LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le syndicat CGT Sovab a saisi un tribunal de grande instance afin notamment qu'il enjoigne à la société Sovab d'étendre l'usage applicable aux seuls salariés postés avec horaires en alternance consistant à verser une "prime de temps repas", à tous les salariés et qu'il soit fait défense à l'employeur de poursuivre sa politique discriminatoire à l'encontre des salariés absents pour maladie ; que le tribunal a fait droit à ces demandes, ordonnant à l'employeur de régulariser la situation des salariés de fabrication de nuit et de ceux qui travaillent uniquement sur l'horaire 7 heures / 14 heures 32 au regard de la "prime de temps repas" et a ordonné qu'il soit mis fin au dispositif de sensibilisation à l'absentéisme destiné aux salariés revenant d'un arrêt pour maladie ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de lui enjoindre de mettre fin au dispositif de sensibilisation à l'absentéisme destiné aux salariés revenant d'un arrêt pour maladie et de le condamner au paiement de dommages-intérêts au syndicat CGT Sovab, alors, selon le moyen :
1°/ que relève du pouvoir de direction de l'employeur et ne caractérise pas une pratique discriminatoire prohibée au niveau de l'entreprise, le fait d'adresser à un salarié une lettre afin d'attirer son attention sur les conséquences de ses absences répétées (dont les causes ne sont au demeurant pas précisées) sur une courte période ; que cette pratique exceptionnelle, limitée à un salarié et justifiée au regard de la situation très particulière de ce dernier, ne constitue pas une pratique fautive de l'employeur ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;2°/ qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société Sovab procédait à des entretiens individuels au terme des périodes d'absence des salariés, quel que soit le motif de ladite absence et non pas spécifiquement en cas d'absence consécutive à une maladie ; qu'en estimant néanmoins que cette pratique était constitutive d'une discrimination à l'égard des salariés absents pour cause de maladie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'employeur avait mis en oeuvre une méthode dite de "sensibilisation aux enjeux de désorganisation de la production" et procédait dans ce cadre à des entretiens "retour d'absence" quels que soient la durée et le motif de l'absence, y compris en cas de maladie ou d'accident du travail, au cours desquels étaient évoquées les perturbations de l'organisation de l'entreprise résultant de l'absence, cet entretien donnant lieu à l'établissement d'un document signé par le salarié concerné, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que les salariés absents pour cause de maladie subissaient en raison de leur état de santé une discrimination indirecte caractérisée, malgré le caractère apparemment neutre du dispositif, a à bon droit ordonné qu'il y soit mis fin ; que le moyen qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article L. 2132-3 du code du travail ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande du syndicat tendant à ce qu'il soit ordonné à l'employeur de régulariser au regard de la prime de "temps repas" la situation des salariés de fabrication de nuit et de ceux qui travaillent uniquement selon l'horaire 7 heures / 14 heures 32, la cour d'appel énonce que le syndicat demandait au tribunal de dire que l'employeur devrait payer la prime dite de temps repas à l'ensemble des salariés et que quelle que soit l'origine (usage ou accord collectif) de cette prime, il est certain que le syndicat ne pouvait demander le paiement de cette prime à l'ensemble des salariés, l'objet du litige n'étant pas de nature à mettre en cause l'intérêt collectif de la profession ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action du syndicat, qui ne tendait pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées, mais à l'application du principe d'égalité de traitement, relevait de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande du syndicat CGT Sovab tendant à ce qu'il soit ordonné à l'employeur de régulariser au regard de la "prime de temps repas" la situation des salariés de fabrication de nuit et ceux qui travaillent uniquement selon l'horaire 7 heures / 14 heures 32, l'arrêt rendu le 30 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Sovab aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sovab à payer au syndicat CGT Sovab la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour le syndicat CGT Sovab, demandeur au pourvoi principal.
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande du syndicat CGT SOVAB tendant à ce qu'il soit ordonné à la SNC SOVAB de régulariser, au regard de la prime de temps de repas, la situation des salariés de fabrication de nuit et de ceux qui travaillent uniquement sur l'horaire 7h/14h32, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard et par salarié concerné, dès l'expiration du délai de 30 jours suivant celui de la signification du présent jugement ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que le syndicat avait demandé au tribunal de dire que la société SOVAB devrait payer la prime dite de temps de repas à l'ensemble des salariés ; que quelle que soit l'origine (usage ou accord collectif) de la prime litigieuse, il est certain que si le syndicat pouvait agir en son nom propre pour obtenir le respect des engagements pris par l'employeur, unilatéralement ou non, il ne pouvait, ainsi qu'il l'a fait, demander le paiement de la prime à l'ensemble des salariés ; que la demande est donc irrecevable de ce chef, l'objet du litige n'étant pas de nature à mettre en cause l'intérêt collectif de la profession ;
1/ ALORS QUE l'objet du litige dont est saisi le juge d'appel est déterminé par les prétentions des parties légalement formées dans leurs conclusions d'appel ; qu'en se basant sur la demande telle que a été formulée devant les premiers juges et non sur celle faite devant la cour d'appel tendant à la confirmation pure et simple du jugement pour déterminer l'objet du litige, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE la recevabilité de l'action en justice d'un syndicat pour défendre l'intérêt collectif de la profession s'apprécie au regard de la demande légalement formée en cause d'appel ; qu'en refusant de tenir compte de la demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la SNC SOVAB de régulariser, au regard de la prime de temps de repas, la situation de deux catégories de travailleurs, la cour d'appel a violé les articles 542, 561, 565 et 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;
3/ ALORS QUE, en tout état de cause, les syndicats professionnels sont recevables à demander en justice l'exécution d'un accord collectif, même non étendu, d'un engagement unilatéral de l'employeur ou d'un usage d'entreprise, leur inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession ; qu'à ce titre, un syndicat professionnel peut demander la paiement d'une prime en exécution de l'une de ces normes à une collectivité de travailleurs, dès lors qu'il ne les désigne pas nommément ; qu'en déclarant néanmoins que le syndicat CGT SOVAB était irrecevable à demander le paiement de la prime de temps de repas en exécution d'un accord collectif d'entreprise à l'ensemble des salariés non nommément désignés, la cour d'appel a violé l'article L. 2131-3 du code du travail.Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Sovab, demanderesse au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à la SNC SOVAB de mettre fin au dispositif de sensibilisation à l'absentéisme destiné aux salariés revenant d'un arrêt-maladie, et ce sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée, ainsi que de l'AVOIR condamnée à verser au syndicat CGT la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour l'atteinte portée aux intérêts collectifs de la profession ;
AUX MOTIFS QU' « en ce qui concerne les absences qu'il est sans intérêt de discuter de la situation isolée d'un salarié ; qu'il incombe au syndicat d'apporter la preuve des pratiques qu'il dénonce ; que force est de constater qu'il n'est nullement avéré que le document intitulé "fiche d'action n° 1" (FA RH 001) ait été effectivement mis en application ; que cependant, il est certain que l'entreprise a mis en oeuvre une méthode de "sensibilisation aux enjeux de désorganisation de la production", ainsi que l'établit le syndicat qui produit la copie d'une lettre adressée le 26 septembre 2007 à un salarié dont l'employeur relève "l'importance et la fréquence" de ses absences au cours des 6 derniers mois, celle-ci ayant "occasionné un trouble certain" quant au bon fonctionnement de son UET ; que ce courrier s'achève ainsi "nous espérons que cette sensibilisation aux coûts matériels et humains, directs et indirects que génère votre indisponibilité pour l'entreprise, vous permettra de prendre toute mesure personnelle utile à l'amélioration durable de votre assiduité au travail" ; qu'il apparaît encore que l'employeur procède à des entretiens "retour d'absence quelle qu'en soit la durée, y compris en cas de maladie et d'accident du travail", au cours desquels sont énoncées les perturbations de l'organisation engendrées par l'absence (10 effets) ; que cet entretien donne lieu à l'établissement d'un document signé par le salarié concerné ; qu'il apparaît ainsi que le salarié qui a été absent pour cause de maladie voit son attention attirée sur les conséquences négatives de son absence, tant à l'égard des intérêts de l'entreprise que de ceux de ses collègues de travail ; qu'une telle démarche, dont il importe peu qu'elle s'applique à tous les cas d'absence, présente une nature discriminatoire, et met implicitement mais nécessairement en cause l'opportunité d'un tel arrêt et la possibilité pour le salarié d'y recourir ou non ; que le jugement mérité donc confirmation de ce chef ; qu'en raison de ce qui précède, le premier juge était fondé à allouer une indemnité de 2.000 € au syndicat à titre de dommages et intérêts ; qu'eu égard à la solution apportée au litige, il y a lieu de dire que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel ; qu'il ne sera pas fait application de l'article 700 du Code de Procédure Civile » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE relève du pouvoir de direction de l'employeur et ne caractérise pas une pratique discriminatoire prohibée au niveau de l'entreprise, le fait d'adresser à un salarié une lettre afin d'attirer son attention sur les conséquences de ses absences répétées (dont les causes ne sont au demeurant pas précisées) sur une courte période ; que cette pratique exceptionnelle, limitée à un salarié et justifiée au regard de la situation très particulière de ce dernier, ne constitue pas une pratique fautive de l'employeur ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU' il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société SOVAB procédait à des entretiens individuels au terme des périodes d'absence des salariés, quel que soit le motif de ladite absence et non pas spécifiquement en cas d'absence consécutive à une maladie ; qu'en estimant néanmoins que cette pratique était constitutive d'une discrimination à l'égard des salariés absents pour cause de maladie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail.