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29/11/2011 | FRANCE | N°10VE02229

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 novembre 2011, 10VE02229


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société HEINEKEN FRANCE venant aux droits de la société Brasserie Fischer, ayant son siège social 19, rue des Deux Gares à Rueil-Malmaison (92500), par Me Rutschmann ; la société HEINEKEN FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807231 en date du 7 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contribut

ions additionnelles à cet impôt, ainsi que des pénalités correspondantes, as...

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société HEINEKEN FRANCE venant aux droits de la société Brasserie Fischer, ayant son siège social 19, rue des Deux Gares à Rueil-Malmaison (92500), par Me Rutschmann ; la société HEINEKEN FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807231 en date du 7 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles à cet impôt, ainsi que des pénalités correspondantes, assignées à la société Brasserie Fischer au titre de son exercice 1999 résultant de la requalification en moins-value à long terme d'une fraction de la moins-value constatée lors de l'annulation des titres de la société Paca ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, contrairement à ce qu'a estimé l'administration, la fraction de la moins-value d'annulation des titres Paca que la société Brasserie Fischer a reçus à l'occasion de l'apport partiel d'actifs réalisé le 30 juillet 1998 et placé sous le régime de faveur des articles 210 A et 210 B du code général des impôts doit être soumise au régime des moins-values à court terme ; qu'en effet, la position du service est fondée sur une lecture de l'article 210 A 3-c du code général des impôts contraire à la lettre de ce texte dès lors que son seul objet est de déterminer l'assiette des plus-values placées en sursis d'imposition et nullement de déroger aux règles de computation du délai de détention des actifs reçus en apport ; qu'a contrario, lorsque le législateur entend conférer un caractère intercalaire à une opération de fusion ou d'échange pour apprécier la durée de détention des éléments transférés à l'occasion de cette opération, il le précise expressément comme, par exemple, dans le cas des offres publiques d'échanges visées à l'article 38-7 du code général des impôts ou des conditions d'application du régime des sociétés mères et filiales prévues par l'article 145 du même code éclairé par l'instruction 4 H-3-07 du 19 mars 2007 ; qu'en conséquence, sauf à ajouter à la loi fiscale, il ne saurait être déduit du régime de faveur des fusions une règle spéciale de computation du délai de détention des actifs apportés de sorte qu'il convient, par application des règles de droit commun, d'apprécier le délai de détention des titres litigieux par référence à la date de leur transfert de propriété à la société Brasserie Fischer, soit moins de deux ans avant l'annulation desdits titres le 18 juillet 1999, et non par rapport à la date d'acquisition d'origine des titres par la société apporteuse ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2011 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Rutschmann, avocat de la société HEINEKEN FRANCE ;

Considérant qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité de la société Brasserie Fischer, le service, aux termes d'une notification de redressement du 31 juillet 2002, a notamment constaté que, par décision de son assemblée générale du 18 juillet 1999, la société avait annulé les 510 000 titres qu'elle détenait dans le capital de sa filiale, la société Paca, suite à la dissolution de cette dernière par voie de confusion de patrimoine, et avait comptabilisé à cette occasion une moins-value à court terme ; que l'administration a relevé, d'une part, que 200 000 de ces titres avaient été reçus le 30 juillet 1998 dans le cadre d'un apport partiel d'actif consenti par la société Brasserie Fisher Holding placé sous le régime de faveur institué par les dispositions des articles 210 A et suivants du code général des impôts et, d'autre part, que lesdits titres avaient été antérieurement acquis par l'apporteuse en 1988, 1991 et 1996 ; qu'estimant que, pour apprécier le délai de détention de deux ans visé à l'article 39 duodecies du code général des impôts, et ainsi le régime des plus ou moins-values applicable, il convenait de se placer à la date non de réalisation de l'apport mais d'acquisition d'origine par l'apporteuse, le vérificateur a, par suite, requalifié la moins-value litigieuse en moins-value à long terme ; que la société HEINEKEN FRANCE venant aux droits de la société Brasserie Fischer relève appel du jugement du 7 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles à cet impôt procédant de cette requalification ;

Sur les conclusions à fin de décharge et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur et applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. / 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : / a Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans. Le cas échéant, ces plus-values sont majorées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en méconnaissance des dispositions de l'article 39 B ; / b Aux plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt. Le cas échéant, ces plus-values sont majorées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39 B ; / 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2. / 4. Le régime des moins-values à court terme s'applique : / a Aux moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuis moins de deux ans ; / b Aux moins-values subies lors de la cession de biens amortissables, quelle que soit la durée de leur détention. Le cas échéant, ces moins-values sont diminuées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39 B. / 5. Le régime des moins-values à long terme s'applique aux moins-values autres que celles définies au 4 (...) ; qu'aux termes de l'article 210 A dudit code, applicable à l'espèce : 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. / Il en est de même de la plus-value éventuellement dégagée par la société absorbante lors de l'annulation des actions ou parts de son propre capital qu'elle reçoit ou qui correspondent à ses droits dans la société absorbée. / 2. L'impôt sur les sociétés n'est applicable aux provisions figurant au bilan de la société absorbée que si elles deviennent sans objet. / 3. L'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que la société absorbante s'engage, dans l'acte de fusion, à respecter les prescriptions suivantes : / a. Elle doit reprendre à son passif : / - d'une part, les provisions dont l'imposition est différée ; / - d'autre part, la réserve spéciale où la société absorbée a porté les plus-values à long terme soumises antérieurement au taux réduit de 10 %, de 15 %, de 18 %, 19 % ou de 25 % ainsi que la réserve où ont été portées les provisions pour fluctuation des cours en application du sixième alinéa du 5° du 1 de l'article 39. / b. Elle doit se substituer à la société absorbée pour la réintégration des résultats dont la prise en compte avait été différée pour l'imposition de cette dernière. / c. Elle doit calculer les plus-values réalisées ultérieurement à l'occasion de la cession des immobilisations non amortissables qui lui sont apportées d'après la valeur qu'elles avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée (...) ;

Considérant que, s'il est vrai que le c. du 3. de l'article 210 A dispose que les plus ou moins-values réalisées à l'occasion des cessions d'éléments d'actifs immobilisés non amortissables reçus dans le cadre d'un apport partiel d'actif placé sous le régime de faveur institué par cet article sont calculées d'après la valeur qu'elles avaient dans les écritures de la société absorbée, ni cette disposition ni aucune autre disposition du code général des impôts ne prévoit qu'il y aurait lieu, par dérogation au régime fixé par l'article 39 duodecies, de tenir compte, pour la détermination du régime de taxation de ces plus ou moins-values non de leur date d'inscription à l'actif de la société bénéficiaire mais de leur date d'acquisition par la société apporteuse ; qu'en particulier, et contrairement à ce que soutient l'administration, une telle dérogation ne saurait procéder du principe de substitution de la société absorbante à la société absorbée posé par le b. du 3 de l'article 210 A qui ne vise que les résultats dont la prise en compte avait précédemment été différée pour l'imposition de la société absorbée ; que, par suite, lorsqu'une société a bénéficié d'un apport de titres placé sous le régime de faveur de l'article 210 A, et a ultérieurement procédé à l'annulation desdits titres à l'occasion d'une dissolution par confusion de patrimoine, il échoit, pour apprécier la durée de détention de ces titres et, partant, pour qualifier la nature de la moins-value éventuellement réalisée, de retenir, comme date d'acquisition, la date de réalisation de l'apport et non celle à laquelle les titres apportés sont initialement entrés dans le capital de la société ayant consenti l'apport ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 18 juillet 1999, la société Brasserie Fischer a procédé à la dissolution sans liquidation de la société Paca, dont elle était actionnaire unique et a, par voie de conséquence, annulé les 510 000 titres inscrits à son actif, dont 310 000, d'une valeur de 31 000 000 F, avaient pour origine une augmentation de capital réalisée le 16 juin 1999 et 200 000, pour une valeur de 20 000 000 F correspondaient à un apport partiel qui lui avait été consenti le 30 juillet 1998 par la société Brasserie Fischer Holding sous le régime de faveur des fusions prévu aux articles 210 A et suivants du code général des impôts ; qu'ainsi, à la date à laquelle est intervenue l'annulation de ces 200 000 titres, ceux-ci étaient détenus depuis moins de deux ans par la société Brasserie Fischer, de telle sorte que, conformément aux dispositions de l'article 39 duodecies, la moins-value constatée à l'occasion de l'opération en cause, soit 20 000 000 F, relevait du régime des moins-values à court terme, nonobstant les dates d'acquisition des titres par la société apporteuse ; que, par suite, en se référant à ces dates pour qualifier la moins-value litigieuse de moins-value à long terme, le service a fait une inexacte application de la loi fiscale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société HEINEKEN FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande et a sollicité la décharge des impositions en litige. ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions précitées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0807231 en date du 7 mai 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La société HEINEKEN FRANCE, venant aux droits de la société Brasserie Fischer, est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt, ainsi que des pénalités correspondantes, assignées à la société Brasserie Fischer au titre de son exercice 1999 à raison de la requalification de la moins-value à court terme constatée à l'occasion de l'annulation de 200 000 titres de la société Paca.

Article 3 : L'Etat versera à la société HEINEKEN FRANCE une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la société HEINEKEN FRANCE sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 10VE02229 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02229
Date de la décision : 29/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-03-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Évaluation de l'actif. Plus et moins-values de cession.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : BREDIN PRAT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-11-29;10ve02229 ?
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