction de motifs ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Nazaire :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : "I. - (...) les professionnels de santé (...), ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...)" / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère." ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise réalisé par le docteur B, que M. A souffrait au niveau de la jambe gauche d'un anévrisme poplité d'au moins 2 cm thrombosé avec flux artériel de suppléance ; que l'opération pratiquée au centre hospitalier de Saint-Nazaire présentait ainsi un caractère indispensable ; que selon l'expert, les moyens techniques et en personnel de santé étaient tout à fait adaptés à l'intervention, et les soins dispensés ont été conformes aux données acquises de la science ; qu'ainsi le requérant n'établit pas qu'une faute aurait été commise par l'équipe médicale à l'occasion de cette opération ou pendant les soins postopératoires qui lui ont été dispensés jusqu'à sa sortie de l'hôpital ;
6. Considérant qu'il résulte également de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise réalisés et de l'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales émis le 8 février 2006, que l'infection cutanée survenue après l'intervention subie par M. A le 19 octobre 2004 a été provoquée par une stase lymphatique apparue lors du prélèvement de la veine saphène au niveau du pli inguinal ; que la complication infectieuse de cette dermite, dont le germe n'a pas été identifié, et qui a affecté les tissus cellulo-lymphatiques sous-cutanés, est "sans rapport causal avec l'intervention elle-même" et le foyer chirurgical, lequel n'a pas été touché par l'infection et n'en a pas constitué la porte d'entrée ; que la propagation du germe a été favorisée par l'état du patient, et notamment sa surcharge pondérale, laquelle était antérieure à l'opération et ne résulte pas de l'arrêt d'activités sportives consécutif aux séquelles de l'infection ; que dès lors, ainsi d'ailleurs que l'a reconnu la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, cette infection ne pouvait en l'espèce être regardée comme présentant un caractère nosocomial susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement hospitalier sur le fondement des dispositions précitées du code la santé publique ;
7. Considérant, par ailleurs, que si M. A a déclaré lors de la seconde expertise réalisée par le docteur B que les premiers signes d'inflammation au niveau de sa jambe gauche sont apparus quelques jours après sa sortie de l'hôpital le 22 octobre 2004 et s'il soutient que le chirurgien qu'il a consulté en suivi post-opératoire n'a effectué aucun prélèvement et n'a fait procédé que le 9 décembre 2004 à des radiographies, il résulte toutefois de l'instruction que, dès l'apparition des symptômes infectieux l'intéressé a été pris en charge par son médecin traitant qui lui a prescrit un traitement antibiotique dont il n'est pas contesté qu'il était adapté à son état ; que dès lors, et alors même qu'il n'est pas établi qu'en pareilles circonstances le praticien hospitalier aurait dû procéder immédiatement à des hémocultures pour infirmer ou confirmer le caractère infectieux de l'inflammation, il ne résulte pas de l'instruction que M. A aurait été, à raison d'une faute du centre hospitalier dans le suivi des soins, privé d'une chance de nature à réduire les séquelles dont il reste atteint ;
8. Considérant enfin, qu'il est constant que l'intervention subie par M. A présentait un caractère indispensable et urgent dès lors que, comme l'indique l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l'évolution spontanée de la thrombose aurait pu être dramatique et conduire à une amputation de la jambe gauche ; qu'il n'existait aucune alternative thérapeutique ; qu'au surplus l'infection dont a été victime l'intéressé n'a pas de lien direct avec l'intervention chirurgicale en litige ; que, par suite et en tout état de cause, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été suffisamment informé des risques liés à cette opération ;
Sur l'aléa thérapeutique :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : "(...) II. - Lorsque la responsabilité (...) d'un établissement (...) n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient (...) au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret." ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que l'infection dont a été atteint M. A est sans lien direct avec l'intervention chirurgicale réalisée et ne peut être regardée comme ayant présenté des conséquences anormales au regard de l'état de santé antérieur du requérant comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; qu'elle n'entrait ainsi pas dans le champ des dispositions précitée du II de l'article L. 1142-1 du code la santé publique ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé M. A ne pouvait prétendre à une indemnisation sur le fondement de l'aléa thérapeutique ; que la circonstance que la caisse primaire d'assurance maladie a estimé que M. A présentait à la date du 1er décembre 2006 une invalidité globale réduisant d'au moins deux tiers sa capacité de travail et justifiant son classement dans la deuxième catégorie définie à l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, ou que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées réunie le 6 juin 2007 lui a reconnu un taux d'incapacité totale compris entre 50 et 79 % et lui a alloué l'allocation adulte handicapé pour la période du 1er avril 2007 au 1er avril 2012, est sans incidence dès lors qu'en l'absence d'infection nosocomiale le patient ne peut prétendre à une quelconque indemnisation au titre de la solidarité nationale ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, pour les mêmes motifs, les conclusions présentées par la mutuelle nationale territoriale ne pourront qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a, ainsi qu'il était tenu de le faire, rejeté les conclusions présentées par M. A, lequel était la partie perdante dans cette instance, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées à nouveau en appel par M. A au titre de la première instance ne sont pas recevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Saint-Nazaire, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A, d'une part, et à la mutuelle nationale territoriale, d'autre part, des sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées devant la cour par la mutuelle nationale territoriale sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alain A, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, à la mutuelle nationale territoriale, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au centre hospitalier de Saint-Nazaire.
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N° 11NT02450