LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Anna-Maria X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 8 novembre 2011, qui, dans la procédure suivie contre elle des chefs de vol avec arme et complicité d'assassinat, a rejeté sa demande de mise en liberté ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 février 2012 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Blondet, Mme Koering-Joulin, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort, Buisson conseillers de la chambre, Mme Divialle, M. Maziau, Mme Carbonaro, M. Barbier conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cordier ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 144, 148-1, 148-2, 181, 367, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense, excès de pouvoirs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté présentée par Mme X... ;
"aux motifs que certes Mme X... est détenue dans la présente procédure depuis le 15 novembre 2007 ; mais que Mme X..., déclarée coupable par la cour d'assises de première instance de vol avec arme et de complicité d'assassinat, est dans l'attente de la décision de la cour d'assises des Hauts-de-Seine siégeant en appel ; qu'au surplus, il convient de relever que le laps de temps écoulé a pour origine l'exécution des commissions rogatoires internationales en Italie relatives à son curriculum vitae après qu'elle ait été interrogée par le président de la cour d'assises le 22 mai 2008, à l'attente du retour d'un nouveau supplément d'information sollicité par son avocat lors de l'audience du 20 octobre 2008, à l'attente du retour de la commission rogatoire délivrée aux autorités judiciaires italiennes afin de vérifier les éléments contenus dans les documents produits pour la première fois par son avocat lors de l'audience de la cour d'assises d'appel du 13 septembre 2010 quant à sa présence en Italie entre les 8 et 10 août 1987 ; qu'il ne saurait dès lors être retenu qu'il ait été porté atteinte au délai raisonnable issu des dispositions de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'au regard des pièces et expertises médicales versées au dossier, l'état de santé de Mme X... a été estimé compatible avec la détention ; que ses avocats n'ont pas déposé un mémoire invoquant que ce dernier serait désormais incompatible avec la détention ni souhaitant une nouvelle expertise médicale ; que Mme X..., qui avait été condamnée par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité en 2001 pour des faits commis en 1987, n'a été retrouvée le 15 novembre 2007 qu'en exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré après sa condamnation ; que Mme X..., ressortissante de nationalité italienne lors de son interpellation domiciliée en Italie pays où elle a ses attaches, n'offre pas de réelles garanties de représentation en justice en France où elle doit comparaître devant la cour d'assises d'appel des Hauts-de-Seine pour y répondre de faits de vol avec arme et d'assassinat, après le retour du supplément d'information ; que la détention est l'unique moyen d'assurer la représentation en justice de Mme X... qui a réussi à échapper à la justice française pendant de longues années et qui n'a pu être retrouvée qu'à la faveur d'un transit en France entre les Etats-Unis et l'Italie ; qu'aucun contrôle judiciaire même assorti d'un hébergement au ... au Chesnay (78) comme précédemment proposé ne permettrait d'assurer effectivement la représentation de l'intéressée en France où elle ne revendique aucune réelle attache ; que la mise en place d'un placement sous surveillance électronique ne pourrait être envisagé pas plus que le dépôt du passeport ou d'une caution qui ne permettraient pas plus de garantir de façon certaine la comparution de l'intéressée devant la cour d'assises d'appel eu égard à l'indéniable "temps de réponse" des autorités chargées du suivi de la surveillance électronique rapproché de la rapidité des moyens de communication et de la difficulté de localiser rapidement une personne dans une région de plusieurs millions d'habitants ;
"1°) alors que la circonstance qu'un supplément d'information a été ordonné par la juridiction d'appel ne suffit pas, à elle seule, à justifier la prolongation de la détention ni à dispenser le juge saisi d'une demande de mise en liberté de rechercher si la durée de la détention est encore raisonnable ; qu'en l'absence de toute justification du retard pris pour l'exécution de la commission rogatoire internationale, et de la moindre démarche de l'autorité juridictionnelle française pour obtenir retour de cette commission, la chambre de l'instruction, qui n'a pas réellement vérifié si la durée de la détention provisoire n'avait pas dépassé une durée raisonnable, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
2°) "alors que l'objectif de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice doit s'apprécier, en cas d'appel formé par la personne détenue pendant l'instance d'appel de la décision du fond, au regard de la peine prononcée en première instance et de la durée de la détention provisoire déjà effectuée ; qu'en l'espèce, Mme X..., qui a fait appel d'une condamnation à une peine de six ans d'emprisonnement prononcée par la cour d'assises de première instance, avait déjà effectué plus de quatre années de détention au moment de sa demande de remise en liberté ; que, dès lors, en justifiant son maintien en détention, en se fondant sur la nécessité de garantir sa représentation en justice, sans s'interroger sur la durée de la détention provisoire déjà effectuée par rapport à la peine prononcée en première instance, la chambre de l'instruction a de nouveau privé sa décision de base légale" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, placée en détention provisoire le 15 novembre 2007 en exécution d'un mandat d'arrêt européen décerné le 25 mars 2005 à la suite de sa condamnation par contumace, le 14 décembre 2001, à la réclusion criminelle à perpétuité pour vol avec arme et assassinat commis en 1987, Mme X... a été condamnée le 15 septembre 2009 par la cour d'assises des Yvelines à six ans d'emprisonnement pour vol avec arme et complicité d'assassinat ; que, le 13 septembre 2010, la cour d'assises des Hauts-de-Seine, désignée le 14 octobre 2009 par la chambre criminelle pour statuer sur son appel, a renvoyé l'examen de l'affaire à une audience ultérieure afin qu'il soit procédé au supplément d'information demandé par l'avocat de l'accusée ; que, le 20 septembre 2011, Mme X... a présenté une demande de mise en liberté ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt relève qu'il ne peut être retenu qu'il a été porté atteinte au délai raisonnable prévu par l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que sont toujours attendus les résultats de commissions rogatoires délivrées aux autorités judiciaires italiennes, en particulier afin de vérifier les éléments contenus dans les documents produits pour la première fois par l'avocat de l'accusée lors de l'audience de la cour d'assises du 13 septembre 2010 ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, d'une part, en se référant à tort à l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme qui concerne les seules personnes détenues avant jugement, et, d'autre part, sans rechercher si une diligence particulière avait été apportée à l'exécution du supplément d'information ordonné, en application de l'article 6 de ladite Convention, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 8 novembre 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept mars deux mille douze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;