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22/09/2011 | FRANCE | N°10PA05235

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 22 septembre 2011, 10PA05235


Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2010, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007805/7-2 en date du 12 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. Mokhtar A tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2010 prononçant son expulsion du territoire français ;

2°) de rejeter la demande de M. A ;

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Vu les autres pièces du

dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des lib...

Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2010, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007805/7-2 en date du 12 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. Mokhtar A tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2010 prononçant son expulsion du territoire français ;

2°) de rejeter la demande de M. A ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2011 :

- le rapport de Mme Julliard, rapporteur,

- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,

- et les observations de Me Ohayon, pour M. A ;

Considérant que le PREFET DE POLICE relève appel du jugement du 12 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2010 prononçant son expulsion du territoire français ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ; qu'aux termes de l'article L. 521-2 du même code : (...) Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans. ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 521-3 dudit code : Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins quatre ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ; (...) 5° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables à l'étranger mentionné au 3° ou au 4° ci-dessus lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale. Les étrangers mentionnés au présent article bénéficient de ses dispositions même s'ils se trouvent dans la situation prévue au dernier alinéa de l'article L. 521-2. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant algérien né le 26 juin 1949, a fait l'objet, le 9 juin 2004, d'une condamnation par la Cour d'assises de Paris à une peine de 13 ans de réclusion criminelle pour viol sur la personne d'un mineur de 15 ans et viol commis par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime et a bénéficié, à partir du 1er juillet 2009, d'un régime de libération conditionnelle venant à expiration le 20 juillet 2011 ; que, par un arrêté du 12 avril 2010, le PREFET DE POLICE a décidé son expulsion du territoire français, en dépit d'un avis défavorable émis le 23 mars 2010 par la commission spéciale d'expulsion, au motif qu'en raison de l'ensemble de son comportement, la présence de cet étranger sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public ; que, par une ordonnance du 19 mai 2010, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a suspendu l'exécution de cet arrêté, qui a été annulé par le jugement attaqué du 12 octobre 2010 ; que, pour ce faire, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que la résidence régulière sur le territoire français depuis plus de vingt ans de M. A ne pouvait être sérieusement contestée, et, qu'en conséquence, l'arrêté prononçant son expulsion avait été pris en méconnaissance de l'article L. 521-3-2° précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, que M. A n'établit ni la régularité de sa situation à la date de l'arrêté d'expulsion contesté, ni la durée de 20 années de présence régulière et continue sur le territoire français exigées par ces dispositions ; qu'il ne produit en effet que deux cartes de résident valables pour la période du 19 juin 1989 au 18 juin 2009, de laquelle doivent être retranchées les plus de six années passées par lui en détention, soit entre le 15 décembre 2000 et le 17 janvier 2002 et entre le 9 juin 2004 et le 19 juin 2009 ; que la circonstance que les titres de séjour précités ainsi que l'enquête sociale du 1er mars 2010, mentionnent une date d'arrivée de M. A en France en 1968, est sans incidence sur l'appréciation de la durée de la présence régulière sur le territoire de celui-ci dès lors qu'il ne produit pas les titres de séjour qu'il allègue avoir détenus entre 1969 et 1984 ; que, ni la production de deux bulletins de salaire des mois d'août et septembre 1968, ni la circonstance que la caisse nationale d'assurance vieillesse lui reconnaisse un droit au versement d'une pension de retraite, ne sont davantage de nature à démontrer le caractère régulier du séjour en France de M. A, au sens des dispositions de l'article L. 521-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ces dispositions pour annuler l'arrêté d'expulsion contesté ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle ;

Considérant, en premier lieu, que si M. A soutient que la décision contestée est insuffisamment motivée, en violation des dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979, il ressort de la lecture de ladite décision qu'elle vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en particulier ses articles L. 522-1 et L. 522-2, sur lesquels elle se fonde et énonce qu'en raison de l'ensemble de son comportement, la présence de cet étranger sur le territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public ; que, contrairement à ce que soutient M. A, elle vise l'avis de la commission d'expulsion en date du 23 mars 2010 ; que la circonstance qu'elle ne mentionne ni l'ancienneté et ni la régularité du séjour en France de l'intéressé, ni sa situation maritale et la compatibilité de son état de santé avec la mesure d'expulsion est sans incidence sur sa légalité, dès lors que le préfet a mis M. A, par les mentions précitées, en mesure de connaître et de discuter du fondement de cette décision, qui est ainsi suffisamment motivée tant en droit qu'en fait, conformément aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; que le moyen doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. A soutient qu'il bénéficie de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 521-3-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie résider régulièrement en France depuis plus de dix ans et qu'il est marié depuis le 29 juin 2005 avec une ressortissante française, il ressort des pièces du dossier que les faits de viol pour lesquels M. A a été condamné ont été commis sur la personne de la fille mineure de sa compagne à l'époque des faits ; qu'il ne peut donc pas se prévaloir de la protection prévue par cet article ; que le moyen doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. A soutient que l'arrêté d'expulsion est entaché d'une violation de l'article L. 521-3-5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'établit pas, nonobstant la circonstance qu'il bénéficie d'un taux d'invalidité de 50%, que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni même qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état en Algérie ; que le moyen doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. A soutient que le comportement qui lui est reproché est relatif à des faits anciens et isolés et ne constitue pas une menace grave pour l'ordre public ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit, il s'est rendu coupable entre 1994 et 1997 de viol sur la personne d'un mineur de 15 ans et entre 1994 et 2000 de viol commis par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, ayant donné lieu à une condamnation de 13 années d'emprisonnement ; qu'il ressort également des pièces du dossier qu'antérieurement à ces faits criminels, son comportement violent a été attesté par sa première compagne française dès le début de leur relation en 1978 ; qu'ainsi, compte tenu de la gravité des faits, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A soutient que la décision contestée porte atteinte à son droit à mener une vie familiale normale, en ce qu'il ne dispose plus d'aucune attache familiale avec son pays d'origine ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que si M. A, qui présente une menace grave pour l'ordre public, est marié avec une ressortissante française depuis le 29 juin 2005, il reconnaît lui-même n'avoir plus depuis 2004 aucun contact avec son fils majeur qui réside en France et les enfants qu'aurait d'après lui ce dernier ; qu'il n'établit pas être dépourvu de toute attache en Algérie où résident, selon ses propres déclarations devant la commission d'expulsion, ses deux soeurs ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que l'atteinte à son droit à mener une vie familiale normale serait disproportionnée aux buts de défense de l'ordre public et de prévention des infractions pénales en vue desquels la mesure d'expulsion a été prise à son encontre et qu'elle aurait méconnu les stipulations susrappelées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, que la circonstance que M. A était, à la date de l'édiction de l'arrêté litigieux, placé sous le régime de la libération conditionnelle et sous le contrôle du juge de l'application des peines, si elle était de nature à faire obstacle à une exécution immédiate de l'arrêté d'expulsion, était en revanche sans incidence sur la légalité de cette décision ; que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il en résulte que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 12 avril 2010 prononçant l'expulsion de M. A du territoire français ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 octobre 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

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N° 10PA03855

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N° 10PA05235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA05235
Date de la décision : 22/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : OHAYON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-09-22;10pa05235 ?
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