LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1384 du code civil, ensemble l'article 2270-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., dont l'entier cheptel avait dû être abattu, en juillet 2000, après qu'une de ses bêtes avait été atteinte d'une encéphalopathie spongiforme bovine, a, le 21 décembre 2004, assigné en responsabilité la société Terrena, venant aux droits des sociétés coopératives Caval et CNA qui avaient produit et distribué les aliments d'origine industrielle soupçonnés d'être à l'origine de la maladie ;
Attendu que pour déclarer l'action prescrite après avoir constaté que les parties s'étaient accordées sur le fondement non contractuel de la responsabilité recherchée, la cour d'appel, faisant application des dispositions de l'article 10-1 de la directive n° 85/ 374/ CEE du 24 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, a retenu qu'il appartenait à M. X... d'agir dans le délai de trois ans à compter de la date où il avait eu connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du fournisseur et que le délai était écoulé au jour de l'assignation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, quand l'action en responsabilité extracontractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit défectueux mis en circulation avant la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant la directive du 24 juillet 1985, en raison d'un dommage survenu entre l'expiration du délai de transposition de cette directive et l'entrée en vigueur de ladite loi de transposition, se prescrit, selon les dispositions de droit interne alors en vigueur, par dix ans à compter de la manifestation du dommage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Terrena aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Terrena ; la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit l'action de Monsieur Paul X... prescrite ;
AUX MOTIFS QUE les parties s'accordent sur le fondement juridique retenu par le premier juge ; que l'article 10-1 de la directive 85-374 du 24 juillet 1985 sur les produits défectueux dispose que les Etats membres prévoient dans leur législation que l'action en réparation se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; que la directive aurait dû être mise en oeuvre au 30 juillet 1988 ; que c'est par de justes motifs que le premier juge a estimé que les produits incriminés ont été mis en circulation après le 30 juillet 1988 ; que le dommage s'est constitué en juillet 2000 lorsque le troupeau de M. X... a été abattu ; qu'en vue de la préparation d'un reportage, M.
A...
écrivait le 18 juillet 2000 au président de la Caval ‘ l'hypothèse sur l'origine de la maladie est la contamination par l'agent infectieux par la voie orale, particulièrement par le biais de l'alimentation industrielle'; qu'il résulte du reportage tourné par France 2 dans le courant de l'été 2000 que M. X... et son beau-frère attribuaient à l'aliment fourni par la Caval la contamination de l'ESB notamment du fait des graisses animales qui s'y trouvaient ainsi que le démontrent les questions posées au préposé du site d'une usine appartenant à cette coopérative ; que le livre co-écrit par M. Y..., Mme Z...et M. X... intitulé De la vache folle au mouton fou, dépôt légal en août 2001 énonce page 323 qu'après avoir contacté Jean-Louis Y...M. X... a appris que la contamination intervient pendant la première année de la vie de l'animal, que son beau-frère ajoutait à l'alimentation des granulés destinés aux bovins et un lacto-remplaceur (lait en poudre) dont les matières grasses ont été remplacées par des graisses animales ; qu'il ajoute que ‘ notre rencontre avec les responsables de l'entreprise qui fournissait l'exploitation ne nous rassure pas, même si le directeur et le président nous expliquent qu'ils font de gros efforts, qu'ils prennent toutes les précautions ; pourtant l'un de ces aliments a bien contaminé ma vache !': que Monsieur X... connaissait donc le défaut produit et l'identité du producteur ou du fournisseur au moins en août 2001 ; qu'il lui appartenait d'agir dans le délai de trois ans à compter de la date où il a eu connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du fournisseur ; que lorsque que Monsieur X... a assigné la société coopérative agricole Terrena le 21 décembre 2004, le délai de trois ans était passé en sorte que son action doit être déclarée prescrite ; considérant que l'action de M. X... n'est pas abusive dès lors qu'il n'est pas fantaisiste de soupçonner l'alimentation industrielle dans la survenue de l'ESB ; que la SCA Terrena sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
ALORS QUE l'action en réparation des dommages causés à un tiers par le défaut d'un produit mis en circulation avant l'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 se prescrit par dix ans à compter la date à laquelle la victime a pu avoir connaissance du dommage ; qu'en jugeant que l'action introduite par Monsieur X... était prescrite au motif qu'elle était enfermée dans un délai de trois ans cependant qu'elle constatait elle-même que le produit défectueux ayant causé à un dommage à Monsieur X... avait été mis en circulation avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle (arrêt, p. 3 § 7) ce dont il résultait que seule la prescription de droit commun avait vocation à s'appliquer, la Cour d'appel a violé l'article 2270-1 du Code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce, l'article 21 de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, ensemble la directive CEE n° 85/ 374 du 25 juillet 1985.