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16/10/2012 | FRANCE | N°11LY02680

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 16 octobre 2012, 11LY02680


Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2011, présentée pour la commune de Lamastre (Ardèche), représentée par son maire ;

La commune de Lamastre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803602 du Tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2011 qui, à la demande de la SCI Tracoulon et de M. A...B..., a annulé l'arrêté du 28 mars 2008 par lequel son maire a rejeté la demande de permis de construire présentée par cette société ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Tracoulon et de M. A...B...devant le Tribunal administratif ;

3°) de

condamner ces derniers à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 ...

Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2011, présentée pour la commune de Lamastre (Ardèche), représentée par son maire ;

La commune de Lamastre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803602 du Tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2011 qui, à la demande de la SCI Tracoulon et de M. A...B..., a annulé l'arrêté du 28 mars 2008 par lequel son maire a rejeté la demande de permis de construire présentée par cette société ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Tracoulon et de M. A...B...devant le Tribunal administratif ;

3°) de condamner ces derniers à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Lamastre soutient que les travaux réalisés, pour lesquels le pétitionnaire a demandé un permis de construire, ont entraîné un changement de destination, interdit par le règlement de la zone ND du plan d'occupation des sols ; que c'est par fraude que la SCI Tracoulon a tenté d'obtenir un permis de régularisation ; que, si la Cour a estimé, dans son arrêt du 22 juin 2010, statuant sur la légalité d'un premier refus de permis de construire, que la demande n'est pas entachée de fraude, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation, a jugé les moyens suffisamment sérieux pour admettre le pourvoi ; que, pourtant informé de cette situation, le Tribunal, par le jugement attaqué, a considéré que la demande n'est pas frauduleuse ; qu'il appartient à l'administration de restituer sa véritable qualification à une demande ; qu'en l'espèce, la destination réelle est connue, les gîtes ayant été réalisés et loués ; que l'indication dans la demande de permis d'une occupation strictement personnelle constitue une fraude manifeste, qui autorisait le maire à requalifier le projet ; que l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols n'autorise pas les changements de destination, mais seulement l'aménagement et l'extension mesurée des constructions à vocation d'habitation existantes ; que des gîtes destinés à une exploitation commerciale, qui constitue une prestation para-hôtelière, ne peuvent être regardés comme étant à usage d'habitation ; que le maire, qui n'a commis aucune erreur de qualification des faits, ne pouvait donc que rejeter la demande ; qu'en outre, la demande aurait dû également porter sur la salle d'activité, le bureau de réception et le snack bar, qui ont également été réalisés sans autorisation, alors que ces constructions ont entraîné un changement de destination, la propriété comprenant initialement une maison d'habitation et une exploitation agricole ; que le permis de régularisation devait porter sur la totalité des travaux réalisés sans autorisation, et non seulement sur certains d'entre-eux ; que l'article ND 1 du règlement ne permet pas la réalisation desdites constructions ; qu'aucun élément ne peut permettre d'affirmer que le maire aurait fait preuve de partialité en prenant l'arrêté attaqué ; que celui-ci n'est entaché d'aucun détournement de pouvoir, le maire ayant seulement cherché à assurer le respect des dispositions du plan d'occupation des sols ; que le moyen tiré de ce que ce dernier serait illégal, en raison du fait que l'affichage en mairie de l'enquête publique serait insuffisant, est inopérant, en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ; que, de plus, ce moyen manque en fait ; que le classement en zone ND du terrain d'assiette du projet n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ce terrain étant compris dans un ensemble boisé plus vaste, ce qui correspond parfaitement à la définition de ce zonage dans le rapport de présentation ; qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré que les dispositions qui redeviendraient applicables auraient rendu possible la délivrance du permis de construire ; que la modification de l'article ND 1 du règlement, qui a été réalisée plusieurs années avant que les constructions soient jugées illégales, n'est pas entachée de détournement de pouvoir ; que cette modification a eu pour objet de restreindre les possibilités de construction en zone ND, auparavant trop larges, afin de préserver le caractère de cette zone ; qu'en outre, les anciennes dispositions étaient ambigües ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 février 2012, présenté pour la SCI Tracoulon et M. A... B..., qui demandent à la Cour :

- de rejeter la requête, si besoin est, après visite des lieux ;

- d'annuler l'article 3 du jugement attaqué et de condamner la commune de Lamastre à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- d'enjoindre au maire de délivrer le permis de construire demandé, sans assortir sa décision de prescriptions, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- de condamner la commune de Lamastre à leur verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SCI Tracoulon et M. A...B...soutiennent que les affirmations de la commune, selon lesquelles le projet serait en réalité destiné à la location à des tiers, sont dénuées du moindre commencement de preuve ; qu'ils contestent le fait qu'une salle d'activité, un bureau de réception, un snack-bar, et même un 6ème gîte à l'extérieur des bâtiments, auraient été réalisés sans autorisation ; que la question de la régularité de cette salle d'activité, de ce snack-bar et de ce 6ème gîte est inopérante, dès lors qu'il est manifeste que ces constructions ne sont pas situées dans les bâtiments faisant l'objet de la demande de permis de construire ; que le bureau de réception, qui se caractérise simplement par un mobilier particulier, n'est pas soumis à autorisation et, à la date de la demande, ne recevait plus de tiers ; qu'il s'agit d'un simple local affecté à du rangement ; que la demande vise bien uniquement à la construction de cinq logements destinés à l'usage personnel des pétitionnaires ; que, s'ils ont dû renoncer au projet de location touristique, rien ne permet de démontrer que les logements qui ont été créés ne pourraient désormais pas être utilisés à titre personnel ; qu'aucune pièce du dossier ne révèle que des locations étaient réalisées au moment de la demande de régularisation et que l'objectif était, en réalité, de louer à des tiers les logements en cause ; que les constructions annexes précitées sont divisibles des deux bâtiments principaux qui font l'objet de la demande de permis ; que la commune n'explique pas quels sont les critères matériels et juridiques qui lui permettent d'affirmer que les logements constituent des gîtes ; que le projet litigieux est autorisé par les dispositions de l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols, dès lors qu'il n'est pas contestable que les bâtiments concernés par ce projet ont, depuis l'origine, une vocation d'habitation ; que le maire de la commune de Lamastre a fait preuve de partialité ; qu'en outre, dans les circonstances de l'espèce, le conseil municipal aurait dû désigner un de ses membres pour statuer sur la demande, sur laquelle le maire ne pouvait se prononcer ; que le refus de permis de construire attaqué est entaché de détournement de pouvoir, le maire ayant pris cette décision pour donner satisfaction à des particuliers, voisins du projet, et pour les empêcher d'échapper à une condamnation pénale ; que la commune ne peut opposer au moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique ayant précédé la révision du plan d'occupation des sols du 15 novembre 2001 les dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, qui ne sont pas applicables dans cette hypothèse ; que l'arrêté du 3 août 2001 définissant les modalités de l'enquête publique a seulement donné lieu à un affichage en mairie, ce qui est insuffisant, compte tenu de la superficie de la commune, de plus de 25 km², et de la population communale, de 2 500 habitants ; que le classement en zone ND des parcelles cadastrées 542, 544, 545 et 546 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ces parcelles ne participant en rien au paysage naturel, étant en partie déjà construites en se situant dans le prolongement du hameau de Montmagnon, classé en zone NB, le long de la route départementale n° 269 ; que la modification de la rédaction de l'article ND 1 du règlement est intervenue dans l'unique but de leur nuire, afin d'empêcher toute régularisation, ce qui caractérise un détournement de pouvoir ; qu'au surplus, le principe d'impartialité a été méconnu ; que l'illégalité du document d'urbanisme entraîne automatiquement l'illégalité du refus de permis de construire fondé sur ce document ; que, subsidiairement, les dispositions de l'article ND 1 résultant du plan d'occupation des sols du 12 février 1988 ne permettaient pas au maire de refuser le permis demandé ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, la Cour devra enjoindre au maire de délivrer ce permis, sans prescription ; que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le Tribunal a rejeté la demande présentée au titre des frais irrépétibles, la commune étant partie perdante, pour la 3ème fois, et ni l'équité ni la situation économique de celle-ci ne permettant de ne pas entrer en voie de condamnation ; que cet article devra donc être annulé et la commune devra être condamnée à leur verser une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2012, présenté pour la commune de Lamastre, représentée par son maire, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La commune soutient, en outre, que la motivation même de la demande, qui vise à régulariser les travaux de construction de gîtes irrégulièrement entrepris, lesquels ont entraîné une condamnation pénale, démontre que le projet litigieux ne vise pas à la construction de locaux à usage d'habitation ; que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose aux autorités et juridictions administratives en ce qui concerne les constatations de fait que le juge répressif a retenues et qui constituent le support nécessaire de sa décision ; que, dans l'hypothèse dans laquelle la Cour estimerait que le refus de permis de construire attaqué est illégal, elle sollicite une substitution de motif ; qu'en effet, la SCI Tracoulon aurait dû d'abord régulariser le changement d'affectation du bâtiment d'habitation en logements collectifs, résultant des travaux de construction de gîtes réalisés sans autorisation ; qu'une telle demande de régularisation n'aurait pas été possible, l'article ND 1 du règlement n'autorisant pas la construction de logements collectifs ; que la demande vise ainsi à contourner les règles d'urbanisme applicables ; que, par suite, le maire était tenu de refuser le permis de construire sollicité ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 19 mars 2012, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 avril 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 avril 2012, présenté pour la commune de Lamastre, représentée par son maire, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 avril 2012, présenté pour la SCI Tracoulon et M. A... B..., tendant aux mêmes fins que précédemment et, en outre, en premier lieu, à ce que la Cour constate qu'il n'y a plus lieu à statuer sur la requête, en second lieu, au titre des conclusions à fin d'injonction, à ce que le permis de construire délivré soit affiché en mairie et, subsidiairement, à ce que le maire délivre à la SCI Tracoulon et affiche en mairie un certificat de permis de construire tacite, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

La SCI Tracoulon et M. A...B...soutiennent, en outre, que la commune de Lamastre a volontairement renoncé à demander le sursis à exécution du jugement attaqué et à notifier au pétitionnaire une décision expresse dans le délai d'instruction de deux mois fixé par ce jugement, ce qui a provoqué la naissance d'un permis de construire tacite à l'issue de ce délai ; qu'en application de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, ce permis ne peut plus être retiré ; qu'il est donc devenu définitif ; que la commune a ainsi nécessairement acquiescé au jugement ; que la requête est ainsi devenue sans objet ; que le corps de bâtiment composant le mas de Tracoulon a toujours eu une vocation d'habitation individuelle ; que les travaux qui ont été réalisés par M. A... B...au cours de l'année 2000 n'ont pas modifié cet usage ; qu'une construction peut être regardée comme à usage d'habitation individuelle alors même qu'elle comporte plusieurs logements ou habitations distinctes mitoyennes ; que la commune n'est pas fondée à exiger une régularisation préalable pour la construction de gîtes, alors que le projet litigieux n'a pas cet objet ; qu'en tout état de cause, le plan d'occupation des sols n'a jamais distingué entre habitation individuelle et collective ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 avril 2012, présenté pour la commune de Lamastre, représentée par son maire, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La commune soutient, en outre, que les demandes des intimés tendant à ce que la Cour enjoigne au maire de délivrer et d'afficher en mairie un arrêté express de permis de construire dépourvu de prescriptions et un certificat de permis de construire tacite sont nouvelles en appel et, par suite irrecevables ; que ces demandes sont en outre liées à l'arrêté du 2 avril 2012, lequel n'a pas fait l'objet de la demande initiale devant le Tribunal ; que le permis de construire ainsi délivré le 2 avril 2012 rend nulle et non avenue toute demande de constatation d'un permis de construire tacite ; qu'en outre, les conclusions tendant audit affichage et à ce que toute prescription soit exclue sont manifestement sans objet ;

En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 19 avril 2012, l'instruction a été rouverte ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mai 2012, présenté pour la commune de Lamastre, représentée par son maire, tendant aux mêmes fins que précédemment, la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative étant portée à 5 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2012, présenté pour la SCI Tracoulon et M. A... B..., tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Les intimés soutiennent, en outre, qu'ils ont présenté une demande d'injonction devant le Tribunal ; que la demande d'affichage du permis de construire qui sera délivré ne constitue qu'une formalité accessoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 juin 2012, présenté pour la commune de Lamastre, représentée par son maire, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La commune soutient, en outre, que les conclusions à fin de non-lieu à statuer sont manifestement irrecevables, les intimés ne justifiant pas de l'opportunité d'un non-lieu en l'espèce ; que, subsidiairement, elle sollicite une nouvelle substitution de motif ; qu'en effet, le maire était tenu de rejeter la demande de permis de construire, dès lors que le pétitionnaire ne respectait pas les règles prescrites par le code de la construction et de l'habitation applicables au jour du premier refus de permis de construire, soit le 3 juin 2005 ; que le projet porte sur des logements collectifs ; que ni la notice explicative, ni aucune autre pièce du dossier de la demande de permis, ne permet de justifier du respect des règles d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite de ces logements ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 29 juin 2012, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 septembre 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2012, présenté pour la SCI Tracoulon et M. A... B..., tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Les intimés soutiennent, en outre, s'agissant de la nouvelle substitution de motif sollicitée par la commune, que le présent contentieux ne concerne pas le précédent refus de permis de construire du 3 juin 2005 ; que la méconnaissance des règles de fond du code de la construction et de l'habitation ne peut être utilement invoquée pour contester la légalité d'un permis de construire ou motiver un refus de permis ; qu'au surplus, le projet litigieux n'est pas soumis aux règles d'accessibilité aux personnes handicapées ; qu'enfin, le dossier de permis contient l'engagement du pétitionnaire à respecter toutes les règles générales de construction ;

En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 13 septembre 2012, l'instruction a été rouverte ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 septembre 2012, présenté pour la commune de Lamastre, représentée par son maire, qui, n'apportant aucun élément nouveau, n'a pas été communiqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2012 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant la SELARL Cabinet Champauzac, avocat de la commune de Lamastre, et celles de Me Gaucher, avocat de la SCI Tracoulon et de M. A...B...;

1. Considérant que, par un jugement du 24 janvier 2008, confirmé par un arrêt de la Cour du 22 juin 2010, le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 3 juin 2005 par lequel le maire de la commune de Lamastre a refusé de délivrer un permis de construire à la SCI Tracoulon, pour l'aménagement de 5 logements d'habitation dans des bâtiments existants, en vue d'une occupation personnelle ; que, le Tribunal ayant enjoint au maire de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire, le maire a pris un nouvel arrêté le 28 mars 2008, rejetant à nouveau la demande de la SCI Tracoulon ; que, par un jugement du 15 septembre 2011, le Tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté ; que la commune de Lamastre relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions aux fins de non-lieu à statuer :

2. Considérant que la circonstance qu'un permis de construire serait tacitement intervenu sur la demande de la SCI Tracoulon postérieurement au jugement attaqué du Tribunal administratif de Lyon n'a en rien modifié l'état du droit résultant de ce jugement ; que la circonstance que la commune n'ait pas présenté de demande de sursis à exécution de ce même jugement est sans incidence sur la présente instance ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent la SCI Tracoulon et M. A...B..., la requête de la commune de Lamastre n'est pas dépourvue d'objet ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. Considérant que l'arrêté attaqué se fonde sur ce que le projet de la SCI Tracoulon vise en réalité, non à aménager des logements d'habitation en vue d'une occupation personnelle, comme l'indique la demande de permis de construire, mais à aménager 5 gîtes locatifs saisonniers, ce que n'autorisent pas les dispositions de l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols, la construction de gîtes destinés à la location ne pouvant être regardée comme constitutive d'un usage d'habitation, et sur ce que le projet ne porte pas sur tous les aménagements qui ont été réalisés sans autorisation ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Lamastre, sont admis en zone ND : " l'aménagement et l'extension mesurée des constructions à vocation d'habitation existantes (...) " ;

5. Considérant qu'un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire ; que la circonstance que ces plans pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés et affectés à un usage non conforme au plan d'occupation des sols, n'est pas, par elle-même, sauf cas de fraude, de nature à affecter la légalité du permis ;

6. Considérant que, par un jugement du 25 mai 2005, confirmé en appel, le Tribunal de grande instance de Privas a condamné M. A...B...à la démolition, sous astreinte, " de l'ensemble des travaux réalisés irrégulièrement ", consistant en l'aménagement, sans aucune autorisation, de 5 gîtes dans des bâtiments existants ; que, si l'autorité de la chose jugée par les juridictions répressives s'étend aux constatations de fait qui constituent le soutien nécessaire des jugements définitifs, ce jugement est sans rapport avec la question de l'exacte qualification de la demande de permis de construire de la SCI Tracoulon ;

7. Considérant qu'il est constant que, à compter de l'année 2000, 5 gîtes destinés à la location ont été construits sans autorisation dans les 2 bâtiments qui font l'objet de la demande de permis de construire litigieuse ; que cette dernière, présentée en février 2005, porte sur la construction de 5 logements d'habitation à fin d'occupation personnelle et vise à régulariser ces travaux ; que la commune de Lamastre ne produit aucun élément précis de justification pour démontrer que, malgré ce qu'indique ainsi la demande de permis, et alors qu'il n'est pas contesté que les plans du dossier de cette demande concernent effectivement des logements, la SCI Tracoulon persisterait dans l'intention initiale de construire des gîtes destinés à la location et n'aurait aucunement l'intention d'utiliser les logements à des fins d'occupation personnelle ; que, notamment, il ne ressort pas des pièces du dossier que des locations auraient été effectuées après l'année 2004 ; que, dans ces conditions, ainsi que la Cour l'a déjà jugé dans son arrêt précité du 22 juin 2010, c'est à tort que le maire de la commune de Lamastre a estimé que la demande, qui n'est pas entachée de fraude, doit être regardée comme visant à l'aménagement de gîtes destinés à la location ;

8. Considérant que doivent être regardées comme des constructions à vocation d'habitation, au sens des dispositions précitées de l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols, les édifices destinés, compte tenu de leurs caractéristiques propres, à l'habitation ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice de la demande de permis de construire, que les 2 bâtiments sur lesquels porte cette demande étaient, compte tenu de leurs caractéristiques propres, destinés à l'habitation ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le projet litigieux a pour objet d'aménager des logements d'habitation dans ces bâtiments et aucune requalification de ce projet ne doit être effectuée ; que, si la commune de Lamastre fait valoir que les logements constituent des logements d'habitation collectifs, en tout état de cause, les dispositions précitées de l'article ND 1 n'interdisent pas l'aménagement de logements d'habitation collectifs ; que, dès lors, contrairement à ce que le maire a estimé, le projet respecte ces dispositions ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la commune de Lamastre soutient que les premiers juges ont estimé à tort que le motif de l'arrêté attaqué, tiré de ce que la demande de permis de construire aurait dû porter sur tous les aménagements qui ont été réalisés sans autorisation, est entaché d'illégalité ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le Tribunal aurait, par les motifs qu'il a retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en censurant ce motif ;

10. Considérant, en dernier lieu, que la commune de Lamastre invoque des substitutions de motif ; que, d'une part, elle fait valoir que la SCI Tracoulon aurait dû commencer par présenter une demande de régularisation du changement d'affectation réalisé irrégulièrement de locaux à usage d'habitation en gîtes, avant de présenter une demande de permis de construire des logements ; que, toutefois, la SCI Tracoulon devait, comme elle l'a fait, régulariser tous les travaux irrégulièrement réalisés qui sont liés aux logements sur lesquels porte la demande de permis de construire, mais non procéder à une régularisation d'un éventuel changement antérieur de destination, lequel est sans rapport avec l'objet de cette demande ;

11. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme que la délivrance du permis de construire n'est subordonnée au respect des règles de construction en matière d'accessibilité aux personnes handicapées qu'en ce qui concerne les établissements recevant du public ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le projet litigieux, qui ne peut faire l'objet d'aucune requalification, vise à construire des logements d'habitation, à fin d'occupation personnelle ; que, dès lors, la construction projetée ne constitue pas un établissement recevant du public, au sens des dispositions de l'article R. 123-2 du code de la construction et de l'habitation ; qu'en conséquence, la commune de Lamastre ne peut utilement se prévaloir du fait que le projet ne respecterait pas les règles d'accessibilité aux personnes handicapées ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Lamastre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 28 mars 2008 par lequel son maire a rejeté la demande de permis de construire présentée par la SCI Tracoulon ;

Sur les frais irrépétibles de première instance :

13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en rejetant la demande de condamnation de la commune de Lamastre que la SCI Tracoulon et M. A...B...ont présentée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le Tribunal administratif de Lyon a fait une inexacte application de ces dispositions ; qu'en conséquence, l'appel incident présenté par cette société et M. A...B...ne peut qu'être rejeté ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par les intimés :

14. Considérant qu'en exécution du jugement attaqué, par un arrêté du 2 avril 2012, le maire de la commune de Lamastre a délivré à la SCI Tracoulon le permis de construire demandé ; que, par suite, les conclusions des intimés tendant à ce que la Cour, en application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, enjoigne au maire, sous astreinte, de délivrer un permis de construire à cette société sont sans objet ; que, par ailleurs, aucun élément ne peut permettre de penser que ledit permis de construire n'aurait pas été affiché en mairie, comme le prescrit l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire, également sous astreinte, en application des mêmes articles du code de justice administrative, de procéder à cet affichage ne peuvent qu'être rejetées ;

15. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent la SCI Tracoulon et M. A... B..., aucun permis de construire tacite n'est intervenu à l'issue du délai de deux mois fixé par le Tribunal pour statuer à nouveau sur la demande de permis de construire ; que, par suite, les conclusions de ces derniers tendant à ce que la Cour, en application desdits articles du code de justice administrative, enjoigne au maire, sous astreinte, de délivrer un certificat de permis de construire tacite ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SCI Tracoulon et M. A...B..., qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnés à payer à la commune de Lamastre la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme au bénéfice des intimés sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Lamastre est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de la SCI Tracoulon et de M. A...B...et les conclusions que ceux-ci ont présentées en application de l'article L. 761-1 et des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lamastre, à la SCI Tracoulon et à M. D... A...B....

Délibéré à l'issue de l'audience du 25 septembre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président,

M. Zupan, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2012.

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N° 11LY02680

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02680
Date de la décision : 16/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL CABINET CHAMPAUZAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-16;11ly02680 ?
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