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16/06/2010 | FRANCE | N°09/02901

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 16 juin 2010, 09/02901


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 09/02901





SAS CSF FRANCE

C/

[R]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de BELLEY

du 21 avril 2009

RG : F 07/00071











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 16 JUIN 2010













APPELANTE :



SAS CSF FRANCE

[Adresse 8]

[Localité 2]



représentée par Maître

Nazanine FARZAM-ROCHON, avocat au barreau de LYON









INTIMÉ :



[B] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Maître Fabrice LECOCQ, avocat au barreau de l'ESSONNE











































DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 31 mars 2010



COMPOSITION DE L...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 09/02901

SAS CSF FRANCE

C/

[R]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de BELLEY

du 21 avril 2009

RG : F 07/00071

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 16 JUIN 2010

APPELANTE :

SAS CSF FRANCE

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Maître Nazanine FARZAM-ROCHON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[B] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Maître Fabrice LECOCQ, avocat au barreau de l'ESSONNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 31 mars 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Louis GAYAT DE WECKER, Président

Dominique DEFRASNE, Conseiller

Catherine ZAGALA, Conseiller

Assistés pendant les débats de Anita RATION, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 juin 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Statuant sur l'appel formé par la SAS CSF FRANCE d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Belley, en date du 21 avril 2009, qui a :

- dit que le licenciement de Monsieur [B] [R] était intervenu sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SAS CSF FRANCE à verser à Monsieur [R] les sommes suivantes :

* 24 033,06 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 955,04 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 12 016,54 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 201,65 € à titre de congés payés afférents,

* 3 773,48 € au titre du remboursement des frais engagés,

* 1 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la SAS CSF FRANCE d'adresser à Monsieur [B] [R] un solde de tout compte rectifié ;

- débouté Monsieur [B] [R] du surplus de ses demandes ;

- condamné la SAS CSF FRANCE à rembourser à l'ASSEDIC les indemnités de chômage versées à Monsieur [B] [R] dans la limite d'un mois ;

- débouté la SAS CSF FRANCE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné la SAS CSF FRANCE aux dépens.

Vu les écritures et les observations orales à la barre, le 31 mars 2010, de la SAS CSF FRANCE, appelante, qui demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes ;

- de dire bien fondé le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [B] [R] ;

- de débouter Monsieur [B] [R] de l'intégralité de ses demandes ;

- de condamner Monsieur [B] [R] au paiement de 2 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures et les observations orales à la barre, le 31 mars 2010, de Monsieur [B] [R], intimé, qui demande de son côté à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris sauf à porter à 48 066,12 € le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- de condamner la SAS CSF FRANCE aux dépens ainsi qu'au paiement de 4 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Attendu que Monsieur [B] [R] a été embauché à durée indéterminée le 28 avril 2004 par la SAS CSF FRANCE en qualité de chargé de travaux, statut cadre, niveau 7 selon la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ;

Que par avenant subséquent, il a été nommé au poste de responsable technique, statut cadre, niveau 8, affecté au satellite de [Localité 6] moyennant un salaire brut mensuel forfaitaire de 3 800,00 €;

Que par courrier remis en mains propres le 14 mai 2007, la SAS CSF FRANCE l'a convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement éventuel et l'a mis à pied à titre conservatoire ;

Qu'après cet entretien qui s'est tenu le 29 mai 2007, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 juin 2007 ;

Que les motifs du licenciement exposés dans cette lettre étaient les suivants :

' Courant mai 2007, à l'occasion de diverses vérifications, nous avons découvert plusieurs anomalies dans le cadre de votre activité.

Ainsi nous nous sommes rendus compte à titre d'exemple des faits suivants sur certains magasins relevant de votre périmètre :

- des factures étaient établies pour des motifs fictifs de 'construction' correspondant en réalité à des achats de matériel, ce qui est contraire aux règles comptables.

- certaines factures ont été réglées en totalité par vos soins sur la base de simples devis alors même que les prestations n'ont pas été effectuées. En outre, une société est actuellement en liquidation créant ainsi un préjudice important pour notre société.

- les coûts d'intervention de certaines entreprises étaient largement supérieurs à ceux habituellement pratiqués pour ce type d'intervention.

- certaines prestations ont été réglées deux fois à deux prestataires différents.

- etc.

Ces faits démontrent, au-delà d'un réel traitement de faveur accordé à certaines entreprises dont vous avez privilégié l'intervention pour une raison qui nous est inconnue, une gestion laxiste, contraire aux intérêts de l'entreprise et aux règles déontologiques et surtout en totale méconnaissance des règles applicables dans notre entreprise.

Nous avons également découvert des anomalies concernant vos frais de déplacement puisque vous n'avez pas hésité depuis votre arrivée sur le satellite à solliciter le remboursement de frais de déplacement excessifs eu égard à la nature de votre activité et à l'ampleur de vos déplacements.

Nous ne pouvons tolérer davantage ce type de faits totalement préjudiciables aux intérêts de l'entreprise et pour lesquels vous n'avez apporté aucune explication .

L'ensemble de ces faits sur lesquels vous n'avez apporté aucune explication a justifié votre mise à pied à titre conservatoire.

Votre licenciement est prononcé pour faute grave, sans indemnité de rupture, ni préavis. Nous vous demandons de bien vouloir nous remettre les outils de travail encore en votre possession, notamment votre voiture de fonction ainsi que votre téléphone portable.'

Que le 18 juin 2007, la SAS CSF FRANCE a déposé plainte avec constitution de partie civile contre Monsieur [B] [R] devant le Procureur de la république et que cette plainte a été classée sans suite au motif qu'il s'agissait d'un litige prud'homal ;

Que le 16 août 2007, Monsieur [B] [R] a contesté son licenciement et réclamé le remboursement de frais professionnels devant la juridiction prud'homale laquelle a rendu en sa faveur l'arrêt aujourd'hui frappé d'appel ;

Attendu que la SAS CSF FRANCE prétend justifier le licenciement par les manoeuvres frauduleuses ou indélicatesses caractérisées du salarié (manoeuvres relatives à la facturation aux clients, règlements en double de certaines factures, règlements de factures avant la réalisation de travaux, fausses facturations et facturations prohibitives pour certains travaux) et par les irrégularités constatées en regard des frais de déplacement et des frais de téléphone mobile en indiquant qu'il s'agit de graves détournements d'autant plus inacceptables que Monsieur [B] [R] avait des responsabilités de haut niveau ;

Attendu que Monsieur [B] [R] fait valoir de son côté que la lettre de licenciement manque totalement de précision quant à la date des faits ou quant aux entreprises concernées, ce qui rend impossible toute vérification, que les autres documents, notamment la plainte pénale, ne saurait suppléer la carence de cette lettre et que pour ce motif le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'à titre subsidiaire, il soutient que la SAS CSF FRANCE ne rapporte pas la preuve des fraudes ou falsifications reprochées et que l'employeur était en mesure de vérifier lui-même la réalité des frais professionnels ;

Qu'il estime que son licenciement n'est pas fondé ;

MOTIFS DE LA COUR

1 - Sur le licenciement

Attendu que devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre et d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation du contrat de travail ou des obligations résultant du travail d'une importance telle qu'elle rend nécessaire la rupture immédiate de ce contrat ;

Attendu en l'espèce que la lettre du 5 juin 2007, contrairement aux affirmations du salarié , énonce des griefs qui sont matériellement vérifiables étant précisé qu'il n'est pas nécessaire que les faits soient datés ;

Que cette lettre répond aux exigences de motivation de l'article L1232-6 du code du travail ;

Attendu que la SAS CSF FRANCE verse aux débats plusieurs documents, notamment des devis et des factures concernant des interventions de Monsieur [B] [R] en sa qualité de responsable technique ;

Qu'il y a lieu de constater que le salarié se borne à contester le lien entre ces pièces et les motifs du licenciement alors qu'elles se rapportent bien aux anomalies dénoncées dans la lettre de licenciement;

Qu'il ressort des pièces et des explications complémentaires de l'employeur :

- que Monsieur [B] [R] a demandé en octobre 2006 un devis de travaux de 31 096,00€ pour la démolition de chambres froides dans un supermarché CHAMPION à une société ARC ET TRAVAUX ayant pour activité le câblage informatique et téléphonique, activité sans rapport avec les travaux commandés,

- que Monsieur [B] [R] a demandé en décembre 2006 un devis de 88 145,00 € pour des travaux de couverture et d'étanchéité à la société FIC ÉTANCHÉITÉ dont l'immatriculation au registre du commerce n'est intervenu que le 4 janvier 2007 et qui au surplus était domiciliée en région parisienne, en dehors de son secteur d'activité (région Sud-Est),

- qu'à l'occasion du projet d'extension du supermarché CHAMPION de [Localité 4], Monsieur [B] [R] a réglé à la société CHEROISE DE BATIMENT une facture de 78 313,72 € comprenant 12 000,00 € d'études béton après avoir déjà réglé en novembre 2006 une facture de la société BECIBA pour une étude de la même nature,

- que s'agissant de l'extension du magasin CHAMPION de [Localité 7], Monsieur [B] [R] a réglé à la même société BECIBA une facture d'un montant total de 21 200,00 € en mars 2007 alors que les travaux n'avaient pas été réalisés, puis laissé le maître d'oeuvre passer une commande à une société FAYOLLE pour des honoraires de BECIBA,

- que Monsieur [B] [R] a également réglé en décembre 2006 à la société CEBICOM une facture de 53 820,00 € pour des travaux de réfection de toiture du magasin CHAMPION de [Localité 4], jamais réalisés,

- que pour l'achat de matériels dans le magasin CHAMPION de [Localité 4] et afin de passer outre le référencement les entreprises, Monsieur [B] [R] a demandé à la société EM AGENCEMENT l'édition d'une facture fictive de construction pour le même montant que celui du matériel,

- que Monsieur [B] [R] a réglé à la société BECIBA et à la société GUYARDER (hors de son secteur) en novembre 2006 et mars 2007 des factures d'un montant très supérieur au prix pratiqué par les sociétés intervenantes habituellement dans le secteur (SOCOTRA, BERI GRAPHIC'S) pour les mêmes travaux ;

Que le salarié de son côté n'apporte aucune explication sur ces faits ;

Qu'il ressort des éléments de la cause que Monsieur [B] [R] n'a pas seulement commis de graves négligences dans le choix des entreprises ou dans le paiement des factures mais qu'il a aussi favorisé certaines entreprises au mépris des règles applicables au sein de la société et au préjudice de cette dernière ;

Qu'un tel comportement suffit à justifier son licenciement pour faute grave sans qu'il soit nécessaire pour la Cour d'examiner le dernier grief de l'employeur concernant les frais professionnels;

Que le jugement sera donc réformé de ce chef et le salarié débouté de toutes ses demandes relatives à la rupture du contrat ;

2 - Sur la demande de remboursement de frais formée par le salarié

Attendu que Monsieur [B] [R] réclame le remboursement de certains frais (déplacements, téléphone) au titre des mois de février, mars, avril et mai 2007, lequel lui a été refusé par l'employeur dans un courrier du 6 juillet 2007 au motif qu'il s'agissait de dépenses à caractère personnel ;

Qu'il n'existe aucune disposition contractuelle ou conventionnelle prévoyant le remboursement par l'employeur des frais de déplacement entre le lieu de travail et le domicile personnel du salarié, situé en l'espèce dans la région parisienne ;

Que les pièces produites par Monsieur [B] [R] sont pour une large part des tickets de péage d'autoroute mentionnant des entrées ou des sorties, très souvent à [Localité 5] (Seine et Marne) ou dans certains cas en Côte d'Or où Monsieur [B] [R] possède également une résidence secondaire ;

Qu'il n'est pas justifié par le salarié du caractère professionnel de ces déplacements ;

Que d'autres pièces concernent des frais de restaurant ou de téléphone que rien ne permet davantage de rattacher à l'activité professionnelle ;

Que le fait invoqué par Monsieur [B] [R] que l'employeur ait antérieurement remboursé des frais de même nature ne saurait constituer un droit acquis dès lors que ces remboursements sont litigieux, la SAS CSF FRANCE reprochant au salarié des abus dans les notes de frais correspondantes ;

Qu'en conséquence, la demande de Monsieur [B] [R] n'apparaît pas fondée et doit être rejetée ;

Attendu que Monsieur [B] [R] qui succombe supportera les dépens ;

Qu'il convient d'allouer à la SAS CSF FRANCE la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Dit l'appel recevable ;

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de Monsieur [B] [R] par la SAS CSF FRANCE est justifié par la faute grave du salarié ;

Dit mal fondée la demande en remboursement de frais formée par Monsieur [B] [R] ;

Déboute en conséquence Monsieur [B] [R] de l'intégralité de ses prétentions;

Condamne Monsieur [B] [R] à payer à la SAS CSF FRANCE la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [B] [R] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 09/02901
Date de la décision : 16/06/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°09/02901 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-16;09.02901 ?
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