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08/10/2012 | FRANCE | N°10MA01783

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 08 octobre 2012, 10MA01783


Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2010, présentée pour M. A... B..., élisant domicile..., par Me Etcheverrigaray ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901633 en date du 10 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant d'une part à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 8 028 euros en réparation du préjudice que lui aurait causé le retard pris par le préfet de l'Hérault dans l'examen de sa demande d'admission au séjour et d'autre part à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui déli

vrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale", dans le délai de deu...

Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2010, présentée pour M. A... B..., élisant domicile..., par Me Etcheverrigaray ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901633 en date du 10 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant d'une part à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 8 028 euros en réparation du préjudice que lui aurait causé le retard pris par le préfet de l'Hérault dans l'examen de sa demande d'admission au séjour et d'autre part à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale", dans le délai de deux mois à compter du jugement ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement d'une somme de 1 196 euros à son conseil, lequel renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;

1. Considérant que, par jugement du 20 mai 2008, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 21 novembre 2005 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., de nationalité marocaine, au motif que ce refus portait au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par cette décision, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce jugement n'a pas été frappé d'appel ; que M. B...relève appel du jugement du 10 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant d'une part à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 8 028 euros en réparation du préjudice résultant pour lui du retard pris par le préfet de l'Hérault dans l'exécution de cette décision, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale", dans le délai de deux mois à compter du jugement ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public : (...) 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 " ; qu'aux termes de l'article R. 222-14 du même code : " Les dispositions du 7° de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros. " ; qu'aux termes de l'article R. 811-1 du même code : " (...) dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l'article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 351-2 du même code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...) " ;

3. Considérant que la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Montpellier tendait notamment à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme dont le montant n'excède pas 10 000 euros ; qu'en application des dispositions précitées, le jugement du 10 mars 2010 en tant qu'il s'est prononcé sur ses conclusions indemnitaires n'est susceptible d'être contesté que par un pourvoi en cassation formé devant le Conseil d'Etat ; qu'il y a dès lors lieu de transmettre les conclusions de M. B...dirigées contre le jugement du 10 mars 2010, en tant qu'il s'est prononcé sur ses conclusions indemnitaires, au Conseil d'Etat, en application des dispositions précitées de l'article R. 351-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête,

4. Considérant que M. B...a également saisi les premiers juges d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que les premiers juges ont refusé de faire droit à cette demande, au motif que ces conclusions, présentées à titre principal, étaient irrecevables ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. " ; qu'à l'appui de sa demande, M. B...avait produit les courriers vainement adressés au préfet de l'Hérault en vue de l'exécution du jugement du 23 mai 2008, ainsi qu'un courrier adressé à la présidente de ce tribunal le 8 décembre 2008, dans lequel il faisait état des difficultés auxquelles il était confronté dans l'exécution de ce jugement et sollicitait son intervention ; qu'il produisait également la réponse du 29 décembre 2008 à ce dernier courrier, par lequel il était accusé réception de sa demande ; que, dans ce contexte, les conclusions à fin d'injonction présentées par M.B..., qui ne pouvaient être regardées comme l'accessoire de ses conclusions indemnitaires, devaient être regardées comme tendant à ce que le tribunal assure l'exécution du jugement du 20 mai 2008 annulant la décision du 21 novembre 2005 refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

6. Considérant que s'il n'appartient pas à la cour administrative d'appel de s'interroger d'office sur le bien-fondé de l'irrecevabilité opposée au requérant par le tribunal administratif, il lui appartient en revanche de relever d'office l'erreur commise par le tribunal sur l'étendue de ses pouvoirs ; qu'il résulte des termes mêmes du jugement attaqué, qui s'est borné à citer les articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative, que le tribunal administratif n'a pas envisagé qu'il était saisi d'une demande fondée sur les dispositions de l'article L. 911-4 du même code, sur le fondement desquels il pouvait valablement prononcer une injonction ; qu'en rejetant comme irrecevables les conclusions à fin d'injonction qui lui étaient soumises et en estimant que le requérant n'avait pas présenté de conclusions tendant à ce qu'il assure l'exécution de sa décision du 20 mai 2008, le tribunal a méconnu la portée de la demande de M. B...quand bien même celui-ci n'avait pas expressément mentionné l'article L. 911-4 du code de justice administrative, et l'étendue de ses pouvoirs ; que la partie du jugement se prononçant sur ces conclusions doit, par suite, être annulée ; qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M.B... ;

7. Considérant que lorsque l'exécution d'un jugement ou d'un arrêt implique normalement, eu égard aux motifs de ce jugement ou de cet arrêt, une mesure dans un sens déterminé, il appartient au juge, saisi de conclusions sur le fondement des dispositions précitées, de statuer sur ces conclusions, en tenant compte, le cas échéant après une mesure d'instruction, de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision ; que si, au vu de cette situation de droit et de fait, il apparaît toujours que l'exécution du jugement ou de l'arrêt implique nécessairement une mesure d'exécution, il incombe au juge de la prescrire à l'autorité compétente ; que l'exécution du jugement ayant annulé un refus de titre de séjour, au motif que ce refus porte une atteinte excessive au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale, implique au moins - sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait - la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ; qu'invitées par la cour à faire savoir si la situation de M. B...avait été modifiée, en fait ou en droit, dans des conditions telles que sa demande serait devenue sans objet, ou si des circonstances postérieures permettraient désormais de fonder légalement une nouvelle décision de rejet, les parties ont indiqué que M. B...était titulaire d'une carte de séjour en qualité de salarié valable du 15 septembre 2011 au 14 septembre 2012, et n'ont pas indiqué que des changements seraient intervenus dans sa situation familiale ; que dès lors que le titre ainsi délivré est différent par sa nature et sa portée du titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", que le jugement du 20 mai 2008 impliquait de délivrer à M. B...la délivrance d'un titre de séjour dont les motifs qui sont le support nécessaire du jugement du 20 mai 2008 impliquent la délivrance à M.B..., la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ne rend pas sans objet les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de lui délivrer un tel titre ; qu'il y a, dans ces conditions, lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par M. B...et d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

9. Considérant que, par application de ces dispositions, et sous réserve que Me Etcheverrigaray, avocat de M. B..., renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, il y a lieu de condamner l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, à verser audit avocat une somme de 1 196 euros au titre des frais exposés qu'il aurait réclamés au requérant si celui-ci n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de M. B...sont renvoyées au Conseil d'Etat en tant qu'elles concernent le rejet de ses conclusions indemnitaires.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 mars 2010 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'injonction de M.B....

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Etcheverrigaray, sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, la somme de 1 196 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault.

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N° 10MA01783


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10MA01783
Date de la décision : 08/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Moyens d'ordre public à soulever d'office - Existence.

Procédure - Voies de recours - Appel.

Procédure - Voies de recours - Cassation.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-08;10ma01783 ?
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