CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, du 6 juillet 1994, qui l'a déclaré coupable du délit d'abandon de famille, a ajourné le prononcé de la peine et a sursis à statuer sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit,
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 357-2, alinéas 1, 2, 3 et 4, du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'abandon de famille ;
" aux motifs que les faits d'abandon de famille sont prouvés du fait de l'absence de règlement des pensions pendant le deuxième semestre de l'année 1992. Cependant, une confusion contraire demeure pour ce qui concerne l'arriéré. La Cour veut bien considérer que Pierre X... a pu être dans une certaine mesure illusionné quant à l'étendue de ses devoirs à cette époque compte tenu de la faillite de la société Spector et du dysfonctionnement de la procédure de saisie-arrêt. De plus, il est constant que, depuis mars 1993, il règle régulièrement ladite pension. X... doit être déclaré coupable des faits d'abandon de famille qui lui sont reprochés mais le prononcé de la peine doit être ajourné de manière à ce qu'il finisse de démontrer à la Cour par l'ensemble des documents comptables en sa possession qu'il a pu légitimement se tromper ;
" alors que l'article 357-2 du Code pénal exige que la carence du débiteur soit "volontaire" ; qu'en l'espèce, la Cour relève que le demandeur a pu être dans une certaine mesure illusionné quant à l'étendue de ses devoirs à cette époque compte tenu de la faillite de la société Spector et du dysfonctionnement de la procédure de saisie-arrêt, ce qui ôte tout caractère volontaire à la carence du débiteur de la pension ; que la Cour, qui constate la carence involontaire du débiteur n'a pas, en le déclarant coupable d'abandon de famille, déduit de ses constatations les conséquences légales au regard des textes visés au moyen ; "
Vu lesdits articles, ensemble les articles 112-1, 121-3 et 227-3 du Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 112-1 du Code pénal, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ;
Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Pierre X... est poursuivi pour être volontairement demeuré plus de 2 mois au cours du second semestre 1992 sans payer au profit de ses enfants la pension alimentaire judiciairement fixée ;
Attendu que, pour le déclarer coupable du délit d'abandon de famille, la cour d'appel relève que le prévenu n'a pas procédé au règlement de la pension pendant la période considérée ;
Qu'elle ajoute, pour ajourner le prononcé de la peine, que celui-ci a pu se méprendre sur ses obligations en raison de la mise en oeuvre par la mère des enfants, créancière d'aliments, d'une procédure de paiement direct puis de la faillite de l'employeur du prévenu, tiers débiteur des pensions ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, sans caractériser l'élément intentionnel du délit d'abandon de famille, alors que l'article 227-3 du Code pénal, en vigueur à la date de l'arrêt, n'a pas repris les dispositions de l'article 357-2 ancien qui présument volontaire le défaut de paiement, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, du 6 juillet 1994, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble.