Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2011, présentée pour la SA Célia, dont le siège est La Chaussée aux Moines, à Craon (53400), par Me Chevalier, avocat au barreau de Paris ; la SA Célia demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 08-7037 du 19 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de recettes émis le 3 octobre 2008 par l'agent comptable de l'Office national interprofessionnel des grandes cultures pour avoir paiement de la somme de 584 794,05 euros correspondant aux restitutions à l'exportation indûment perçues par elle assorties de la sanction financière s'y rapportant ;
2°) d'annuler ce titre de perception ;
3°) subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 3§2 du règlement n°1520/2000 de la Commission du 13 juillet 2000 ;
4°) de mettre à la charge de l'Office national interprofessionnel des grandes cultures le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le règlement (CE) n° 800/1999 de la Commission du 15 avril 1999 portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles ;
Vu le règlement (CE) n° 1520/2000 de la Commission du 13 juillet 2000 établissant, pour certains produits agricoles exportés sous forme de marchandises ne relevant pas de l'annexe I du traité, les modalités communes d'application du régime d'octroi des restitutions à l'exportation et des critères de fixation de leurs montants ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 83-247 du 18 mars 1983 portant création de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers ;
Vu l'ordonnance n° 2009-325 du 25 mars 2009 portant création de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgrimer) ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, modifié par le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992, portant règlement général sur la comptabilité publique
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- et les observations de Me Chevalier, avocat de la SA Célia ;
1. Considérant que la SA Célia, qui a pour activité la fabrication de lait et de produits à base de lait, a bénéficié au titre des années 2001 et 2002, sur la base de ses déclarations, de restitutions correspondant à l'exportation en dehors de l'Union européenne de préparations de poudres de lait infantile ; qu'à la suite de contrôles diligentés par l'administration des douanes et des droits indirects en 2004 et 2005, portant sur les deux années précitées, les services ont constaté des écarts entre les quantités de composants de produits de base déclarées dans les " listes analytiques " des marchandises exportées relevant de différentes classes de produits laitiers éligibles aux restitutions et les quantités résultant des contrôles sur place effectués sur les sites de production de Craon (Mayenne) et de Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire), et ont remis en cause une partie des restitutions obtenues par la société au titre des années contrôlées ; que l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC) a demandé à la SA Célia, par un titre de perception rendu exécutoire le 3 octobre 2008 et notifié le 10 octobre 2008, le reversement d'une partie des restitutions à l'exportation perçues en 2001 et 2002, pour un montant de 389 862,70 euros assorti d'une pénalité d'un montant de 194 931,35 euros ; que la SA Célia relève appel du jugement du 19 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre de recettes ;
Sur la régularité du titre de recettes :
2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la lettre adressée par l'ONIGC le 3 octobre 2008 à la SA Célia, parallèlement à l'émission du titre de perception du même jour, et lui indiquant les sommes dont elle était redevable est sans incidence sur la régularité du titre de perception lui-même qui n'a pas été pris sur le fondement de ce courrier d'accompagnement ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 81 du décret susvisé du 29 décembre 1962 modifié : " Tout ordre de recettes doit indiquer les bases de la liquidation./(...) " ;
4. Considérant que le titre de perception du 3 octobre 2008, ainsi que la note de liquidation qui lui est jointe, mentionnent les dispositions du règlement communautaire applicables, font référence au procès-verbal de constat du service des douanes et des droits indirects du 5 avril 2006 et indiquent les motifs du reversement, fondés sur les écarts constatés entre les quantités de produits de base déclarées sur trente listes analytiques et les quantités réellement mises en oeuvre telles que résultant des formules de fabrication ; que la " note technique de liquidation " jointe en annexe retrace, dans le détail, les écarts constatés et retenus, exprimés, pour chacune des listes analytiques de préparation, en pourcentage des produits de base ayant fait l'objet de restitutions à l'exportation, ainsi que le calcul de l'indu ; que ces éléments permettaient à la société, qui disposait des informations relatives aux quantités de produits de base déclarées par elle et aux taux de restitution applicables, de connaître les modalités du calcul des sommes indues et de les discuter ; que ce titre de recettes était ainsi suffisamment motivé ;
Sur le bien-fondé de la demande de remboursement :
5. Considérant que le règlement (CE) n° 800/1999 de la Commission du 15 avril 1999 portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles, qui précise en son article premier que ces modalités communes sont établies sans préjudice des dispositions dérogatoires prévues dans la règlementation communautaire particulière à certains produits, et en particulier celles prévues pour le lait et les produits laitiers, dispose en son article 2 que : " 1. Pour l'application du présent règlement, on entend par : a) - "produits" : les produits énumérés à l'article 1er et les marchandises ; - "produits de base" : les produits destinés à être exportés après transformation en produits transformés ou en marchandises ; les marchandises destinées à être exportées après transformation sont également considérées comme des produits de base ; - "produits transformés" : les produits obtenus par la transformation de produits de base et auxquels s'applique une restitution à l'exportation, / (...) " ; que, par ailleurs en vertu des dispositions de l'article 11 de ce règlement, lors de l'exportation des produits composites bénéficiant d'une restitution à l'exportation fixée au titre d'un ou plusieurs de leurs composants, la restitution afférente à ce ou ces derniers est octroyée pour autant que le ou les composants au titre desquels elle est demandée répondent aux conditions d'éligibilité ; qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) nº 1520/2000 de la Commission du 13 juillet 2000 qui établit des modalités spécifiques d'application du régime des restitutions à l'exportation pour certains produits agricoles et en particulier pour les produits laitiers : " 1. En ce qui concerne les marchandises énumérées à l'annexe B sauf s'il y a référence à l'annexe C ou application de l'article 16, paragraphe 3, deuxième alinéa, la quantité de chacun des produits de base à retenir pour le calcul du montant de la restitution est déterminée comme suit : a) en cas d'utilisation en l'état d'un produit de base ou d'un produit assimilé, cette quantité est celle effectivement mise en oeuvre pour la fabrication de la marchandise exportée, compte tenu des taux de conversion ci-après : (...) 2. Pour l'application du paragraphe 1, sont considérés comme effectivement mis en oeuvre les produits qui ont été utilisés en l'état dans le processus de fabrication de la marchandise exportée. Lorsque, au cours d'une des phases du processus de fabrication de cette marchandise, un produit de base est lui-même transformé en un autre produit de base plus élaboré utilisé dans une phase ultérieure, seul ce dernier produit de base est considéré comme effectivement mis en oeuvre. / Les quantités de produits effectivement mises en oeuvre, au sens du premier alinéa, doivent être déterminées pour chaque marchandise faisant l'objet d'une exportation. / (...) " ;
6. Considérant, en premier lieu, que la société requérante conteste les modalités de détermination des restitutions à l'exportation retenues par l'ONIGC pour les listes analytiques de produits laitiers pour lesquels la société a déclaré mettre en oeuvre un mélange de laits de différentes teneurs en matière grasse appartenant à deux des trois classes de produits laitiers fixées par les dispositions du 1 de l'article 3 précité du règlement (CE) n° 1520/2000, soit la classe des " produits du groupe 3 " (PG3), ou celle des " produits du groupe 2 " (PG2) ou enfin celle des " produits du groupe 6 " (PG6) et a obtenu les restitutions calculées sur les quantités mises en oeuvre pour chacun de ces composants ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et notamment du procès-verbal du service des douanes et droits indirects du 5 avril 2006, que, pour les listes analytiques en litige, le produit laitier effectivement mis en oeuvre en l'état dans le processus de fabrication de la marchandise, résultant du mélange des deux produits de base initiaux, était un produit laitier relevant d'un produit du groupe 3 (PG3) ; que si ce mélange est un produit laitier au sens de la règlementation communautaire, il constituait non, comme le soutient la société, une transformation de deux produits distincts éligibles chacun aux restitutions à l'exportation au sens du règlement n° 800/1999 de la Commission du 15 avril 1999, mais un produit de base plus élaboré au sens des dispositions précitées du 2 de l'article 3 du règlement nº 1520/2000 de la Commission du 13 juillet 2000 qui prévoient, ainsi qu'il a été dit, des modalités spécifiques d'application du régime des restitutions à l'exportation pour certains produits agricoles et en particulier pour les produits laitiers ; que, par suite, c'est à bon droit qu'en l'espèce l'ONIGC a retenu ce dernier produit comme un produit de base plus élaboré, ayant été effectivement mis en oeuvre dans le processus de fabrication des marchandises exportées et seul éligible aux restitutions à l'exportation ; que, par ailleurs, en application des dispositions précitées, c'est également à bon droit que l'ONIGC a retenu les quantités de ce seul produit, telles qu'elles avaient été constatées par l'administration des douanes, pour le calcul des restitutions auxquelles la société avait seulement droit ; qu'ainsi, la société Célia n'est pas fondée à soutenir à titre subsidiaire que la quantité de produit de base plus élaboré éligible aux restitutions à l'exportation devait correspondre à l'addition des quantités des produits de base initiaux ;
7. Considérant en second lieu, que la société fait valoir que l'interprétation des dispositions dont il a été fait application est incertaine, ce qui constitue une atteinte aux principes de confiance légitime et de sécurité juridique ; que toutefois, si la société a procédé aux demandes de restitution en cause selon l'interprétation qu'elle faisait des dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1520/2000, elle ne peut, alors qu'elle n'établit ni même n'allègue l'existence d'un revirement de doctrine ou l'abandon d'une tolérance antérieure de l'administration, utilement soutenir que sa propre interprétation des règles communautaires était correcte et ne pouvait être remise en cause ; que, dans ces conditions, elle n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime ; que par ailleurs, les dispositions de l'article 3 du règlement précité étant claires et précises, la société n'est pas davantage fondée à invoquer la méconnaissance du principe de sécurité juridique ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la SA Célia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'omission à statuer ni d'irrégularité, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à la SA Célia de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SA Célia le versement à FranceAgrimer de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA Célia est rejetée.
Article 2 : La SA Célia versera à FranceAgrimer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Célia et à FranceAgrimer.
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N° 11NT01870 2
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