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21/03/2012 | FRANCE | N°10PA04218

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 mars 2012, 10PA04218


Vu la requête, enregistrée le 18 août 2010, présentée pour la société anonyme de droit belge GROUPE BRUXELLES LAMBERT, dont le siège est 24 avenue Marnix à Bruxelles

(B-1000), en Belgique, par Me De Waal ; la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0610351/2 du 3 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la retenue à la source d'un montant total de 90 011 165,72 euros qu'elle a acquittée au cours des années 1999 à 2005 à raison des dividendes qu'elle a re

us de la société Total ;

2°) de prononcer la restitution sollicitée et d'assor...

Vu la requête, enregistrée le 18 août 2010, présentée pour la société anonyme de droit belge GROUPE BRUXELLES LAMBERT, dont le siège est 24 avenue Marnix à Bruxelles

(B-1000), en Belgique, par Me De Waal ; la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0610351/2 du 3 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la retenue à la source d'un montant total de 90 011 165,72 euros qu'elle a acquittée au cours des années 1999 à 2005 à raison des dividendes qu'elle a reçus de la société Total ;

2°) de prononcer la restitution sollicitée et d'assortir le remboursement de l'intérêt moratoire de 4,8 % prévu à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité instituant la Communauté économique européenne, devenue Communauté européenne ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Belgique le 10 mars 1964 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2012 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me De Waal, pour la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT ;

Et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 8 mars 2012, présentée pour la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT ;

Considérant que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT fait appel du jugement n° 0610351/2 du 3 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la retenue à la source d'un montant total de 90 011 165,72 euros qu'elle a acquittée au cours des années 1999 à 2005 à raison des dividendes qu'elle a reçus de la société Total ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les premiers juges ont écarté le moyen de la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT tiré de ce qu'elle était déficitaire au motif qu'un tel moyen n'était pas de nature à permettre l'identification d'une discrimination au regard de l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne ; que, dès lors, la circonstance que, par un motif surabondant, le tribunal administratif ait ajouté que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT n'établit pas avoir présenté des résultats déficitaires, alors que l'administration n'avait pas opposé cette argumentation, est sans influence sur la régularité du jugement, qui est par ailleurs suffisamment motivé, alors même que les premiers juges n'auraient pas mentionné l'arrêt Amurta de la Cour de justice de l'Union Européenne, dont se prévalait la société requérante ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration s'agissant de la retenue à la source acquittée au titre des années 1999 à 2001 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R.*196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; (...) Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : (...) b) Au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s'il s'agit de contestations relatives à l'application de ces retenues ; c) Au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi " ; que la nécessité de garantir l'efficacité du recouvrement de l'impôt peut justifier l'application de différentes procédures de recouvrement de l'impôt à des rémunérations attribuées à des non-résidents et à des résidents ; qu'au regard des modalités de recouvrement de l'impôt sur les dividendes, les sociétés françaises, soumises à l'impôt sur les sociétés, sont dans une situation différente des sociétés non-résidentes, qui sont soumises à la retenue à la source ; que la différence entre lesdites modalités est liée et proportionnée à la différence de situations respectives entre ces différentes catégories de sociétés ; que, par suite, la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT ne saurait utilement invoquer une discrimination, qui reposerait sur le lieu de résidence, à l'encontre des sociétés non-résidentes soumises à la retenue à la source par rapport aux sociétés françaises, qu'elles soient ou non éligibles au régime des sociétés mères, entrant dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés, lequel donne lieu à l'établissement d'un rôle, et qui se trouvent donc dans une situation différente ; que la circonstance que les sociétés françaises déficitaires ne sont pas effectivement taxées à l'impôt sur les sociétés ne saurait être, à cet égard, utilement invoquée, aucune discrimination dans les modalités de contestation des impositions ne pouvant être constatée entre sociétés taxées, qui ne sauraient être dispensées de respecter les règles applicables en matière de délais de réclamation, et sociétés non taxées, ces dernières sociétés se trouvant nécessairement dans une situation différente par rapport aux précédentes au regard des délais dans lesquels une réclamation contentieuse peut être régulièrement déposée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ; que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT conteste une retenue à la source, qui n'a pas donné pas lieu à un avis d'imposition, ni à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; qu'ainsi, elle ne saurait se prévaloir de ces dispositions, qui ne s'appliquent pas à la retenue à la source ; que la nécessité de garantir l'efficacité du recouvrement de l'impôt peut justifier l'application de différentes procédures de recouvrement de l'impôt à des rémunérations attribuées à des non-résidents et à des résidents ; qu'au regard des modalités de recouvrement de l'impôt sur les dividendes, les sociétés françaises, soumises à l'impôt sur les sociétés, sont dans une situation différente des sociétés non-résidentes, qui sont soumises à la retenue à la source ; que la différence entre lesdites modalités est liée et proportionnée à la différence de situations respectives entre ces différentes catégories de sociétés ; que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT ne saurait, par suite, utilement invoquer une discrimination reposant sur le lieu de résidence ou, indirectement, reposant sur la nationalité, au regard de sociétés françaises qui acquittent l'impôt sur les sociétés, lequel donne lieu à l'établissement d'un rôle, et se trouvent donc dans une situation différente ; qu'elle ne saurait davantage se prévaloir, à cet égard, de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, selon laquelle l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne s'oppose à une législation d'un Etat membre qui ferait dépendre de règles procédurales, différentes selon l'Etat de résidence des parties en cause, la soumission de revenus à l'impôt, dès lors qu'en l'espèce, les dividendes versés par des sociétés françaises sont soumis à l'impôt, que ce soit sous la forme de la retenue à la source, en ce qui concerne les sociétés attributaires non-résidentes en France, ou sous la forme de l'impôt sur les sociétés, en ce qui concerne les sociétés attributaires résidentes ; qu'il résulte de ce qui précède que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, ni de la discrimination qui résulterait de ce qu'il est inapplicable en l'espèce, pour contester la tardiveté de sa réclamation présentée en 2005 au regard des dispositions également précitées de l'article R.*196-1 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT fait valoir qu'elle fait l'objet d'une discrimination par rapport aux sociétés françaises déficitaires qui, en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, ne se voient opposer aucune condition de délai pour contester, par la voie d'une réclamation contentieuse, le montant de leur déficit ; que toutefois, les sociétés non-résidentes, qui sont effectivement soumises à une retenue à la source, se trouvent nécessairement, au regard de la possibilité et des modalités de contestation d'une imposition donnée, dans une situation différente des sociétés françaises, lesquelles, en raison de leur caractère déficitaire, ne sont effectivement soumises, au titre de l'année au cours de laquelle un déficit a été constaté, à aucune imposition au titre de l'impôt sur les sociétés ; qu'il suit de là que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT ne peut se prévaloir de la discrimination susmentionnée ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R.*211-1 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts peut prononcer d'office le dégrèvement ou la restitution d'impositions qui n'étaient pas dues jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin... " ; qu'il est constant que la réclamation de la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT était une réclamation contentieuse présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et ne tendait pas à la mise en oeuvre des dispositions précitées ; que les dispositions précitées de l'article R.*211-1 du même livre offrant à l'administration la possibilité de prononcer d'office des dégrèvements jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin, n'ont ni pour objet, ni pour effet de rendre recevable une réclamation présentée après l'expiration du délai fixé par l'article R.*196-1 ; que la documentation administrative référencée 13 O-212 ne contient pas, en toute hypothèse, une interprétation différente de ces textes ; qu'il suit de là que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT, qui ne peut, ainsi qu'il a déjà été dit, utilement se prévaloir qu'elle n'a pas été avertie des voies et délais de recours, ne saurait soutenir qu'il appartenait au service d'apprécier la recevabilité de la réclamation qui lui était soumise au regard des délais fixés par les dispositions précitées de l'article R.*211-1 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en cinquième lieu, que, sauf erreur de droit, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier l'usage fait par l'administration des pouvoirs qu'elle détient des dispositions précitées de l'article R.*211-1 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la constatation de la tardiveté de la réclamation présentée par la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT ne saurait être regardée comme contraire aux règles communautaires ; que le bien-fondé de ce constat de tardiveté n'a nullement été remis en cause par la décision 170/05 de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 14 décembre 2006 Sté Denkavit International BV et SARL Denkavit France ; qu'il suit de là que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT ne saurait, en tout état de cause, valablement soutenir que l'intervention de cette décision faisait obligation à l'administration de revenir sur la décision de rejet de sa réclamation prise auparavant et de faire usage du pouvoir de dégrèvement d'office qu'elle tient des dispositions précitées de l'article R.*211-1 du livre des procédures fiscales ; que l'instruction du 10 mai 2007 BOI 4 C-7-07 n'est, en tout état de cause, eu égard à sa date, pas invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A de ce même livre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la réclamation préalable présentée le 26 septembre 2005 par la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT doit être regardée comme tardive s'agissant de la retenue à la source acquittée au titre des années 1999 à 2001 ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration s'agissant de la retenue à la source acquittée en 2002 :

Considérant qu'aux termes de l'article R.*197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : (...) d) Etre accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d (...) " ; que ni ces dispositions, ni aucune autre disposition ne précisent la nature des pièces justifiant le montant de la retenue à la source qui doivent, à peine d'irrecevabilité de la réclamation, accompagner cette dernière ; que le contribuable peut donc produire toutes pièces établissant le versement de la retenue litigieuse pour peu qu'elles en précisent la date et l'établissement payeur au sens des dispositions combinées de l'article 381 A de l'annexe III au code général des impôts et de l'article 188-0 H de l'annexe IV au même code ; qu'aucun document du dossier ne permet d'établir la date du versement dont la restitution est demandée au titre de l'année 2002 ; que la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il appartiendrait au service de prouver l'inexistence d'un versement dont la date ne lui est pas indiquée, ne saurait être regardée, et alors même que le versement aurait été effectué par un tiers, comme soumise à l'exigence d'apporter une preuve impossible ; que les prescriptions invoquées par la société requérante, qui figureraient selon elle à l'instruction référencée 13 O-1 01 du 30 août 2001, sont en tout état de cause relatives aux modalités de présentation de la réclamation contentieuse et ne contiennent, d'ailleurs, que de simples recommandations au service ; que, par suite, elles ne comportent aucune interprétation formelle du texte fiscal invocable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, la requête de la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT est irrecevable au titre de l'année 2002 ;

Sur le bien-fondé de la retenue à la source acquittée au titre des années 2003 à 2005 :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " (...) 2. (...) les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne : " (...) toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres (...) sont interdites " et qu'aux termes de l'article 58 de ce Traité : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a. d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; b. de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale (...). 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 " ;

Considérant, en premier lieu, que, si les articles 56 et 58 du Traité instituant la Communauté européenne s'opposent à une législation d'un Etat membre qui prévoit une retenue à la source sur les dividendes distribués par une société établie dans cet Etat membre à une société bénéficiaire établie dans un autre Etat membre, tout en dispensant de toute imposition sur lesdits dividendes une société bénéficiaire résidente du premier Etat membre, ils ne s'opposent pas à une réglementation fiscale d'un Etat membre qui prévoit une retenue à la source de l'impôt sur les dividendes versés par une société résidente de cet Etat à une société bénéficiaire résidente d'un autre Etat membre, tout en exonérant de cette retenue les dividendes versés à une société bénéficiaire résidente du premier Etat membre, dont les revenus sont imposés à un taux supérieur ou égal dans ce dernier Etat membre au titre de l'impôt sur les sociétés ; que, par ailleurs, le droit communautaire, dans son état actuel et dans une situation telle que celle de l'espèce où, conformément à la répartition des compétences fiscales convenues entre la France et la Belgique, les dividendes distribués par une société française à un résident belge peuvent faire l'objet d'une imposition dans les deux Etats membres, ne prescrivant pas de critères généraux pour la répartition des compétences entre les Etats membres s'agissant de l'élimination des doubles impositions à l'intérieur de la Communauté, les articles précités, qui se bornent à faire obstacle aux discriminations entre sociétés résidentes et sociétés non-résidentes trouvant leur origine dans la réglementation nationale de chaque Etat membre, ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui ne prend pas en compte, dans le pays de résidence de l'actionnaire, de l'imposition prélevée dans le pays dans lequel est établie la société distributrice des dividendes en cause ; qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 199 bis du code général des impôts introduisent une discrimination prohibée par les stipulations de l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne et qu'aucune stipulation de la convention fiscale entre la France et la Belgique ne prévoyait la mise en place, par la Belgique, d'un crédit d'impôt en faveur du bénéficiaire de dividendes d'origine étrangère ;

Considérant, en deuxième lieu, que le versement de dividendes par une société résidente à une autre société résidente et le versement de dividendes par une société résidente à une société non-résidente donnent lieu à des impositions distinctes, fondées sur des bases juridiques différentes ; qu'en outre, les sociétés résidentes et non-résidentes sont soumises dans leurs pays respectifs à des impôts sur leurs résultats calculés en fonction des règles fiscales propres à chaque pays ; que la situation déficitaire pour les exercices en cause de la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT, à la supposer établie, résulte des dispositions du droit fiscal belge relatives au régime fiscal de l'impôt sur les sociétés qui lui ont été appliquées et auxquelles ne sont pas soumises les sociétés résidentes en France, lesquelles sont par conséquent placées dans une situation objective différente ; qu'ainsi, et en l'absence d'harmonisation des régimes fiscaux des impôts directs entre les différents Etats membres de l'Union européenne, la circonstance que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT, résidente de Belgique déficitaire imposée en France à la retenue à la source à raison des dividendes qu'elle a reçus de sociétés françaises, ne puisse pas bénéficier des dispositions nationales prévues en faveur des sociétés françaises qui perçoivent de tels dividendes et qui, dans le cas où elles sont déficitaires, n'ont pas à acquitter d'impôt sur les sociétés à raison desdits dividendes, lesquels sont d'ailleurs susceptibles d'être pris en compte dans le cadre des mécanismes d'imputation des déficits sur les résultats des années ultérieures, ne constitue pas une discrimination au regard de l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en troisième lieu, que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT soutient qu'à défaut de la suppression de la retenue à la source, la " suppression de la condition du prix minimum d'acquisition " est une aggravation de la situation des sociétés fiscalement déficitaires établies dans un Etat membre autre que la France et que cette aggravation serait incompatible avec les obligations qui découlent de l'adhésion à la Monnaie unique ; qu'il résulte des dispositions de l'article 119 ter du code général des impôts, dans ses versions successives, que l'exonération de la retenue à la source qu'il prévoit est ouvert à des sociétés étrangères détenant un pourcentage de participation donné dans des sociétés françaises qui distribuent des dividendes ; qu'aucune condition alternative relative au prix de revient des titres de participation n'a jamais été prévue par l'article précité ; qu'il ressort des termes de cet article que la fraction minimale du capital de la société distributrice résidente de France devant être détenu par la société mère étrangère pour bénéficier de ladite exonération a été progressivement réduite, passant de 25 % pour les dividendes distribués avant le 31 décembre 2004, à 20 % pour les dividendes distribués entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2006, à 15 % pour les dividendes distribués entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008 et, enfin, à 10 % pour les dividendes distribués depuis le 1er janvier 2009 ; que, dans deux instructions des 10 mai et 12 juillet 2007, l'administration a décidé d'exonérer de retenue à la source, à compter du 1er janvier 2007, les distributions afférentes à une participation au moins égale à 5 %, effectuées à une société mère établie dans un autre Etat membre ; qu'il suit de là que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT ne saurait, en tout état de cause, utilement soutenir que la situation des sociétés fiscalement déficitaires établies dans un Etat membre autre que la France a été l'objet d'une aggravation ; que le moyen susmentionné ne peut, par suite, qu'être écarté ;

Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutient la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT, la circonstance que les actionnaires de sociétés françaises résidents de pays tiers seraient exonérés de retenue à la source en application des stipulations de conventions fiscales bilatérales entre la France et lesdits pays ne permet pas de regarder la retenue à la source litigieuse comme contraire à l'objectif d'établissement d'une union économique et monétaire comportant une monnaie unique ; qu'elle ne saurait utilement soutenir à cet égard qu'un principe fondamental d'égalité de traitement imposerait à un Etat membre d'accorder aux ressortissants des autres Etats membres les mêmes avantages que ceux dont bénéficient ses propres ressortissants en vertu d'une convention bilatérale conclue avec un Etat tiers, à moins qu'il ne puisse avancer une justification objective à son refus, dès lors que l'avantage invoqué en l'espèce par la requérante bénéficie non pas aux ressortissants français, mais aux ressortissants des pays tiers signataires avec la France des conventions bilatérales en cause ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, ou de faire usage des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, ou de soumettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la restitution, assortie d'intérêts moratoires, des sommes versées ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société GROUPE BRUXELLES LAMBERT est rejetée.

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N° 08PA04258

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N° 10PA04218


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04218
Date de la décision : 21/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Délai.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d'IRPP mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : DE WAAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-03-21;10pa04218 ?
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