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03/07/2012 | FRANCE | N°10VE01167

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 juillet 2012, 10VE01167


Vu I°), sous le n° 10VE01167, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 16 avril 2010, présentée pour la VERSORGUNGSWERK DER ZAHNARZTEKAMMER AUS BERLIN (VZB), faisant élection de domicile au cabinet Judicia Conseils - CD 63 à Reichstett (67116), par la société d'avocats Judicia Conseils ; la VZB demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0704632-0808091 en date du 11 février 2010 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la restitution des retenues à la so

urce résultant de l'imposition des dividendes qu'elle a perçus en 200...

Vu I°), sous le n° 10VE01167, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 16 avril 2010, présentée pour la VERSORGUNGSWERK DER ZAHNARZTEKAMMER AUS BERLIN (VZB), faisant élection de domicile au cabinet Judicia Conseils - CD 63 à Reichstett (67116), par la société d'avocats Judicia Conseils ; la VZB demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0704632-0808091 en date du 11 février 2010 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la restitution des retenues à la source résultant de l'imposition des dividendes qu'elle a perçus en 2003 et 2004 de sociétés françaises ;

2°) de prononcer la restitution des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le Tribunal administratif de Montreuil a statué sur un moyen qui ne lui était pas soumis, les parties n'ayant à aucun moment soulevé la question de savoir si une caisse de retraite était un organisme sans but lucratif, l'exonérant d'imposition ; que ce faisant le tribunal a éludé le moyen tiré de l'incompatibilité communautaire de la situation en ne répondant pas au moyen selon lequel le refus de restitution de retenue à la source porte atteinte à la liberté d'établissement ; que le tribunal administratif a ainsi incorrectement analysé les moyens soulevés et n'a pas assorti sa décision d'une motivation suffisante ; que la VZB entend reprendre l'argumentation développée devant le Tribunal administratif de Montreuil ; qu'elle entend cependant faire valoir un nouveau moyen ; qu'il résulte des dispositions de l'article 206.5 du code général des impôts qu'une caisse de retraite française qui percevrait des dividendes de source française est exonérée de tout impôt sur les sociétés ; qu'il est indéniable que l'appelante a été soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent ; qu'un même revenu, selon qu'il est perçu par une caisse française ou allemande, est susceptible de subir un traitement fiscal différent ; que, pourtant, la convention fiscale franco-allemande introduit une notion de non discrimination entre les nationaux français et allemands qui se trouveraient dans une situation identique ; qu'en application de la clause de non discrimination, l'imposition plus lourde de la VZB doit être éliminée ;

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Vu II°) sous le n° 10VE01909, le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 11 juin 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0704632-0808091 en date du 11 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à la demande de la Versorgungswerk der Zahnarztekammer aus Berlin (VZB) tendant à la restitution des retenues à la source résultant de l'imposition des dividendes qu'elle a perçus en 2003 et 2004 de sociétés françaises ;

2°) de remettre à la charge de la VZB les retenues à la source dont la décharge a été prononcée par le Tribunal administratif de Montreuil ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT soutient que l'article 1er de la convention fiscale franco-allemande réserve son application aux résidents de chacun des Etats contractants ; que la notion de résidence conventionnelle est définie par miroitement à la notion d'assujettissement à l'impôt ; qu'afin de satisfaire à cette condition d'assujettissement à l'impôt, une personne doit non seulement être placée dans le champ de l'impôt mais également être effectivement redevable de cet impôt, c'est-à-dire ne pas bénéficier d'une exonération ; que la VZB ne remplissant pas la condition de l'assujettissement effectif à l'impôt en Allemagne, elle ne saurait être regardée comme ayant la qualité de résident fiscal en Allemagne ; qu'ainsi le Tribunal administratif de Montreuil a entaché son jugement d'une erreur de droit ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 21 juillet 1959 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2012 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Schott, pour la VZB ;

Considérant que la VERSORGUNGSWERK DER ZAHNARZTEKAMMER AUS BERLIN (VZB), organisme d'assurance retraite allemand, a demandé le remboursement des retenues à la source au taux de 25 % qui ont été appliquées, pour un montant total de 111 272 euros, aux dividendes qui lui ont été distribués en 2003 et 2004 par des sociétés françaises ; que l'administration ayant refusé de lui restituer ces retenues à la source, elle a saisi le Tribunal administratif de Montreuil ; que, par la requête n° 10VE01167, la VZB fait appel du jugement du 11 février 2010 en tant que ledit tribunal n'a fait droit à sa demande qu'à concurrence de 44 509 euros résultant de la réduction du taux de cette retenue de 25 % à 15 % du montant brut de ces dividendes ; que, par le recours n° 10VE01909, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève également appel de ce jugement, en tant qu'il a prononcé cette réduction ;

Considérant que la requête de la VZB et le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT sont dirigés contre un même jugement et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête de la VZB :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts : " (...) les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne : " (...) toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres (...) sont interdites. " ; qu'aux termes de l'article 58 du même traité : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a. d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; b. de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale (...) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56. " ;

Considérant que, si, en vertu des dispositions du c) du 5 de l'article 206 du code général des impôts, combinées avec celles de l'ensemble de cet article, notamment celles de son 1, et avec celles du 5° bis du 1 de l'article 207, un organisme établi en France ayant pour objet de servir des pensions de retraite, tel qu'une caisse de retraite de base ou complémentaire, ou une société mutualiste, dont la gestion est désintéressée et dont les activités non-lucratives restent significativement prépondérantes, est assujetti à l'impôt sur les sociétés à raison des revenus de capitaux mobiliers dont il dispose, les dividendes de sociétés établies en France perçus par cet organisme ne sont pas imposables ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la VZB est un organisme d'assurance retraite allemand à l'affiliation duquel sont astreints les dentistes ; qu'elle est placée sous la surveillance du Land de Berlin ; que l'intégralité des fonds et des actifs dont elle dispose est affectée au financement des diverses prestations sociales qu'elle sert à ses assurés ; que, dans ces conditions, la VZB doit être regardée comme ayant un objet social à but non lucratif ; que la requérante est, ainsi, fondée à soutenir qu'il n'existe pas de différence de situation objective entre les organismes français de même nature et elle-même, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la VZB bénéficierait en Allemagne d'une exonération d'impôt pour l'ensemble de ses bénéfices alors qu'une caisse de retraite française est susceptible d'être soumise à l'impôt sur les sociétés lorsqu'elle se livre à des opérations à caractère lucratif, puisqu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas allégué par le ministre que la requérante se livrerait à des opérations à caractère lucratif ; que, par suite, l'application de la retenue à la source aux dividendes que la VZB perçoit de sociétés françaises a pour conséquence de lui faire subir un traitement fiscal discriminatoire et constitue une restriction à la liberté de circulation des capitaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VZB est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a limité la restitution de la retenue à la source litigieuse à la différence résultant de la réduction du taux de cette retenue de 25 % à 15 % du montant brut de ces dividendes ;

Sur le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT :

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT tendant à l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué et à la remise à la charge de la VZB des retenues à la source qui lui ont été restituées en exécution dudit jugement ne peut qu'être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme totale de 2 500 euros au titre des frais exposés dans les deux instances par la VZB et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est accordé restitution à la VZB du solde de la retenue à la source ayant grevé les dividendes de source française qui lui ont été versés en 2003 et 2004.

Article 2 : L'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 10 février 2010 est annulé.

Article 3 : Le recours n° 10VE01909 du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à la VZB une somme globale de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la VZB est rejeté.

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Nos 10VE01167-10VE01909


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01167
Date de la décision : 03/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Liberté de circulation - Libre circulation des capitaux.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d'IRPP mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : SCHOTT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-07-03;10ve01167 ?
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