Vu, la requête enregistrée le 22 juillet 2011 par télécopie, régularisée le 25 juillet 2011, présentée pour la société Total Caraïbes dont le siège social est Zone industrielle de Californie à Le Lamentin (97232), prise en la personne de son représentant, par Me Bruno, avocat ;
La société Total Caraïbes demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900101 du 30 mars 2011 du tribunal administratif de Fort-de-France en tant qu'après avoir reconnu l'illégalité de l'arrêté du 7 novembre 2008 par lequel le maire du Lamentin a retiré le permis de construire qu'il lui avait délivré le 7 mars 2007 pour la construction d'une station de distribution de carburant, il a rejeté ses demandes d'indemnisation du préjudice causé par cette décision ;
2°) de confirmer ce jugement en ce qu'il a déclaré illégal l'arrêté du maire du Lamentin du 7 novembre 2008 ;
3°) de condamner la commune du Lamentin à lui verser, à titre de dommages et intérêts, une somme de 7 576 027,06 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune du Lamentin une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit et de fait en se bornant à relever que les demandes indemnitaires n'étaient assorties d'aucune justification alors que le bail à construction et des factures étaient produites, et ainsi entaché son jugement d'irrégularité ;
- l'arrêté du 7 novembre 2008 portant retrait du permis de construire est illégal dès lors qu'il est intervenu un an et huit mois après la délivrance du permis de construire, que ce permis était légal et qu'enfin, ce retrait procède d'une inexacte application du principe de précaution ;
- ce retrait illégal constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
- les préjudices résultent des sommes versées au propriétaire du terrain à hauteur de 250 000 euros pour le droit au bail, 10 000 euros pour le dépôt de garantie, 86 167 euros pour les loyers, des investissements non récupérés pour 45 951,01 euros, des travaux de remise en état pour 75 519,14 euros, des taxes et honoraires divers pour 370 329,91 euros et de la perte d'exploitation sur trente ans pour 6 738 060 euros ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 31 octobre 2011, pour la commune du Lamentin représentée par son maire en exercice, par la Selarl Bandon et de Faÿ avocats ;
La commune du Lamentin conclut :
- au rejet de la requête ;
- subsidiairement, à ce que le montant de l'indemnisation soit ramené à de plus justes proportions ;
- à la mise à la charge de la société Total Caraïbes d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la requête indemnitaire est irrecevable faute de demande préalable ayant lié le contentieux ;
- à titre principal, la responsabilité de la commune doit être écartée en raison des fautes imputables à la société Total Caraïbes qui a commis, d'une part, des imprudences dans l'élaboration de son projet et, d'autre part, des négligences dans la défense de ses intérêts après le retrait du permis de construire, dont elle aurait pu facilement obtenir la suspension et l'annulation ; que par suite la commune doit être pleinement exonérée, ou à tout le moins à plus de 50% de la responsabilité encourue ;
- à titre subsidiaire, les préjudices ne sont pas indemnisables faute de caractère direct, le préjudice étant causé par la rupture des relations contractuelles avec le bailleur ; que doivent dès lors être rejetées les demandes indemnitaires présentées au titre du dépôt de garantie, du droit au bail, des honoraires d'avocat et des frais liés au contentieux, des frais de remise en état du terrain, dont au demeurant les factures produites ne justifient pas, et des taxes foncières et d'urbanisme ; que le préjudice né de la perte d'exploitation ne peut être indemnisé dès lors qu'il n'est qu'éventuel et, en tout état de cause non justifié ; que les loyers et les investissements dont une partie constitue un préjudice illégitime pour avoir été réalisés alors que la construction avait fait l'objet d'un arrêté de suspension ne pourront être indemnisés dans la mesure où la réalité des frais exposés à ces titres n'est pas justifiée ;
Vu le mémoire en réplique enregistré le 19 janvier 2012 présenté pour la société Total Caraïbes ;
La société soutient que :
- la requête d'appel est recevable dans la mesure où elle s'est effectivement adressée à l'administration pour obtenir réparation de ses préjudices ;
- les jurisprudences citées sur le caractère certain du préjudice ne s'appliquent pas au cas d'espèce ;
- le retrait opéré est illégal ; le permis initial qui lui avait été accordé n'était entaché d'aucune illégalité ;
- il ne peut être reproché d'imprudence à la société Total Caraïbes ;
- il ne peut non plus lui être reproché de négligence dans la protection de ses droits, toute poursuite du projet ayant été rendue inenvisageable du fait de la volonté affichée du maire, et toute négociation n'étant que précaution dilatoire du maire ;
- le caractère direct des préjudices ne peut être remis en cause dans la mesure où c'est bien le retrait du permis de construire qui est la cause déterminante des préjudices qu'elle a subis ;
- le caractère certain des préjudices subis ne peut pas non plus être remis en cause dans la mesure où les frais engagés sont justifiés par des pièces adaptées et la perte d'exploitation n'est pas éventuelle au vu du rapport du commissaire aux comptes ;
- les propos prêtés à son directeur lors d'une réunion dont l'enregistrement n'est pas un procédé admissible n'ont jamais été tenus, et le projet avait été étudié sérieusement ;
Vu le mémoire enregistré le 9 mars 2012, présenté pour la commune du Lamentin, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et demande en outre, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, la suppression de passages diffamatoires contenus dans les dernières écritures de la société Total Caraïbes ;
La commune soutient que :
- la preuve apportée par transcription de l'enregistrement d'une réunion du 11 juillet 2007 entre l'association " les amis du Bas Mission " et le directeur du réseau Total Caraïbes, est parfaitement valable ;
- les courriers invoqués par la société ne constituent pas une demande indemnitaire préalable ; sa requête est donc irrecevable ;
- la SCI Lou a demandé la résiliation du bail, ce qui constitue le fait générateur du dommage, de même que le comportement fautif de la société Total Caraïbes qui n'a pas sollicité l'annulation ni la suspension de l'arrêté interruptif des travaux et du retrait du permis de construire ;
- l'évaluation du préjudice opérée par l'appelante ne saurait être considérée comme probante, notamment concernant la perte d'exploitation qui se base sur une évolution trop optimiste et sur une étude menée seulement sur trois ans ;
Vu le mémoire enregistré le 14 mai 2012, présenté pour la SCI Lou ;
La SCI Lou demande à la cour :
- de condamner la commune du Lamentin à lui verser une somme de 3 323 000 euros en réparation de ses préjudices ;
- de mettre à la charge de cette commune une somme de 10 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- qu'en retirant illégalement le permis de construire qu'elle avait accordé à la société Total Caraïbes le 7 mars 2007, la commune du Lamentin a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que cette faute est la cause directe du préjudice qu'elle a subi du fait de la perte de son contrat de bail avec la société Total Caraïbes ;
- qu'elle est fondée à réclamer la somme de 1 800 000 euros au titre de la perte des loyers, à laquelle il convient de retrancher la somme de 70 000 euros versée par la société Total Caraïbes ;
- qu'elle est également fondée à solliciter une indemnité correspondant à la non construction des bâtiments à hauteur de 1 440 000 euros hors taxes ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 juillet 2012, présenté pour la société Total Caraïbes qui conclut aux même fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre :
- que la poursuite des travaux était impossible, non compte tenu de sa négligence mais en raison de la décision du maire ;
- que ce n'est pas la SCI Lou qui a sollicité la résiliation judiciaire du bail mais elle-même ;
- que les préjudices subis découlent de la rupture de ses relations contractuelles avec la SCI Lou, laquelle est consécutive à la décision illégale de retrait de permis de construire ;
- qu'aucun de ses écrits n'est injurieux ni diffamatoire ;
- qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas sollicité l'annulation de l'arrêté de retrait dès lors d'une part qu'elle attendait l'aboutissement d'une solution amiable et que le maire avait clairement signifié sa volonté d'arrêter le projet et d'autre part, qu'elle pouvait légalement n'exercer qu'un recours indemnitaire ;
- que les jurisprudences citées par la commune ne lui sont pas applicables ; qu'elle n'a pas engagé des frais dans une opération qu'elle savait illégale ou aléatoire ;
- que la décision portant retrait de ce permis était illégale ; que l'autorisation de construire ne nécessitait pas l'avis conforme de la CDEC ; que ce permis ne méconnaissait pas les règles du plan local d'urbanisme de la commune du Lamentin ; qu'une station service pouvait être implantée en zone UB ; que le permis avait été délivré sur la base des modifications préconisées par le conseil général de la Martinique et qu'il n'est donc pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que l'arrêté de retrait précise d'ailleurs que le caractère de dangerosité de cette installation n'est pas établi ; que ce retrait ne peut dès lors être justifié par application du principe de précaution ;
- qu'elle devrait pouvoir obtenir le remboursement des frais d'avocat exposés pour l'instance civile, qui s'élèvent en exécution de la convention avec l'avocat, à 10% de la somme que la SCI Lou lui avait réclamée, soit à la somme de 362 526,76 € ;
- que la remise en état du terrain s'imposait suite à la résiliation du bail ;
- qu'elle a été contrainte d'exposer des frais d'huissier ; que les taxes fiscales ont été payées à perte ; que ce projet présentait une rentabilité certaine et aurait dû dégager, dès la première année, un résultat après amortissement de 224 602 euros ; que la perte d'exploitation n'est dès lors pas un préjudice éventuel ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2012, présenté par la commune du Lamentin, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre :
- qu'une faute d'imprudence et de négligence est imputable à la société Total Caraïbes qui n'a pas sollicité l'annulation de la décision de retrait de son permis de construire ni n'a demandé la suspension de cette décision, comme le tribunal administratif de Fort-de-France l'a jugé le 29 juin 2012 dans le contentieux opposant la commune à la SCI Lou ; que la société Total Caraïbes pouvait, à titre conservatoire, introduire un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté de retrait, alors même que des négociations étaient engagées ;
- que la société, qui ne produit qu'un document provisionnel sur les trois premières années, ne peut valablement solliciter une indemnisation de la perte d'exploitation sur 30 ans ;
Vu l'ordonnance en date du 31 octobre 2012 fixant en dernier lieu la clôture de l'instruction au 29 novembre 2012 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la constitution ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2013 :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;
- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bruno, avocat de la société Total Caraïbes ;
1. Considérant que la SCI Lou et la société Total Caraïbes ont conclu, le 7 juillet 2006, un bail à construction aux termes duquel la société Total Caraïbes s'est engagée à édifier, sur un terrain appartenant à la SCI Lou et sis rue du Trou au chat dans le quartier de Bas Mission sur le territoire de la commune du Lamentin, en Martinique, une construction destinée à l'exploitation d'une station service et d'autres commerces ; que ce bail était conclu à la condition, pour la société Total Caraïbes, de se voir délivrer le permis de construire ; que ce permis lui ayant été accordé le 7 mars 2007, la société Total Caraïbes a entrepris les travaux de construction de cette station-service ; que cependant, par arrêté du 7 décembre 2007, le maire a prononcé la suspension des travaux, durant l'instruction par les services de l'Etat d'une demande d'augmentation de la capacité des cuves, en raison du " climat d'inquiétude grandissante dans le quartier " et de l'opposition de certains habitants à ce projet ; que par arrêté du 7 novembre 2008, le maire du Lamentin a finalement retiré le permis de construire qu'il lui avait délivré ; que la société Total Caraïbes a sollicité, par la voie d'un recours gracieux présenté le 12 janvier 2009, le retrait de cet arrêté ; qu'elle relève appel du jugement rendu le 30 mars 2011, sous le n° 0900101, par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à être indemnisée des préjudices que lui a causés cette décision de retrait ;
Sur l'intervention de la SCI Lou :
2. Considérant que, dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui peuvent se prévaloir d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; que le bailleur d'un bénéficiaire de permis de construire qui recherche la responsabilité de la commune qui a retiré ce permis ne peut être regardé comme pouvant, dans le cadre d'un litige relatif à l'engagement de cette responsabilité à l'égard du bénéficiaire du permis, se prévaloir d'un droit de cette nature ; que par suite, la SCI Lou, qui a au demeurant présenté par requête séparée des conclusions tendant à l'indemnisation de son propre préjudice, n'est pas recevable à les reproduire dans le cadre de la présente instance ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que le tribunal administratif a rejeté les demandes présentées par la société Total Caraïbes tendant à obtenir réparation de ses préjudices découlant des pertes d'investissements et d'exploitation, des versements de loyers à la SCI Lou au titre du bail conclu avec cette dernière et des frais de remise en état du terrain d'assiette du projet, au motif que ces conclusions indemnitaires n'étaient assorties d'aucune justification ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que la société Total Caraïbes avait uniquement produit, pour établir l'étendue de son préjudice, le bail à construction ; que si, dans le bordereau de pièces étaient mentionnés des factures diverses (pièce n° 16) et un prévisionnel d'exploitation (pièce n° 17), il ne résulte pas du dossier de première instance que ces justificatifs auraient effectivement été versés ; que, dans ces conditions, il appartenait au tribunal d'exercer son pouvoir de direction de l'instruction et d'inviter la société Total Caraïbes à produire les pièces ainsi annoncées ; que par suite, celle-ci est fondée à soutenir que le jugement a été rendu sur une procédure irrégulière, et doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société Total Caraïbes ;
Sur les demandes indemnitaires présentées par la société Total Caraïbes :
S'agissant de leur recevabilité :
4. Considérant que la commune du Lamentin oppose une fin de non recevoir tirée de l'absence de demande préalable d'indemnisation ; que toutefois, la commune a conclu devant le tribunal au rejet au fond des demandes indemnitaires présentées par la société Total Caraïbes, qui avaient au demeurant été chiffrées le 13 janvier 2009 dans le cadre de la préparation d'un accord transactionnel qui n'a pu aboutir ; que, ce faisant, elle a nécessairement lié le contentieux ; que la fin de non recevoir ainsi invoquée ne peut dès lors en tout état de cause qu'être rejetée ;
S'agissant de la responsabilité de la commune du Lamentin :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire " ; qu'il est constant que le maire du Lamentin a procédé au retrait du permis délivré le 7 mars 2007 pour la construction d'une station-service par arrêté du 7 novembre 2008, soit plus d'un an et demi après son édiction ; que par suite c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que ce retrait, intervenu tardivement, était illégal ; qu'est à cet égard en tout état de cause sans incidence la circonstance que le permis de construire en question, retiré à une date où il était devenu définitif, aurait été entaché d'illégalité ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune du Lamentin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a estimé que le retrait de l'autorisation de construire accordée à la société Total Caraïbes constituait une faute de nature à engager sa responsabilité ;
S'agissant du lien de causalité et des préjudices :
7. Considérant que la faute commise par la commune n'ouvre droit à indemnité que dans la mesure où il est justifié de préjudices en lien direct avec l'illégalité fautive, actuels et certains ;
8. Considérant que la commune du Lamentin fait valoir que la société Total Caraïbes aurait commis des imprudences et négligences dans la défense de ses intérêts et qu'ainsi, les préjudices allégués par cette société ne procèdent qu'indirectement du retrait du permis de construire ;
9. Considérant que la société Total Caraïbes sollicite, en réparation de ses préjudices, la condamnation de la commune du Lamentin à lui verser une somme de 250 000 euros au titre du droit au bail, la somme de 10 000 euros au titre du dépôt de garantie, la somme de 86 167 euros au titre des loyers versés à la SCI Lou, la somme de 45 951,01 euros au titre des travaux réalisés en pure perte, la somme de 75 519,14 euros au titre des frais de remise en état du terrain, la somme de 370 329,91 euros correspondant aux frais d'huissier, aux honoraires d'avocat, à la taxe locale d'équipement et aux taxes foncières pour les années 2008 à 2010, et enfin, la somme de 6 738 060 euros au titre de la perte du bénéfice espéré sur cette opération pendant la durée d'exploitation de la station-service, soit trente ans ; que la société Total Caraïbes sollicite en conséquence une somme totale de 7 576 027,06 euros ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir présenté un recours gracieux contre le retrait du permis de construire qui lui avait été accordé, la société Total Caraïbes s'est engagée avec la commune dans un processus transactionnel consistant à rechercher, en contrepartie de l'abandon de son projet, un autre terrain lui permettant d'implanter une station de distribution de carburant ; que la société requérante n'a pas, bien que la recherche d'une transaction n'y aurait pas fait obstacle, présenté, à titre conservatoire, de recours tendant à l'annulation de l'arrêté portant retrait du permis de construire ni n'a demandé la suspension de l'exécution de cette décision sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative ; que la société Total Caraïbes s'est finalement bornée, par la requête enregistrée sous le n° 0900101, à présenter devant le tribunal administratif de Fort-de-France des conclusions tendant à la condamnation de la commune du Lamentin au versement d'indemnités qu'elle n'avait pu obtenir par voie transactionnelle ; qu'en s'abstenant ainsi de mettre en oeuvre les recours effectifs dont elle disposait pour solliciter la suspension et l'annulation du retrait de permis de construire, lesquels lui auraient permis d'obtenir satisfaction au regard du motif d'illégalité précédemment rappelé, et en préférant la stratégie consistant à s'engager dans la négociation d'un échange de parcelles avec la commune ou d'une transaction, la société Total Caraïbes doit être regardée comme ayant abandonné son projet initial, dont il ressort au demeurant des pièces du dossier qu'il avait principalement pour objet d'empêcher l'installation d'un concurrent ; que cette circonstance fait obstacle à ce que les préjudices qu'elle allègue puissent être regardés comme en lien direct avec l'illégalité de la décision portant retrait du permis de construire ; que, par suite, la société Total Caraïbes n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté ses demandes indemnitaires ;
Sur les conclusions de la commune tendant à la suppression de passages diffamatoires dans les écritures de la société Total Caraïbes :
11. Considérant que les passages incriminés du mémoire de la société Total Caraïbes enregistré au greffe de la cour le 19 janvier 2012 témoignent des vives critiques formulées par cette société face à l'attitude de la commune du Lamentin, laquelle n'a pas réellement recherché une issue amiable au litige les opposant, mais ne présentent pas de caractère injurieux ou diffamatoire au sens des dispositions de l'article L.741-2 du code de justice administrative ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner leur suppression ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions d'aucune des parties sur le fondement de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la SCI Lou n'est pas admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France est annulé.
Article 3 : La demande de la société Total Caraïbes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune du Lamentin sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Total Caraïbes, à la commune du Lamentin et à la SCI Lou.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2013 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Didier Péano, président-assesseur,
Mme Sabrina Ladoire, conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2013.
Le rapporteur,
Sabrina LADOIRELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Florence FAURE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 11BX01823...