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25/11/2010 | FRANCE | N°10NC00286

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 25 novembre 2010, 10NC00286


Vu la requête, enregistrée le 22 février 2010, présentée pour la COMMUNE DE DANNEVOUX (55110), par Me Leininger, avocat ; la COMMUNE DE DANNEVOUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802305 en date du 22 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé la décision implicite par laquelle le maire de la COMMUNE DE DANNEVOUX a rejeté la demande de M. François A, reçue le 10 janvier 2008, tendant à la remise en état des chemins ruraux de la commune et a mis à sa charge la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justic

e administrative ;

2°) de rejeter la demande de première instance de ...

Vu la requête, enregistrée le 22 février 2010, présentée pour la COMMUNE DE DANNEVOUX (55110), par Me Leininger, avocat ; la COMMUNE DE DANNEVOUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802305 en date du 22 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé la décision implicite par laquelle le maire de la COMMUNE DE DANNEVOUX a rejeté la demande de M. François A, reçue le 10 janvier 2008, tendant à la remise en état des chemins ruraux de la commune et a mis à sa charge la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. François A ;

Elle soutient que :

- l'article L. 161-1 du code de la voirie routière n'est pas applicable aux chemins ruraux de la commune ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, le Tribunal administratif ayant renversé la charge de la preuve en estimant qu'il existait une présomption d'affectation à l'usage du public ;

- les chemins mentionnés par M. A, qui bordent des propriétés rurales contiguës, ne sont pas ouverts à la circulation publique et servent exclusivement à la communication entre les différents héritages ou à leur exploitation, et ne peuvent ainsi être qualifiés de chemins ruraux ;

- le procès-verbal de constat d'huissier produit aux débats est dépourvu de caractère contradictoire, faute d'avoir convié la commune à sa réalisation ; il ne saurait dès lors avoir un caractère probant ;

- rien n'entrave la circulation, tant pédestre qu'automobile, sur les deux kilomètres de chemins ruraux labourés mentionnés par M. A ;

- la commune a demandé la réalisation d'un second remembrement ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2010, présenté pour M. François A, par Me Gundermann, avocat, qui conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé et, en outre, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la COMMUNE DE DANNEVOUX au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code voirie routière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2010 :

- le rapport de M. Luben, président,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,

- et les observations de Me Scholler, substituant Me Gundermann, avocat de M. A ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que la valeur probante d'un constat d'huissier n'est pas conditionnée à la circonstance qu'il soit effectué à la demande conjointe des parties au litige et de manière contradictoire ; que les premiers juges ont pu ainsi retenir les éléments probants qui ressortaient du procès-verbal de constat d'huissier réalisé le 26 juin 2008 que M. A avait produit en première instance à l'appui de ses conclusions sans méconnaitre le principe de la contradiction ; qu'il était en effet loisible à la COMMUNE DE DANNEVOUX, à qui la demande de M. A et les pièces qui lui étaient jointes avaient été transmises, de produire elle-même, si elle l'estimait utile à la solution du litige, tout élément probant, ce qu'elle n'a au demeurant pas fait ; qu'il suit de là que la COMMUNE DE DANNEVOUX n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural : Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ; qu'aux termes de l'article L. 161-2 du même code : L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale (...) ; qu'aux termes de l'article L. 161-5 du même code : L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. ; qu'aux termes de l'article D. 161-11 du même code : Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence. / Les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction et sans préjudice des poursuites qui peuvent être exercées contre lui. ; qu'aux termes de l'article D. 161-14 du même code : Il est expressément fait défense de nuire aux chaussées des chemins ruraux et à leurs dépendances ou de compromettre la sécurité ou la commodité de la circulation sur ces voies, notamment : / 1° D'y faire circuler des catégories de véhicules et de matériels dont l'usage a été interdit par arrêté du maire, dans les conditions prévues à l'article D. 161-10 ; / 2° De les dépaver, d'enlever les pierres ou autres matériaux destinés aux travaux de ces chemins ou déjà mis en oeuvre ; / 3° De labourer ou de cultiver le sol dans les emprises de ces chemins et de leurs dépendances ; / 4° De faire sur l'emprise de ces chemins des plantations d'arbres ou de haies ; / 5° De creuser aucune cave sous ces chemins ou leurs dépendances ; / 6° De détériorer les talus, accotements, fossés, ainsi que les marques indicatives de leurs limites ; / 7° De rejeter sur ces chemins et leurs dépendances des eaux insalubres ou susceptibles de causer des dégradations, d'entraver l'écoulement des eaux de pluie, de gêner la circulation ou de nuire à la sécurité publique ; / 8° De mettre à rouir des plantes textiles dans les fossés ; / 9° De mutiler les arbres plantés sur ces chemins ; / 10° De dégrader les appareils de signalisation et leurs supports, les bornes ou balises des chemins, les plantations, les ouvrages d'art ou leurs dépendances, les revêtements des chaussées et, d'une façon générale, tout ouvrage public situé dans les emprises du chemin, notamment les supports de lignes téléphoniques ou de distribution d'énergie électrique ou d'éclairage public ; / 11° De faire des dessins ou inscriptions ou d'apposer des placards, papillons ou affiches sur ces mêmes chemins et ouvrages ; / 12° De déposer sur ces chemins des objets ou produits divers susceptibles de porter atteinte à la sécurité de la circulation, notamment d'y jeter des pierres ou autres matières, d'y amener par des véhicules, en provenance des champs riverains, des amas de terre, d'abandonner sur la chaussée des produits tombés de chargements mal assurés, tels que fumiers, pulpes, graviers, gravois, et d'une manière générale de se livrer à tout acte portant atteinte ou de nature à porter atteinte à l'intégrité des chemins ruraux et des ouvrages qu'ils comportent, à en modifier l'assiette ou à y occasionner des détériorations. ; qu'aux termes de l'article D. 161-15 du même code : Nul ne peut, sans autorisation délivrée par le maire, faire aucun ouvrage sur les chemins ruraux et notamment ouvrir, sur le sol de ces chemins ou de leurs dépendances, aucune fouille ou tranchée ou enlever de l'herbe, de la terre, du gravier, du sable ou autres matériaux, y installer des canalisations, y faire aucun dépôt, de quelque nature que ce soit, y étendre aucune espèce de produits ou matières ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ;

Considérant que, de l'aveu même de la COMMUNE DE DANNEVOUX, une partie des chemins ruraux de la commune, tels qu'ils figurent sur les extraits du plan cadastral produits au dossier et pour la conservation desquels le maire de la commune avait édicté, le 5 mai 1996, un arrêté portant réglementation de leur utilisation, a été incluse dans un remembrement à l'amiable au cours duquel les agriculteurs de la commune et des communes environnantes ont décidé de procéder à un certain nombre d'échanges de parcelles afin d'agrandir leurs parcelles et d'adapter leurs exploitations aux nécessités de l'agriculture moderne, ce qui a eu pour conséquence que deux kilomètres de chemins ruraux, selon la commune, ont ainsi disparu ; que la commune ayant elle-même admis la disparition desdits chemins ruraux, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de droit en estimant qu'il ressortait des pièces du dossier qu'un certain nombre des chemins ruraux figurant au cadastre de la commune ont été rétrécis ou ont disparu, devenant impraticables à toute circulation, y compris pédestre ;

Considérant, d'une part, que la COMMUNE DE DANNEVOUX ne saurait soutenir que la disparition de chemins ruraux de la commune au cours de cette opération de remembrement à l'amiable a été réalisée en accord avec le conseil municipal dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette aliénation ait été précédée d'une délibération du conseil municipal décidant de désaffecter les chemins ruraux concernés par les projets d'échange de parcelles, d'une enquête publique réalisée selon les modalités fixées par les articles R. 141-4 à R. 141-9 du code voirie routière et enfin par une nouvelle délibération du conseil municipal, dans les conditions prévues par l'article L. 161-10 du code rural ; que, d'autre part, si la COMMUNE DE DANNEVOUX soutient que les chemins en cause mentionnés par M. A ne seraient pas ouverts à la circulation publique, serviraient exclusivement à la communication entre les différents fonds ou à leur exploitation et ne pourraient ainsi être qualifiés de chemins ruraux au sens des articles précités L. 161-1 et L. 161-2 du code rural, il ressort toutefois des extraits du plan cadastral produits au dossier que, notamment, le chemin rural dit de la Côte de Melle relie le chemin vicinal n° 1 de Dannevoux à Consenvoye au chemin rural dit du Champ Mirout, le chemin rural dit du Champ Mirout relie le village au chemin rural dit à Vacha, la portion du chemin rural dit de la voie de Montfaucon relie le chemin vicinal n° 2 de Dannevoux à Septsarges, le chemin rural dit du Pré le Cordier relie le chemin rural dit de l'Eutaine au chemin rural dit de la Terrière, le chemin rural dit de Chaffeau est relié au chemin rural dit de Brieules-sur-Meuse, le chemin rural dit des Petites longues raies relie le chemin rural dit de la Gloriette au chemin rural dit de Saint-Juvin à la station Cumières-Chattancourt, le chemin rural dit de devant des Callouières relie le chemin rural dit à Vacha au chemin départemental numéro 123, le chemin rural dit Chemin noir relie le village de Dannevoux au chemin départemental numéro 123, le chemin rural dit de la Terrière relie le chemin rural dit du Pré le Cordier et le chemin rural dit de l'Eutaine au village de Dannevoux, le chemin rural dit de la Ferrée débouche sur le chemin vicinal n° 2 de Dannevoux à Septsarges, le chemin rural dit de Pératreux relie le chemin rural dit chemin d'Or au chemin rural dit de la Ferrée, le chemin rural dit chemin d'Or débouche sur le chemin vicinal n° 2 de Dannevoux à Septsarges, le chemin rural dit du Poirier Jacques Etienne relie le chemin rural dit chemin d'Or au chemin rural dit des Cochelets, le chemin rural dit de Cumont relie le chemin rural dit de Fraiveaux au chemin rural dit des Cochelets, le chemin rural dit des Cochelets relie le chemin rural dit du Poirier Jacques Etienne au chemin rural de Brieulles-sur-Meuse à Dannevoux, le chemin rural dit des Cousillons relie le chemin rural dit de la Valette au chemin rural dit des Petites côtes, le chemin rural dit du Trou Mounin relie le chemin rural de Brieulles-sur-Meuse à Dannevoux au chemin rural dit de la Valette, le chemin rural dit de la Valette relie le chemin rural dit du Trou Mounin au chemin vicinal n° 5 de Dannevoux à Sivry-sur-Meuse et le chemin rural dit de la Chapelle relie le chemin rural dit des Cousillons au chemin vicinal n° 5 de Dannevoux à Sivry-sur-Meuse ; qu'il s'en suit que lesdits chemins ne peuvent être qualifiés, contrairement à ce que soutient la commune, de chemins d'exploitation au sens des articles L. 162-1 et suivants du code rural ; qu'enfin la COMMUNE DE DANNEVOUX ne saurait sérieusement soutenir que rien n'entraverait la circulation, tant pédestre qu'automobile, sur les deux kilomètres de chemins ruraux remis en culture par les exploitants riverains et labourés ; que, par suite, le maire de la COMMUNE DE DANNEVOUX ayant méconnu les obligations qui s'imposaient à lui quant à la conservation des chemins ruraux en vertu des dispositions précitées du code rural, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé la décision par laquelle le maire de ladite commune a refusé de procéder à la remise en état des chemins ruraux de la commune ;

Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que la commune aurait demandé la réalisation d'un second remembrement et que, dans cette hypothèse, la longueur des chemins ruraux, qui est actuellement de 47 kilomètres, serait divisée par trois, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE DANNEVOUX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 22 décembre 2009, le Tribunal administratif de Nancy a annulé la décision implicite par laquelle le maire de la COMMUNE DE DANNEVOUX a rejeté la demande de M. A, reçue le 10 janvier 2008, tendant à la remise en état des chemins ruraux de la commune et a mis à sa charge la somme de 1 200 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE DANNEVOUX la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE DANNEVOUX est rejetée.

Article 2 : La somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) est mise à la charge de la COMMUNE DE DANNEVOUX au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au maire de la COMMUNE DE DANNEVOUX et à M. François A.

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N° 10NC00286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00286
Date de la décision : 25/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : LEININGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-11-25;10nc00286 ?
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