La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2012 | FRANCE | N°11-26585

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 décembre 2012, 11-26585


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, que Mme X...et seize autres salariés de la société Castorama France exploitant un magasin de bricolage à Anglet ont saisi la juridiction prud'homale statuant en référé pour obtenir la prise charge par leur employeur des frais d'entretien de leur tenue de travail obligatoire et le paiement d'une provision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes et de lui prescrire le ramassage chaque semaine des t

enues sales, leur lavage et repassage, leur remise à disposition la semai...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, que Mme X...et seize autres salariés de la société Castorama France exploitant un magasin de bricolage à Anglet ont saisi la juridiction prud'homale statuant en référé pour obtenir la prise charge par leur employeur des frais d'entretien de leur tenue de travail obligatoire et le paiement d'une provision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes et de lui prescrire le ramassage chaque semaine des tenues sales, leur lavage et repassage, leur remise à disposition la semaine suivante dans des casiers destinés à cet effet, alors, selon le moyen :
1°/ que constituent des frais professionnels les dépenses exposées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur ; que lorsque l'employeur impose au salarié, pour des raisons de contact avec la clientèle ou de stratégie commerciale, le port d'une tenue de travail qu'il met à sa disposition, l'entretien de cette tenue de travail ne crée des frais professionnels que dans la mesure où il engendre pour le salarié des dépenses plus élevées que celles qu'il aurait exposées pour l'entretien de ses vêtements personnels, s'il les avait portés au travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la tenue de travail obligatoire fournie par l'employeur se compose d'une chemise ou chemisette, d'un pantalon, d'une parka ou d'un gilet sans manche en polaire et que ces vêtements ne présentent aucune particularité, sinon de comporter un logo à l'enseigne de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'entretien de cette tenue de travail obligatoire ne crée, pour le salarié, aucune dépense supplémentaire par rapport à l'entretien de ses propres vêtements, qu'il aurait portés s'il n'avait bénéficié de la tenue de travail mise à sa disposition par l'employeur ; qu'en décidant néanmoins que l'entretien de cette tenue de travail devait être supporté par l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé les articles 1135 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ qu'en présence d'une contestation sérieuse sur l'obligation dont l'exécution est réclamée, le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier ; que l'existence d'un trouble manifestement illicite suppose une violation caractérisée des dispositions légales ou réglementaires ; qu'en l'espèce, au regard de la composition des tenues de travail obligatoires qui ne présentent aucune spécificité par rapport à des vêtements personnels, l'entretien de ces tenues de travail n'engendre pas nécessairement des dépenses supplémentaires, ni par conséquent de frais exposés par les salariés pour leur activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur ; qu'il en résulte que l'obligation, pour l'employeur, de prendre en charge l'entretien des tenues de travail des salariés était à tout le moins sérieusement contestable et que le refus de l'employeur de mettre en place un système de prise en charge de l'entretien de ces tenues de travail ne constituait pas un trouble manifestement illicite ; qu'en accordant néanmoins aux salariés une provision sur les frais d'entretien de leur tenue de travail et en ordonnant à l'employeur de prendre en charge l'entretien des tenues de travail des salariés, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du code du travail ;
3°/ que lorsqu'elle n'est pas prévue par des dispositions légales ou réglementaires pour des questions d'hygiène et de sécurité, la fourniture d'une tenue de travail par l'employeur constitue un avantage en nature pour les salariés dont les vêtements personnels sont préservés d'usure et de dégradation ; que cet avantage compense la sujétion résultant de l'obligation de porter cette tenue de travail spécifique ; que mettre à la charge de l'employeur l'entretien de ces tenues de travail obligatoires revient à accorder aux salariés qui en bénéficient un avantage injustifié par rapport aux autres salariés qui assument seuls la charge de l'entretien des vêtements personnels qu'ils portent au travail ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir que la prise en charge de l'entretien des tenues de travail obligatoires, par l'employeur, aurait eu pour effet de rompre l'égalité entre salariés, les salariés non soumis à l'obligation de porter une tenue de travail obligatoire ne pouvant exiger un avantage comparable ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que seuls les frais que le salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés par ce dernier ; qu'en conséquence, le salarié qui sollicite le remboursement des frais exposés pour l'entretien de la tenue de travail imposée par l'employeur doit justifier de la réalité et du montant de ces frais ; que le seul fait qu'il soit tenu de porter une tenue de travail obligatoire ne suffit pas à établir la réalité et l'importance des frais exposés pour l'entretien de cette tenue de travail ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour accorder à chacun des demandeurs la somme de 2 500 euros à titre de provision sur les frais d'entretien de leur tenue de travail exposés pendant 5 ans, à relever que les salariés produisaient deux devis établis par des entreprises de pressing et évaluaient le coût d'un lavage à 1, 50 euro, soit 552 euros par an, sans constater que les salariés justifiaient qu'ils avaient dû effectivement exposer des frais pour l'entretien de leur tenue de travail, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
5°/ que les parties peuvent convenir qu'en contrepartie de l'avantage que constitue la mise à disposition gratuite, par l'employeur, d'une tenue de travail, le salarié prendra à sa charge l'entretien de cette tenue de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les contrats de travail des dix-sept salariés prévoient expressément qu'ils assureront l'entretien des vêtements de travail dont le port est exigé par leurs fonctions et qui sont mis à leur disposition gratuitement par l'entreprise ; qu'en la condamnant néanmoins à prendre en charge l'entretien des tenues de travail de ces dix-sept salariés, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1135 du code civil et L. 1221-1 du code du travail que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ; que la clause du contrat de travail qui met à la charge du salarié les frais engagés pour les besoins de son activité professionnelle est réputée non écrite ;
Et attendu qu'ayant constaté que le port d'une tenue de travail était obligatoire pour les salariés et qu'il était inhérent à leur emploi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions prétendument délaissées, qui étaient inopérantes, a, à bon droit, ordonné à l'employeur de prendre en charge leur entretien, nonobstant la clause contractuelle contraire, et accordé aux salariés une provision à valoir sur les frais qu'ils avaient d'ores et déjà exposés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu le principe fondamental de la liberté d'entreprendre ensemble les articles 1135 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu que s'il résulte de ces deux derniers textes que l'employeur doit assurer l'entretien des tenues de travail dont il impose le port au salarié, il lui appartient de définir dans l'exercice de son pouvoir de direction, les modalités de prise en charge de cet entretien ;
Attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que la société Castorama France devait prendre en charge l'entretien des tenues de travail des salariés, lui a prescrit de mettre en place un système de ramassage, de lavage et de repassage chaque semaine, des tenues sales, et de remise à disposition, la semaine suivante, des tenues propres dans des casiers prévus à cet effet ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement en ce qu'il prescrit à la société Castorama France, pour les dix-sept salariés, le ramassage chaque semaine des tenues sales, leur lavage et repassage, leur remise à disposition la semaine suivante dans des casiers destinés à cet effet sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de sa notification, l'arrêt rendu le 29 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Castorama France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Castorama France et la condamne à payer aux salariés la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Castorama France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à la société CASTORAMA FRANCE de prendre en charge le nettoyage des tenues de travail des dix-sept défendeurs au pourvoi, d'AVOIR prescrit à la charge de la société CASTORAMA FRANCE pour les dix-sept défendeurs au pourvoi le ramassage chaque semaine des tenues sales, leur lavage et repassage, leur remise à disposition la semaine suivante dans des casiers destinés à cet effet et d'AVOIR condamné la société CASTORAMA FRANCE à verser à chacun des défendeurs au pourvoi la somme de 2. 500 euros à titre de provision sur frais d'entretien de leur tenue de travail et la somme de 300 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite : que le règlement intérieur unique pour l'ensemble des établissements S. A. S. CASTORAMA FRANCE énonce en son article 2. 2 : " Dans un souci de prévention en matière de sécurité et/ ou pour permettre aux clients d'identifier immédiatement le personnel et d'améliorer ainsi l'image de marque de l'entreprise, l'entreprise rappelle que le personnel est tenu selon sa fonction, au port de la tenue de travail délivrée par l'employeur et dont le modèle est défini par l'entreprise ; chaque collaborateur est tenu d'avoir une présentation propre, correcte et soignée, adaptée à l'image de marque du magasin " ; Que les contrats de travail des dix-sept salariés qui exercent des fonctions soit de conseillers de vente, soit d'équipiers logistique, soit d'hôtesses de caisse, soit de vendeurs service, soit d'employés libre-service, comportent la même clause ainsi libellée : " votre fonction exige le port de vêtements de travail et de sécurité qui vous seront confiés par l'entreprise et dont vous assurerez l'entretien ; ces vêtements resteront la propriété de CASTORAMA... " ; Qu'ainsi, le port des tenues fournies par l'employeur constitue une obligation contractuelle dont la transgression peut être disciplinairement sanctionnée ; Que les vêtements de travail dont le port est exigé sont constitués, selon les photographies produites aux débats :- pour l'été, de chemisettes de couleur bleue délavée comportant au dos le sigle " CASTORAMA " et une barre horizontale de trois couleurs rouge, blanche et orange ;- pour l'hiver, de gilets sans manche en " polaire ", des chemises manches longues et des parkas doublés comportant au dos le sigle " CASTORAMA " et une barre horizontale de couleur jaune ;- de pantalons style jeans de couleur bleue avec surpiqûres et comportant le sigle de couleur jaune " CASTORAMA " sur le rabat de la poche plaquée droite ; que l'employeur peut imposer à un salarié des contraintes vestimentaires, dès lors qu'elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; Qu'en l'espèce, la S. A. S. CASTORAMA FRANCE impose à ses salariés le port de vêtements spécifiques afin de permettre aux clients de les identifier ; Que la chambre sociale de la Cour de Cassation, en visant les dispositions combinées des articles 1135 du Code Civil, L. 1221-1 du Code du Travail, a dégagé en 2008, le principe selon lesquels les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de son employeur, doivent être supportés par ce dernier ; Qu'il apparaît ainsi que la S. A. S, CASTORAMA FRANCE qui fournit les vêtements que doivent porter ses salariés doit également prendre à sa charge les frais d'entretien de ces tenues spécifiques ; Que les organisations syndicales représentatives et les délégués du personnel de la SAS CASTORAMA de METZ ont soumis cette question qui intéresse l'ensemble des employés de la société à leur direction ; que la S. A. S. CASTORAMA FRANCE, le 26 octobre 2010, a indiqué que l'entreprise considérait qu'il n'existait pas d'obligation générale et absolue de prendre en charge l'entretien des tenues de travail des collaborateurs ; Que dans un courrier adressé le 19 janvier 2011 à la direction de la S. A. S. CASTORAMA à ANGLET, l'inspecteur du travail a rappelé l'obligation pesant sur l'employeur de prise en charge de l'entretien des vêtements de travail fournis, y compris en cas de travaux non salissants ou en l'absence d'exposition des agents à des substances dangereuses ; qu'il a relevé que cette demande avait déjà été formulée par un autre inspecteur du travail par lettres d'observations des 29 janvier 2008 et 26 mars 2008 ; Que le refus obstiné ainsi manifesté par l'employeur, pourtant au fait de la jurisprudence, constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser, en enjoignant à la S. A. S. CASTORAMA FRANCE de mettre en place un système permettant la prise en charge de l'entretien des vêtements de travail dont le port est imposé aux salariés ; Qu'il n'appartient pas à la Cour, saisie en matière de référé, de se substituer aux accords collectifs ou aux propositions de l'employeur pour évaluer l'indemnité due aux salariés pour l'entretien des dits vêtements ; qu'il convient toutefois, de prescrire à la charge de la CASTORAMA FRANCE pour les dix-sept salariés concernés par la présente instance :- le ramassage, chaque semaine des tenues sales ;- leur lavage et repassage ;- leur remise à disposition, la semaine suivante, dans des casiers destinés à cet effet ; Qu'en effet, l'obligation de l'employeur ne peut se trouver remplie par la simple mise à disposition de chaque salarié d'un baril de lessive par trimestre ; Qu'afin de prévenir toute inertie, il y a lieu d'assortir l'exécution de la décision d'une astreinte de 200 € par jour de retard, à compter de sa notification par le Greffe de la Cour ; (…) que l'obligation à la charge de la S. A. S. CASTORAMA FRANCE de la prise en charge de l'entretien des vêtements de travail fournis n'étant pas sérieusement contestable, Madame Marcelle X..., Monsieur Patrick Z..., Monsieur Jean-Philippe A..., Mademoiselle Cécile B..., Monsieur Patrick C..., Monsieur Victor D..., Monsieur Serge E..., Monsieur Christian F..., Madame Danielle I..., Monsieur Jean Jacques H..., Monsieur Philippe H..., Monsieur Jean-François J..., Madame Chantal K..., Monsieur Joaquim L..., Madame Jessica M..., Monsieur Yannick-N..., Monsieur Christophe O...sont recevables à solliciter l'allocation d'une provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice consistant à avoir assuré le lavage et le repassage de leurs tenues de travail, depuis leur embauche ; que Monsieur Serge E...produit deux devis de nettoyage d'un pantalon par semaine, de cinq polos par semaine et de deux polaires par semaine s'élevant respectivement à 36, 90 € et 36, 20 € ; Que les demandeurs au référé évaluant à 1, 50 € le lavage, estiment le coût annuel d'entretien des tenues de travail à 552 €, soit :- lavage : 1, 50 € x 2/ semaine x 46 semaines = 138 € ; repassage 2 x 30 minutes par semaine soit 9 x 46 = 414 ; Que cette base d'évaluation, apparaît fiable ; Que la formation de référé du Conseil de Prud'hommes de BAYONNE a également pris en compte l'ancienneté de chaque salarié ; que l'employeur oppose la prescription quinquennale aux demandes des salariés ; Qu'ayant formé leurs demandes le 22 novembre 2010, Madame Marcelle X..., Monsieur Patrick Z..., Monsieur Jean-Philippe A..., Mademoiselle Cécile B..., Monsieur Patrick C..., Monsieur Victor D..., Monsieur Serge E..., Monsieur Christian F..., Madame Danielle I..., Monsieur Jean-Jacques H..., Monsieur Philippe H..., Monsieur Jean-François J..., Madame Chantal K..., Monsieur Joaquim L..., Madame Jessica M..., Monsieur Yannick N..., Monsieur Christophe O...ne sont fondés en leur demande qu'a, compter du 22 novembre 2005, conformément aux dispositions de l'article 2224 du Code Civil, dans sa rédaction issue de la Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; Qu'il convient, en conséquence, d'allouer à chacun des salariés la somme de 2 500 € à titre de provision » ;
1. ALORS QUE constituent des frais professionnels les dépenses exposées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur ; que lorsque l'employeur impose au salarié, pour des raisons de contact avec la clientèle ou de stratégie commerciale, le port d'une tenue de travail qu'il met à sa disposition, l'entretien de cette tenue de travail ne crée des frais professionnels que dans la mesure où il engendre pour le salarié des dépenses plus élevées que celles qu'il aurait exposées pour l'entretien de ses vêtements personnels, s'il les avait portés au travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la tenue de travail obligatoire fournie par l'employeur se compose d'une chemise ou chemisette, d'un pantalon, d'une parka ou d'un gilet sans manche en polaire et que ces vêtements ne présentent aucune particularité, sinon de comporter un logo à l'enseigne de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'entretien de cette tenue de travail obligatoire ne crée, pour le salarié, aucune dépense supplémentaire par rapport à l'entretien de ses propres vêtements, qu'il aurait portés s'il n'avait bénéficié de la tenue de travail mise à sa disposition par l'employeur ; qu'en décidant néanmoins que l'entretien de cette tenue de travail devait être supporté par l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé les articles 1135 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail ;
2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en présence d'une contestation sérieuse sur l'obligation dont l'exécution est réclamée, le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier ; que l'existence d'un trouble manifestement illicite suppose une violation caractérisée des dispositions légales ou réglementaires ; qu'en l'espèce, au regard de la composition des tenues de travail obligatoires qui ne présentent aucune spécificité par rapport à des vêtements personnels, l'entretien de ces tenues de travail n'engendre pas nécessairement des dépenses supplémentaires, ni par conséquent de frais exposés par les salariés pour leur activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur ; qu'il en résulte que l'obligation, pour l'employeur, de prendre en charge l'entretien des tenues de travail des salariés était à tout le moins sérieusement contestable et que le refus de l'employeur de mettre en place un système de prise en charge de l'entretien de ces tenues de travail ne constituait pas un trouble manifestement illicite ; qu'en accordant néanmoins aux salariés une provision sur les frais d'entretien de leur tenue de travail et en ordonnant à l'employeur de prendre en charge l'entretien des tenues de travail des salariés, la cour d'appel a violé l'article 809 du Code de procédure civile, ensemble les articles R. 1455-6 et R. 1455-7 du Code du travail ;
3. ALORS QUE lorsqu'elle n'est pas prévue par des dispositions légales ou réglementaires pour des questions d'hygiène et de sécurité, la fourniture d'une tenue de travail par l'employeur constitue un avantage en nature pour les salariés dont les vêtements personnels sont préservés d'usure et de dégradation ; que cet avantage compense la sujétion résultant de l'obligation de porter cette tenue de travail spécifique ; que mettre à la charge de l'employeur l'entretien de ces tenues de travail obligatoires revient à accorder aux salariés qui en bénéficient un avantage injustifié par rapport aux autres salariés qui assument seuls la charge de l'entretien des vêtements personnels qu'ils portent au travail ; qu'en l'espèce, la société exposante faisait valoir que la prise en charge de l'entretien des tenues de travail obligatoires, par l'employeur, aurait eu pour effet de rompre l'égalité entre salariés, les salariés non soumis à l'obligation de porter une tenue de travail obligatoire ne pouvant exiger un avantage comparable ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4. ALORS QUE seuls les frais que le salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés par ce dernier ; qu'en conséquence, le salarié qui sollicite le remboursement des frais exposés pour l'entretien de la tenue de travail imposée par l'employeur doit justifier de la réalité et du montant de ces frais ; que le seul fait qu'il soit tenu de porter une tenue de travail obligatoire ne suffit pas à établir la réalité et l'importance des frais exposés pour l'entretien de cette tenue de travail ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour accorder à chacun des demandeurs la somme de 2. 500 euros à titre de provision sur les frais d'entretien de leur tenue de travail exposés pendant 5 ans, à relever que les salariés produisaient deux devis établis par des entreprises de pressing et évaluaient le coût d'un lavage à 1, 50 euro, soit 552 euros par an, sans constater que les salariés justifiaient qu'ils avaient dû effectivement exposer des frais pour l'entretien de leur tenue de travail, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
5. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les parties peuvent convenir qu'en contrepartie de l'avantage que constitue la mise à disposition gratuite, par l'employeur, d'une tenue de travail, le salarié prendra à sa charge l'entretien de cette tenue de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les contrats de travail des dix-sept salariés prévoient expressément qu'ils assureront l'entretien des vêtements de travail dont le port est exigé par leurs fonctions et qui sont mis à leur disposition gratuitement par l'entreprise ; qu'en condamnant néanmoins la société CASTORAMA FRANCE à prendre en charge l'entretien des tenues de travail de ces dix-sept salariés, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prescrit à la charge de la société CASTORAMA FRANCE pour les dix sept défendeurs au pourvoi le ramassage chaque semaine des tenues sales, leur lavage et repassage, leur remise à disposition la semaine suivante dans des casiers destinés à cet effet, d'AVOIR assorti l'exécution de la présente décision d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de sa notification et d'AVOIR condamné la société CASTORAMA FRANCE à verser à chacun des défendeurs au pourvoi la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « que le règlement intérieur unique pour l'ensemble des établissements S. A. S. CASTORAMA FRANCE énonce en son article 2. 2 : " Dans un souci de prévention en matière de sécurité et/ ou pour permettre aux clients d'identifier immédiatement le personnel et d'améliorer ainsi l'image de marque de l'entreprise, l'entreprise rappelle que le personnel est tenu selon sa fonction, au port de la tenue de travail délivrée par l'employeur et dont le modèle est défini par l'entreprise ; chaque collaborateur est tenu d'avoir une présentation propre, correcte et soignée, adaptée à l'image de marque du magasin " ; Que les contrats de travail des dix-sept salariés qui exercent des fonctions soit de conseillers de vente, soit d'équipiers logistique, soit d'hôtesses de caisse, soit de vendeurs service, soit d'employés libre-service, comportent la même clause ainsi libellée : " votre fonction exige le port de vêtements de travail et de sécurité qui vous seront confiés par l'entreprise et dont vous assurerez l'entretien ; ces vêtements resteront la propriété de CASTORAMA... " ; Qu'ainsi, le port des tenues fournies par l'employeur constitue une obligation contractuelle dont la transgression peut être disciplinairement sanctionnée ; Que les vêtements de travail dont le port est exigé sont constitués, selon les photographies produites aux débats :- pour l'été, de chemisettes de couleur bleue délavée comportant au dos le sigle " CASTORAMA " et une barre horizontale de trois couleurs rouge, blanche et orange ;- pour l'hiver, de gilets sans manche en " polaire ", des chemises manches longues et des parkas doublés comportant au dos le sigle " CASTORAMA " et une barre horizontale de couleur jaune ;- de pantalons style jeans de couleur bleue avec surpiqûres et comportant le sigle de couleur jaune " CASTORAMA " sur le rabat de la poche plaquée droite ; que l'employeur peut imposer à un salarié des contraintes vestimentaires, dès lors qu'elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; Qu'en l'espèce, la S. A. S. CASTORAMA FRANCE impose à ses salariés le port de vêtements spécifiques afin de permettre aux clients de les identifier ; Que la chambre sociale de la Cour de Cassation, en visant les dispositions combinées des articles 1135 du Code Civil, L. 1221-1 du Code du Travail, a dégagé en 2008, le principe selon lesquels les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de son employeur, doivent être supportés par ce dernier ; Qu'il apparaît. ainsi que la S. A. S, CASTORAMA FRANCE qui fournit les vêtements que doivent porter ses salariés doit également prendre à sa charge les frais d'entretien de ces tenues spécifiques ; Que les organisations syndicales représentatives et les délégués du personnel de la SAS CASTORAMA de METZ ont soumis cette question qui intéresse l'ensemble des employés de la société à leur direction ; que la S. A. S. CASTORAMA FRANCE, le 26 octobre 2010, a indiqué que l'entreprise considérait qu'il n'existait pas d'obligation générale et absolue de prendre en charge l'entretien des tenues de travail des collaborateurs ; Que dans un courrier adressé le 19 janvier 2011 à la direction de la S. A. S. CASTORAMA à ANGLET, l'inspecteur du travail a rappelé l'obligation pesant sur l'employeur de prise en charge de l'entretien des vêtements de travail fournis, y compris en cas de travaux non salissants ou en l'absence d'exposition des agents à des substances dangereuses ; qu'il a relevé que cette demande avait déjà été formulée par un autre inspecteur du travail par lettres d'observations des 29 janvier 2008 et 26 mars 2008 ; Que le refus obstiné ainsi manifesté par l'employeur, pourtant au fait de la jurisprudence, constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser, en enjoignant à la S. A. S. CASTORAMA FRANCE de mettre en place un système permettant la prise en charge de l'entretien des vêtements de travail dont le port est imposé aux salariés ; Qu'il n'appartient pas à la Cour, saisie en matière de référé, de se substituer aux accords collectifs ou aux propositions de l'employeur pour évaluer l'indemnité due aux salariés pour l'entretien des dits vêtements ; qu'il convient toutefois, de prescrire à la charge de la CASTORAMA FRANCE pour les dix-sept salariés concernés par la présente instance :- le ramassage, chaque semaine des tenues sales ;- leur lavage et repassage ;- leur remise à disposition, la semaine suivante, dans des casiers destinés à cet effet ; Qu'en effet, l'obligation de l'employeur ne peut se trouver remplie par la simple mise à disposition de chaque salarié d'un baril de lessive par trimestre ; Qu'afin de prévenir toute inertie, il y a lieu d'assortir l'exécution de la décision d'une astreinte de 200 € par jour de retard, à compter de sa notification par le Greffe de la Cour » ;
ALORS QUE si l'employeur doit assurer la charge de l'entretien des tenues de travail dont il impose le port au salarié, il appartient à l'employeur, seul, de définir, dans l'exercice de son pouvoir de direction, les modalités de prise en charge de l'entretien de ces tenues de travail ; qu'en prescrivant à la société CASTORAMA FRANCE de mettre en place un système de ramassage, chaque semaine, des tenues sales, de lavage et de repassage et de remise à disposition, la semaine suivante, des tenues propres, dans des casiers destinés à cet effet, la cour d'appel a porté atteinte à son pouvoir de direction et ainsi violé le principe fondamental de la liberté d'entreprendre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-26585
Date de la décision : 12/12/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Tenue vestimentaire des salariés - Port obligatoire d'une tenue de travail - Entretien du vêtement de travail - Charge - Limites - Détermination - Portée

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Frais professionnels - Entretien du vêtement de travail - Prise en charge par l'employeur - Conditions - Détermination - Portée

Si, la cour d'appel qui a relevé que l'employeur imposait le port de tenues de travail aux salariés, en a déduit à bon droit qu'il devait assurer l'entretien de ces tenues, elle ne pouvait pour autant lui prescrire de mettre en place un système de ramassage, de lavage et de repassage chaque semaine, des tenues sales, et de remise à disposition, la semaine suivante, des tenues propres dans des casiers prévus à cet effet, sans porter atteinte à son pouvoir de direction


Références :

article 1135 du code civil

article L. 1221-1 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 29 septembre 2011

Sur la prise en charge des frais d'entretien du vêtement de travail par l'employeur, à rapprocher :Soc., 21 mai 2008, pourvoi n° 06-44044, Bull. 2008, V, n° 108 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 déc. 2012, pourvoi n°11-26585, Bull. civ. 2012, V, n° 331
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, V, n° 331

Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Finielz
Rapporteur ?: Mme Mariette
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.26585
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award