Vu la requête, enregistrée le 14 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE DARTY ET FILS, dont le siège est 129 avenue Galliéni à Bondy (93140), par C/M/S/ bureau Francis Lefebvre ; elle demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502583 en date du 9 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a partiellement rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 512 576,30 euros assortie des intérêts de retard en réparation du préjudice subi du fait de l'insuffisante rémunération de la créance qu'elle détenait sur le Trésor public à la suite de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
2°) de faire droit à sa demande d'indemnisation tant en écartant la prescription quadriennale qui lui a été opposée relative aux années 1993 à 2000 qu'en lui allouant, pour les autres années, le bénéfice d'un taux d'intérêt supérieur à celui qui lui a été alloué en première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Elle soutient en premier lieu, que c'est à tort que la décision a accueilli l'exception de prescription quadriennale des créances sur l'Etat opposée par le défendeur en première instance ; que s'agissant de sa réclamation, dès lors qu'elle a été envoyée le 29 décembre 2004 peu importe qu'elle ait été reçue par l'administration le 3 janvier 2005 l'année 2000 doit être prise en compte pour le calcul de l'indemnisation l'administration fiscale étant tenue en l'espèce d'appliquer l'article 16 de la loi du 12 avril 2000 ; que le Tribunal a sur ce point méconnu les dispositions législatives qui fixent le point de départ de la prescription ; que la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription quadriennale n'est, en tout état de cause, pas applicable puisqu'elle méconnaît la Constitution et notamment les dispositions de valeur constitutionnelle des articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui concernent le droit de propriété ; qu'elle ne disposait d'aucun droit acquis au regard du droit national ou du droit communautaire mais seulement au regard des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, soit l'article 1er de son premier protocole additionnel et que, de ce fait, la loi de 1968 sur la prescription quadriennale ne pouvait lui être opposée ; que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'a été ratifiée qu'en 1974 soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de 1968 sur la prescription quadriennale ; que l'action indemnitaire qu'elle a intentée ne pouvait, dès lors, relever que de la prescription trentenaire ; que la loi de 1968 fait courir le délai de prescription à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; que pour accueillir l'exception de prescription soulevée par le ministre le tribunal a jugé que la prescription était acquise au profit de l'Etat pour les sommes réclamées au titre de chaque annuité jusqu'au 31 décembre 1999 ; qu'il a jugé que le droit à indemnité était acquis au premier jour de chacune des années suivant celles au cours desquelles étaient nés les droits alors que cette définition du droit acquis est contraire aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'il n'existait, aux termes de la jurisprudence, s'agissant des intérêts, aucun droit acquis ; que, par suite, le délai de prescription n'a pu commencer à courir avant les décisions rendues par le Conseil d'Etat le 31 juillet 2009 faute, pour les requérants, de disposer d'un droit acquis antérieurement à ces arrêts ; que si les juridictions avaient estimé que la créance était acquise elles auraient fait suite aux demandes de provision présentées par d'autres entreprises ; qu'aucune disposition n'ayant révélé la non-conformité de la norme française le contribuable pouvait être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ; qu'un délai de prescription ne peut courir contre celui qui ne peut agir ; que la prescription ne pouvait lui être opposée et qu'un pourvoi relatif au fait générateur d'une créance peut bénéficier à d'autres créanciers de l'administration ; qu'il ressort d'une ordonnance rendue par le Conseil d'Etat qu'un recours pour excès de pouvoir a remis en cause le dispositif litigieux interrompant de ce fait la prescription ; qu'en outre la prescription présente un caractère discriminatoire puisque la différence du régime de la prescription entre la requérante et l'Etat dans le cadre de l'établissement et du contrôle de la créance née de la suppression du décalage d'un mois est contraire au principe d'égalité des armes au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme comme cela ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ; qu'en second lieu et sur le fond, la décision du Tribunal n'est pas conforme aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales appliqué en combinaison avec l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention ; que la haute assemblée a fondé une différence de traitement sur la différence entre les divers créanciers de l'Etat ce qui n'était pas pertinent ; que ce régime n'était pas applicable aux contribuables imposables au forfait ou au régime simplifié d'imposition ; qu'alors que le contribuable a vu sa créance rémunérée à un taux de 0,1 % , toute erreur de calcul dans le montant de sa créance donnait lieu à un rappel assorti de l'intérêt de retard au taux de 9 % ; qu'une telle distinction ne peut être qualifiée de raisonnable mais est au contraire discriminatoire ; que le coût budgétaire d'une mesure ne peut, à lui seul, être regardé comme une discrimination répondant à un but légitime ; qu'elle doit aussi respecter un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; qu'en l'espèce l'impact budgétaire a décru du fait des remboursement annuels en capital opérés par l'Etat ; que le Tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en ne répondant pas au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention et aussi de l'insuffisance du taux qui lui a été alloué ; que dans des litiges semblables la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme a accordé un taux d'intérêt de 6 % par an ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu la directive n° 89/465/CEE du Conseil du 18 juillet 1989 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 93-859 du 22 juin 1993 ;
Vu le décret n° 93-1078 du 14 septembre 1993 portant application de l'article 271-A du code général des impôts ;
Vu le décret n° 94-296 du 6 avril 1994 relatif aux modalités de remboursement des créances prévues à l'article 271 A du code général des impôts ;
Vu le décret n° 2002-179 du 13 février 2002 relatif au remboursement par anticipation des créances sur le Trésor nées de la suppression de la règle du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu l'arrêté du 15 avril 1994 fixant les modalités de paiement des intérêts des créances résultant de la suppression du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu les arrêtés du 17 août 1995 et du 15 mars 1996 fixant le taux d'intérêt applicable à compter du 1er janvier 1994 et du 1er janvier 1995 aux créances résultant de la suppression du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2011 :
- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIETE DARTY ET FILS relève régulièrement appel du jugement du 9 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a partiellement rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 512 576,30 euros assortie des intérêts de retard en réparation du préjudice à elle causé par l'insuffisante rémunération de la créance qu'elle détenait sur le Trésor public à la suite de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée et maintient sa demande tendant à la rémunération de sa créance en fonction du taux de l'intérêt légal pour l'ensemble des années en litige soit les exercices 1993 à 2002 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la SOCIETE DARTY ET FILS fait valoir que le Tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que les modalités de suppression de la règle dite du décalage d'un mois ainsi que les taux d'intérêt alloués en rémunération de la créance qu'elle détenait sur le Trésor en conséquence de cette suppression, constituaient une discrimination contraire aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la même convention ; qu'il ressort, toutefois, des termes du jugement attaqué que celui-ci a écarté, d'une part le premier moyen en jugeant que ces modalités n'avaient pas abouti à des effets disproportionnés au regard des buts poursuivis et ne pouvaient être regardées comme une discrimination prohibée par le stipulations combinées desdits articles ; que, d'autre part, il a également jugé que les taux d'intérêt accordés étaient insuffisants et qu'il sera fait une juste appréciation du taux d'intérêt de sa créance en l'évaluant à la moitié du taux applicable aux obligations assimilables du Trésor pour les années en cause ; que, par suite, le jugement, qui a suffisamment répondu auxdits moyens, n'est pas irrégulier ;
Sur le fond du litige :
Considérant que par les dispositions de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 portant loi de finances rectificative pour 1993, le législateur a mis fin à la règle dite du décalage d'un mois , selon laquelle les assujettis ne pouvaient déduire immédiatement de la taxe sur la valeur ajoutée dont ils étaient redevables, la taxe payée sur les biens ne constituant pas des immobilisations et sur les services, la déduction ne pouvant être opérée que le mois suivant ; qu'afin d'étaler sur plusieurs années l'incidence budgétaire de ce changement de règle, qui entraînait l'imputabilité sur la taxe due par les assujettis au titre du premier mois de sa prise d'effet, soit le mois de juillet 1993, de la taxe ayant grevé des biens et services acquis au cours de deux mois, soient les mois de juin et juillet 1993, les dispositions du II du même article 2 de la loi du 22 juin 1993, insérant dans le code général des impôts un article 271 A, ont prévu que, sous réserve d'exceptions et d'aménagements divers, les redevables devraient soustraire du montant de la taxe déductible ainsi déterminé celui d'une déduction de référence (...) égale à la moyenne mensuelle des droits à déduction afférents aux biens ne constituant pas des immobilisations et aux services qui ont pris naissance au cours du mois de juillet 1993 et des onze mois qui précèdent , que les droits à déduction de la sorte non exercés ouvriraient aux redevables une créance (...) sur le Trésor (...) convertie en titres inscrits en compte d'un égal montant , que des décrets en Conseil d'Etat détermineraient, notamment, les modalités de remboursement de ces titres, ce remboursement devant intervenir à hauteur de 10 % au minimum pour l'année 1994 et pour les années suivantes de 5 % par an au minimum (...) et dans un délai maximal de vingt ans , et, enfin, que les créances porteraient intérêt à un taux fixé par arrêté du ministre du budget sans que ce taux puisse excéder 4,5 % ; que le décret du 14 septembre 1993 a prévu le remboursement dès 1993 de la totalité des créances qui n'excédaient pas 150 000 F et d'une fraction au moins égale à cette somme et au plus égale à 25 % du montant des créances qui l'excédaient, le taux d'intérêt applicable en 1993 étant fixé à 4,5 % par un arrêté du 15 avril 1994 ; que le décret du 6 avril 1994 a prévu le remboursement du solde des créances à concurrence de 10 % de leur montant initial en 1994 et de 5 % chaque année suivante, le taux d'intérêt étant fixé à 1 % pour 1994, puis à 0,1 % pour les années suivantes, par les arrêtés du 17 août 1995 et du 15 mars 1996 ; qu'enfin, le décret du 13 février 2002 a prévu le remboursement anticipé immédiat des créances non encore soldées, et celui des créances non encore portées en compte dès leur inscription ;
En ce qui concerne la prescription relative aux années 1993 à 2000 opposée à la SOCIETE DARTY ET FILS :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ; que selon l'article 2 de cette même loi : La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, (...) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 de la même loi : L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond (...) ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; qu'aux termes de l'article 13 de la même convention : Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale (...) ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé (...) ; qu'aux termes de l'article R.771-4 du même code : L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1. ; que le moyen présenté par la société KDI tiré d'une méconnaissance par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 des dispositions de valeur constitutionnelle des articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'a pas été présenté par mémoire distinct et doit, dès lors, être déclaré irrecevable ;
Considérant, en deuxième lieu, que la SOCIETE DARTY ET FILS soutient que la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ne lui était pas applicable au motif qu'elle serait antérieure à la ratification par la France de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'à l'inverse la prescription trentenaire du code civil serait applicable à la créance qu'elle détient sur le Trésor public ; que, toutefois, ladite convention, par son entrée en vigueur, n'a pas eu pour effet de rendre inapplicables les lois déjà applicables dans les pays signataires ; que, par suite, un tel moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE DARTY ET FILS a eu la possibilité de contester les modalités de rémunération de la créance qu'elle détenait sur le Trésor public du fait de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois dès la publication des arrêtés du ministre chargé du budget des 15 avril 1994, 17 août 1995 et 15 mars 1996 fixant respectivement les taux de 4,5 %, 1 % et 0,1 % pour les intérêts échus en 1993, à compter du 1er janvier 1994 et du 1er janvier 1995 et que le délai de prescription quadriennale avait commencé à courir à compter du premier jour de chacune des années suivant celles au cours desquelles étaient nés les droits au paiement de la créance correspondant à la différence entre les intérêts versés en application de ces arrêtés et les intérêts qu'elle estimait lui être dus par application de l'intérêt légal ; qu'elle fait valoir que ce délai ne lui était pas opposable au motif qu'elle sollicitait une indemnisation sur le fondement des stipulations de l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et qu'elle n'a eu connaissance de ses droits acquis en ce domaine que lorsque les juridictions administratives ont reconnu de tels droits à une société placée dans une situation analogue par une décision du 29 juillet 2009 et à compter de cette date ; que, toutefois, les droits acquis au sens et pour l'application de la loi susvisée ne font pas référence à une décision juridictionnelle mais à la seule existence d'une créance d'un contribuable sur l'Etat ou les collectivités publiques ; que dès lors, la société n'est pas fondée à soutenir, au motif que ses droits avaient pour fondement l'application des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que seule l'intervention d'un jugement favorable concernant un litige analogue pouvait créer à son profit des droit acquis et faire courir le délai applicable en matière de prescription quadriennale alors qu'elle ignorait, avant l'intervention d'une telle décision, l'existence de sa créance ; qu'à cet égard, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée du droit à un recours effectif dès lors qu'elle disposait de ce droit devant les juridictions internes et pouvait valablement introduire une demande d'indemnisation ;
Considérant, en quatrième lieu, que la SOCIETE DARTY ET FILS fait valoir que la prescription a été interrompue, à l'égard de toutes les entreprises placées dans une situation analogue qui détenaient une créance sur l'Etat pour les mêmes motifs, par un recours formé le 22 avril 2002 par une société tierce attaquant le refus opposé par le ministre à sa demande ; que, toutefois, il résulte des dispositions législatives ci-dessus rappelées que la prescription ne peut être interrompue que par une demande individuellement et personnellement présentée par le contribuable la prescription n'étant valablement interrompue devant une juridiction que si elle a trait au fait générateur, à l'existence et au montant ou au paiement de la créance ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la demande présentée à la personne publique par une autre société, sur un litige distinct mais sur le même fondement, aurait interrompu la prescription en ce qui la concerne, ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, que la SOCIETE DARTY ET FILS soutient que la loi du 31 décembre 1968 susvisée relative à la prescription des créances sur l'Etat violerait, au profit de l'Etat et à son détriment, le principe de l'égalité des armes inhérent aux stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention ; que, toutefois, la requérante n'apporte aucune précision à l'appui de ce moyen qui ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant, enfin, que la requérante fait valoir qu'à supposer même que les dispositions de la loi susvisée du 31 décembre 1968 lui soient applicables, sa créance n'était pas prescrite au titre de l'année 2000 au motif qu'elle a envoyé sa réclamation aux services fiscaux le 29 décembre 2004 et que c'est à tort que le Tribunal a estimé que la prescription n'avait été interrompue qu'à compter du 3 janvier 2005, date de réception de celle-ci par lesdits services ; qu'elle invoque, à l'appui de ce moyen, les dispositions de l'article 16 de la loi du 12 avril 2000 susvisée ; que, toutefois, en vertu de ces dispositions l'accusé réception d'une demande auprès d'une autorité administrative fait courir le délai à son encontre ; que, dès lors, le moyen manque en droit ;
En ce qui concerne le rejet partiel de sa demande d'indemnisation pour les années 2001 et 2002 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou tout autre situation ;
Considérant que les dispositions des 1 à 5 de l'article 271 A du code général des impôts issues du II de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 n'ont conduit à reporter le remboursement que d'une somme représentant un mois moyen d'excédent de taxe et non de la totalité des excédents qui ont pu être constatés, somme calculée sur une période allant du 1er août 1992 au 31 juillet 1993 et, ainsi, pour les onze douzièmes, antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction du 3 du I de l'article 271 du code général des impôts, issue du I de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 et suppriment le décalage d'un mois ; que, s'agissant des assujettis relevant du régime réel normal d'imposition, l'article 8 du décret du 14 septembre 1993 a prévu le remboursement immédiat de la totalité des créances n'excédant pas 150 000 F et, à concurrence de 25 %, le remboursement immédiat des créances d'un montant supérieur, avec un minimum de 150 000 F ; que ce texte, dès lors, d'une part, qu'il a garanti aux titulaires d'une créance excédant 150 000 F un remboursement d'un montant au moins égal à cette somme et, d'autre part, qu'il était applicable à l'ensemble des entreprises assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et leur a permis d'obtenir le remboursement intégral desdites créances, n'a créé aucune discrimination avec les titulaires de créances d'un montant inférieur et n'a pas eu pour effet de créer une différence de traitement injustifiée entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée selon la taille des entreprises concernées ; qu'en outre, la circonstance que les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée concernés par le dispositif de remboursement progressif des créances nées de la suppression du décalage d'un mois avaient la qualité de créancier de l'Etat n'imposait pas de leur réserver un traitement identique aux autres créanciers de l'Etat, notamment les porteurs d'obligations assimilables du Trésor, qui ne se trouvaient pas dans la même situation ; que les différences de rémunération afférentes aux titres de ces deux catégories de créanciers présentaient ainsi une justification objective ; qu'il suit de là que si les créances de taxe sur la valeur ajoutée nées de l'instauration d'un régime de déduction immédiate supérieures à un certain montant ont fait l'objet d'un remboursement différé et ont donné lieu à un niveau de rémunération inférieur à celui des taux d'intérêts du marché ou à ceux auxquels peuvent prétendre d'autres catégories de créanciers de l'Etat, la distinction ainsi introduite par le législateur et qui est pertinente au regard des buts poursuivis, n'a pas abouti à des effets disproportionnés au regard des buts poursuivis et ne pouvait être regardée comme une discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
Considérant, en deuxième lieu, que les stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne faisaient pas obstacle, en elles-mêmes, à la mise en oeuvre d'un dispositif transitoire destiné à répartir sur plusieurs années la charge de remboursement de la créance née de la suppression de la règle du décalage d'un mois, ni même à ce que la créance sur le Trésor public mentionnée par le II de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 fût rémunérée à un taux inférieur à celui applicable aux autres créances sur l'Etat compte tenu de l'intérêt qui s'attachait à la conciliation de l'instauration d'un régime de droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée se rapprochant des règles de droit commun prévues par la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 avec la nécessité de limiter l'impact budgétaire d'une telle mesure ; qu'il suit de là que les dispositions de l'article 271 A du code général des impôts, en ce qu'elles se bornaient à plafonner à 4,5 % le taux de rémunération des créances sur le Trésor public résultant de la suppression du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée, n'étaient pas, par elles mêmes, contraires aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il en va de même des dispositions de l'arrêté du 15 avril 1994 fixant à 4,5 % le taux d'intérêt rémunérant ces mêmes créances, dès lors, compte tenu notamment de l'origine de ces créances, qu'elles préservaient un juste équilibre entre le respect des biens des contribuables et les motifs d'intérêt général avancés par l'administration ;
Considérant, enfin, que la SOCIETE DARTY ET FILS soutient qu'alors que la créance des contribuables était rémunérée à un taux de 0,1 % toute erreur de calcul dans le montant de celle-ci pouvait donner lieu à un rappel assorti de l'intérêt de retard de 9 % ce qui constitue une disproportion manifeste entre la rémunération des créances des contribuables et celles de l'Etat ; que, toutefois, la requérante a bénéficié, pour la rémunération de sa créance, d'un taux équivalent à la moitié du taux applicable aux obligations assimilables du Trésor soit respectivement 2,70 % 2,50 % et 2,40 % pour années 2000, 2001 et 2002 en lieu et place du taux d'intérêt initialement fixé à 0,1 %, qui a été jugé insuffisant par les premiers juges ; que compte tenu de l'origine de la créance et de la nécessité de concilier une rémunération effective de cette créance avec les contraintes d'intérêt général de limitation de l'impact budgétaire de la mesure qui consistait en la suppression de la règle dite du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée, le taux ainsi pratiqué n'a pas abouti à des effets disproportionnés au regard des buts poursuivis et ne pouvait être regardé comme constitutif d'une discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE DARTY ET FILS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SOCIETE DARTY ET FILS et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE DARTY ET FILS est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat tendant au versement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens sont rejetées.
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N° 10VE01130 2