LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Le procureur général près la cour d'appel de Douai,
- Mme Catherine X...,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 6 septembre 2010, qui, dans la procédure suivie, notamment, contre Mme Catherine X... du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur la nullité de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction et a renvoyé la procédure devant le tribunal correctionnel ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 février 2011 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Divialle conseiller rapporteur, Mme Chanet, MM. Blondet, Palisse, Arnould, Dulin, Mme Desgrange, M. Pometan, Mme Nocquet, M. Foulquié, Mmes Guirimand, Radenne conseillers de la chambre, Mmes Leprieur, Moreau conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire DIVIALLE, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 4 octobre 2010, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Mme X..., pris de la violation de l'article 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 184, 385, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée par Mme X..., tirée de l'absence de motivation de l'ordonnance de renvoi en tous points identiques aux réquisitions du ministère public puis a renvoyé le dossier devant le tribunal correctionnel ;
"aux motifs que l'article 184 du code de procédure pénale édicte que les ordonnances de règlement indiquent d'une part, la qualification légale du fait imputé à la personne mise en examen et d'autre part, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non, contre cette personne, des charges suffisantes ; que la loi du 5 mars 2007 a complété ce texte en y ajoutant que cette motivation est prise au regard des réquisitions du ministère public et des observations des parties qui ont été adressées au juge d'instruction en application de l'article 175 et précisent les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen ; que, manifestement, cette disposition a été instaurée pour favoriser un débat contradictoire en toute fin d'instruction avant qu'une décision de renvoi devant une juridiction de jugement ou une décision de non-lieu ne soit prise ; qu'il est constant qu'aucun des mis en examen ou des avocats de ceux-ci n'a en l'espèce formulé d'observation dans le cadre de l'article 175 du code de procédure pénale ; que le réquisitoire définitif du procureur de la République énonce pour chacun des seize mis en examen les éléments matériels qui ont amené leur mise en cause initiale dans la procédure, leurs déclarations faites en garde à vue, celles faites devant le juge d'instruction, la position de chaque partie lors des confrontations lorsqu'il y en a eu, et les déclarations des autres mis en cause au sujet du rôle de chacun ; que sont en outre énoncés, pour chacun d'eux, les résultats – quand ces investigations ont été menées - des perquisitions, études de comptes bancaires et écoutes téléphoniques ; que la situation personnelle passée et actuelle de chaque mis en examen est décrite de manière détaillée au regard de sa situation familiale, professionnelle et le cas échéant au regard des obligations qui lui étaient imposées dans le cadre du contrôle judiciaire ; qu'en reprenant à son compte les développements de ce réquisitoire qui examine tant les éléments à charge que les éléments à décharge pour chacun des mis en examen, le juge d'instruction a parfaitement répondu à toutes les exigences de l'article 184 du code de procédure pénale, aucune autre obligation résultant de la loi n'ayant en l'espèce été négligée ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'ordonnance de renvoi devant le juge d'instruction du 26 octobre 2009" ;
"1°) alors que selon les dispositions de l'article 184 du code de procédure pénale, pris en sa rédaction issue de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 alors applicable aux faits, l'ordonnance de renvoi doit indiquer la qualification légale du fait reproché et indiquer de façon précise les motifs pour lesquels il existe ou non des charges suffisantes contre la personne mise en examen, étant souligné que cette motivation est prise au regard des réquisitions du ministère public mais également au vu des observations des parties ; que le juge d'instruction doit, dans son ordonnance, procéder à un examen particulier des charges invoquées contre chacune des parties sans pouvoir se borner à une reprise pure et simple des réquisitions si bien qu'en l'état de l'ordonnance de renvoi, datée du 26 octobre 2009, qui est la reproduction fidèle des réquisitions du ministère public datées du 12 octobre 2009 et n'indique pas les raisons pour lesquelles elle entend suivre ces réquisitions, la cour d'appel qui a néanmoins rejeté l'exception de nullité, a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
"2°) alors que, l'obligation de motivation spécifique exigée par l'article 184 du code de procédure pénale s'impose même en l'absence d'observations personnelles effectuées par les avocats des mis en examen dans le cadre de l'article 175 du même code, puisqu'elle seule permet de connaître l'analyse effectuée par un magistrat du siège indépendant, lors de l'appréciation des charges retenues à l'encontre des mis en cause, laquelle ne saurait être la reproduction servile des réquisitions de la partie poursuivante de sorte qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qui n'y figure pas et n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, Mme X... et quinze autres personnes ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'infractions à la législation sur les stupéfiants ; que le tribunal, faisant droit aux conclusions de Mme X... et de ses coprévenus déposées avant toute défense au fond, a prononcé l'annulation de l'ordonnance de renvoi et renvoyé la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d'instruction afin que la procédure soit régularisée, au motif qu'en violation des dispositions de l'article 184 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, l'ordonnance de renvoi avait adopté les motifs du ministère public, sans en indiquer les raisons ; que le procureur de la République a interjeté appel de cette décision ;
Attendu qu'en infirmant le jugement ayant annulé l'ordonnance par les motifs repris au moyen, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que, d'une part, en application de l'article 385 du code de procédure pénale, si l'ordonnance n'a pas été rendue conformément aux dispositions de l'article 184 du même code, la sanction de cette non-conformité est le renvoi de la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d'instruction aux fins de régularisation ;
Que, d'autre part, l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel dont les juges d'appel ont, sans insuffisance ni contradiction, constaté qu'elle précise les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen, en l'absence d'observations des parties, satisfait aux exigences de l'article 184 précité ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Mais sur le moyen unique de cassation proposé pour le procureur général, pris de la violation des articles 520 et 593 du code de procédure pénale, d'un défaut de motif et d'un manque de base légale, en ce que la cour d'appel, après avoir infirmé le jugement de première instance et dit que l'ordonnance de renvoi avait régulièrement saisi les premiers juges, a renvoyé la procédure devant le tribunal correctionnel ;
Vu l'article 520 du code de procédure pénale ;
Attendu que les dispositions de ce texte qui obligent les juges d'appel à évoquer le fond lorsque le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée des formes prescrites par la loi à peine de nullité, ne sont pas limitatives et s'étendent aux cas où il a été mal jugé sur un incident ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir infirmé le jugement, en ce qu'il avait prononcé l'annulation de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction par laquelle il était saisi, et rejeté l'exception de nullité invoquée, a renvoyé la procédure devant la juridiction du premier degré en énonçant que la cour d'appel n'annulait pas la décision pour violation ou omission non réparées des formes prescrites par la loi à peine de nullité, mais l'infirmait en contestant l'appréciation du tribunal relative à la validité de l'ordonnance de renvoi ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il lui appartenait, après avoir infirmé la décision entreprise, d'évoquer et de statuer au fond, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I- Sur le pourvoi de Mme X... :
Le REJETTE ;
II - Sur le pourvoi du procureur général :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 6 septembre 2010, mais seulement en ce qu'il a omis de statuer au fond, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux mars deux mille onze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;