La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2011 | FRANCE | N°10-21431

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 juin 2011, 10-21431


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité irakienne, en situation irrégulière en France, a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière et d'une décision de maintien en rétention qui lui ont été notifiés le 28 mai 2010 ; que, le 30 mai 20

10, un juge des libertés et de la détention a prolongé sa rétention pour une dur...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité irakienne, en situation irrégulière en France, a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière et d'une décision de maintien en rétention qui lui ont été notifiés le 28 mai 2010 ; que, le 30 mai 2010, un juge des libertés et de la détention a prolongé sa rétention pour une durée maximale de quinze jours ; que le 31 mai 2010, M. X... a déposé une demande d'asile ;
Attendu que, pour prolonger la rétention de l'intéressé pour une nouvelle période de quinze jours, l'ordonnance retient que la demande d'asile présentée par M. X... apparaissait dilatoire et abusive et qu'il s'agissait d'une obstruction volontaire faite à son éloignement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le dépôt d'une demande d'asile est constitutif de l'exercice d'un droit de sorte qu'une telle demande ne peut jamais être regardée comme une obstruction volontaire faite par l'étranger à son éloignement rendant impossible l'exécution de cette mesure, le premier président a violé le texte susvisé ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Et attendu que les délais légaux de rétention étant expirés, il ne reste plus rien à juger ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 16 juin 2010, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du JLD du TGI de Lyon du 14 juin 2010 ayant prolongé la rétention administrative du requérant pour une durée de quinze jours ;
aux motifs que Monsieur Fateh Hameed X... soutient avoir fait une demande d'asile dès le quatrième jour de son placement en rétention et qu'il demeure dans l'attente d'une réponse de l'OFPRA ; qu'il indique dans ses écritures « au regard de ces éléments, la décision préfectorale et la décision du JLD sont mal fondées : aucun motif d'obstruction volontaire ne peut être retenu à son encontre pour fonder la seconde prolongation pour quinze jours ; que c'était à juste titre toutefois que le JLD de Lyon avait considéré que la demande d'asile déposée par Monsieur Fateh Hameed X... uniquement après son audition par les services de police le 27 mai 2010 était dilatoire et abusive, l'intéressé ayant notamment déclaré au service enquêteurs : « Je ne veux pas rester en France, je veux me rendre en Suède car j'ai un peu de famille là-bas ; je n'ai pas fait de demande d'asile dans un pays de la zone Schengen » ; qu'il convient d'observer que le retenu n'a formé une demande d'asile qu'à la date du 31 mai 2010 à 16h32 ; peu importe, comme le soutient l'intéressé, qu'il s'agit d'une première demande ;qu'en outre, l'OFPRA, par décision du 14 juin 2010, a rejeté la demande du retenu ; que l'article L.552-4 du CESEDA stipule qu' « à titre exceptionnel, le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger, lorsque celui-ci dispose de garanties effectives de représentation, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'orignal du passeport en cours de validité et de tous documents justificatifs de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité, et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution » ; Qu'ainsi, la règle légale de principe est le maintien dans le centre de rétention, durant la période de prolongation, dans l'attente de l'embarquement de l'étranger vers le pays destinataire ; que ce n'est qu'à titre exceptionnel que l'assignation à résidence de l'étranger peut être ordonnée, sous les conditions de garantie effectives de représentation et de remise préalable par l'étranger de son passeport en cours de validité ; attendu par ailleurs que Fateh Hameed X... ne forme aucunement une demande d'assignation à résidence ; qu'en conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise (ordonnance pages 2 et 3) ;
1°) alors que, d'une part, aux termes de l'article L.551-3 du CESEDA, l'étranger peut solliciter l'asile dans les cinq jours de son placement en rétention administrative ; que le juge de la rétention ne pouvait affirmer le caractère abusif et dilatoire de l'exercice dans le délai légal d'un droit fondamental constitutionnellement garanti aux étrangers, sans autrement caractériser l'existence et la portée d'un abus constitutif d'une « obstruction » à la mesure d'éloignement au sens de l'article L.552-7 du CESEDA ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la Cour a violé les dispositions de l'article L.551-3 du CESEDA, ensemble les garanties fondamentales propres au droit d'asile ;
2°) alors que, d'autre part, aux termes des articles 13 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, « toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles » ; qu'en se bornant à affirmer le caractère abusif ou dilatoire de la demande d'asile déposée dans le délai de la loi par le requérant, kurde iraquien invoquant dans ses écritures des craintes pour sa vie dans son pays d'origine en raison de la situation de guerre et des menaces pesant sur la communauté kurde, le juge de la rétention a derechef porté atteinte à l'exercice effectif d'un droit constitutionnellement garanti, violant ainsi les articles précités ensemble les garanties fondamentales propres au droit d'asile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-21431
Date de la décision : 29/06/2011
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Obstruction volontaire à l'éloignement - Exclusion - Cas - Dépôt d'une demande d'asile devant l'OFPRA

Le dépôt d'une demande d'asile par un étranger en situation irrégulière est constitutif de l'exercice d'un droit de sorte qu'une telle demande ne peut jamais être regardée comme une obstruction volontaire faite par l'étranger à son éloignement, au sens de l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 16 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 jui. 2011, pourvoi n°10-21431, Bull. civ. 2011, I, n° 131
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, I, n° 131

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Gauthier
Rapporteur ?: M. Falcone
Avocat(s) : Me Bouthors

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.21431
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award