LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 mai 2010), que Mme X..., propriétaire d'un fonds au bénéfice duquel a été instituée une servitude de passage sur le fonds appartenant aux époux Y..., a assigné ces derniers aux fins de se voir autoriser à faire placer des bornes matérialisant la servitude et à arracher les arbres et arbustes qui poussent sur son assiette ; que les époux Y... ont formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour élagage abusif par Mme X... d'un gros chêne situé sur l'assiette de la servitude ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu que s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ;
Attendu que pour rejeter les demandes de Mme X... et la condamner au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel s'est prononcée au visa des conclusions qu'elle avait déposées le 22 avril 2009 ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas visé, avec indication de leur date, les conclusions déposées par Mme X... le 19 avril 2010 ni exposé succinctement dans sa motivation, les prétentions et moyens figurant dans ces dernières conclusions, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y... à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR été rendu au visa des écritures de Madame X... du 22 avril 2009 et D'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes d'installation de bornes et d'abattage d'arbres se trouvant sur l'assiette d'une servitude, dit que le portail mis en place par les époux Y... devrait avoir la largeur intégrale du chemin municipal d'accès et une largeur minimale de 10 m s'il est sur l'assiette de la servitude et condamné Madame X... à payer aux époux Y... une somme de 800 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE par acte du 23 janvier 1968, une servitude de passage d'une largeur de 10 mètres a été constituée sur le fonds appartenant aujourd'hui aux époux Y... au profit de celui dont Madame X... est actuellement propriétaire ; que la largeur inhabituelle de cette servitude n'apparaît pouvoir autrement s'expliquer que par le souci d'aménager un passage qui soit à la fois suffisant et de nature à préserver les arbres plantés en travers de l'assiette et en particulier le chêne vert dont les photographies révèlent clairement le caractère centenaire confirmé par l'avis du technicien A... ; que la configuration des lieux n'a pas changé et il résulte du constat d'huissier du 14 octobre 2009 dont Madame X... se prévaut que « pris au centre de son tronc et à la base, ce chêne est planté à une distance de six mètres par rapport à la clôture finie du fonds de la requérante », tandis que l'amandier est situé à 1, 15 mètre de cette limite ; que ces distances sont largement suffisantes pour permettre le passage de camions même de fort tonnage ; qu'en témoignent éloquemment la photographie d'un camion toupie de l'entreprise PIC BETON prise le 29 avril 2009 lorsqu'il est venu livrer du béton chez les époux Y... ainsi que les attestations du conducteur et de témoins confirmant qu'il avait contourné le gros chêne sans rencontrer aucune gêne ; que de même, les sapeurs pompiers intervenus le 4 septembre 2006 pour maîtriser un feu de végétaux ont engagé plusieurs camions qui ont accédé à la zone sans difficulté ; que la servitude de passage n'ayant ainsi subi aucune aggravation au sens de l'article 701 du Code Civil, la demande d'abattage du grand chêne et du gros amandier se trouvant sur son assiette n'est en rien justifiée ; que le propriétaire d'un fonds grevé d'une servitude de passage ayant le droit de clore son héritage en application de l'article 647 du Code Civil, l'installation par les époux Y... d'un portail de dix mètres de large sur l'assiette de la servitude n'a aucun caractère anormal et ne peut être considérée comme rendant plus difficile l'exercice de la servitude, leur seule obligation étant de fournir à Madame X... une clé de ce portail et un dispositif de télécommande à distance, qu'il en est de même du portillon protégeant l'accès à la rivière et dont ils doivent également lui remettre la clef ; qu'ainsi que l'a pertinemment considéré le premier juge, Madame X... n'a aucun droit ni qualité à demander la pose de bornes sur le terrain des défendeurs pour matérialiser l'assiette de la servitude ; qu'enfin c'est à bon droit qu'il a autorisé Madame X... à enlever les autres végétaux encombrant le passage, sauf à laisser en place le système racinaire de ceux qui bordent la rivière afin de préserver la stabilité du talus ; que le jugement sera donc confirmé de ces différents chefs ; qu'en revanche il résulte du rapport de l'agent surveillant de la voie publique de la commune de CLARET et des photographies produites que le 19 avril 2006, Madame X... s'est livrée à une voie de fait en procédant à un tronçonnage des branches du chêne ; que la mutilation infligée à cet arbre centenaire au mépris de leur droit de propriété et portant fortement atteinte à son esthétique a causé aux époux Y... un préjudice qui doit être fixé à la somme de 800 € ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE par acte notarié du 1er décembre 1967, une servitude de passage grevant la parcelle C 130 lieudit les Cadenedes à CLARET a été constituée au profit de la parcelle voisine C 131, cette servitude de passage se faisant ainsi que stipulé, à pied et avec tous véhicules sur une bande de terrain d'une largeur de 10 mètres partant du chemin de service jusqu'à la rivière Gourniès ; qu'il est encore expressément stipulé que l'entretien de la parcelle, à usage de chemin, incombe exclusivement au propriétaire de la parcelle 131 ; que la parcelle 131 est devenue pour partie parcelle n° 673, propriété de Madame Z... épouse X..., tandis que la parcelle n° 130 est devenue parcelle C 781, propriété des époux Y... ; qu'à l'occasion de ces deux mutations de propriété, la servitude du 1er décembre 1967 a été rappelée et laissée inchangée ; que l'assiette de la servitude reste actuellement la propriété des époux Y... ; que Madame X... n'a ni droit, ni qualité, à demander la pose de bornes sur ce qui reste le terrain des défendeurs ; que la servitude instaurée par l'acte du 1er décembre 1967 ne mentionne nullement la présence d'arbres sur son assiette d'exercice ; qu'il apparaît toutefois sur les photos versées aux débats que le gros chêne, numéroté 1 et bordé par un monticule de terre, a une existence centenaire ; qu'il existait donc en 1967 lors de la constitution de la servitude ; que Madame X... reconnaît que le gros amandier existait déjà en 1967 ; que, par contre, l'on ne peut affirmer, à priori, au vu des photographies que les trois autres arbres numérotés 3, 4, 5 existaient en 1967 ; qu'aux termes de l'article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tend à en diminuer l'usage ou à la rendre plus incommode ; que les époux Y... sont donc en droit d'exiger le maintien du grand chêne et du gros amandier existant lors de la constitution de la servitude, et ce, quand bien même ces deux arbres gênent la manoeuvre de certains camions ; que, par contre, même si Madame X... a manqué à son obligation de débroussaillement pourtant mise expressément à la charge du propriétaire de la parcelle 131 devenue 673, elle n'a pas perdu le droit d'effectuer ce débroussaillement encore à présent en coupant les 3 derniers arbres qu'elle a laissé grandir ; que son obligation d'entretien de l'assiette de la servitude lui interdit de déposer le tout venant de quelque sorte que ce soit même après abattage des 3 derniers arbres ; que l'élagage du gros chêne n'a rien à voir avec le débroussaillage ordinaire et doit rester le fait des propriétaires les époux Y... et sera interdit à Madame X... ; que les époux Y... ont, aux termes de l'article 647 du code civil, le droit de clore leur propriété ; que, toutefois, ils ne peuvent, à raison de l'article 701 du code civil, rien faire qui diminue l'exercice de la servitude de passage de Madame GOUPIL ; qu'ils sont en droit d'installer, à l'entrée de leur propriété, un portail coulissant qui doit avoir 10 mètres au moins de large sauf à en donner la clé à la demanderesse, qu'ils sont également en droit d'installer un petit portail en bout de servitude pour protéger l'accès à la rivière sauf également à en donner une clé à Madame X... ;
ALORS QUE s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui a exposé les seules prétentions de Madame X... et non les moyens qu'elle avait formulés, fût-ce succinctement, n'a pas visé, avec indication de leur date, ses dernières écritures déposées le 19 avril 2010, en violation des article 455, 1er alinéa, et 954, 2ème alinéa, du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes d'installation de bornes et d'abattage d'arbres se trouvant sur l'assiette d'une servitude, dit que le portail mis en place par les époux Y... devrait avoir la largeur intégrale du chemin municipal d'accès et une largeur minimale de 10 m s'il est sur l'assiette de la servitude et condamné Madame X... à payer aux époux Y... une somme de 800 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE par acte du 23 janvier 1968, une servitude de passage d'une largeur de 10 mètres a été constituée sur le fonds appartenant aujourd'hui aux époux Y... au profit de celui dont Madame X... est actuellement propriétaire ; que la largeur inhabituelle de cette servitude n'apparaît pouvoir autrement s'expliquer que par le souci d'aménager un passage qui soit à la fois suffisant et de nature à préserver les arbres plantés en travers de l'assiette et en particulier le chêne vert dont les photographies révèlent clairement le caractère centenaire confirmé par l'avis du technicien A... ; que la configuration des lieux n'a pas changé et il résulte du constat d'huissier du 14 octobre 2009 dont Madame X... se prévaut que « pris au centre de son tronc et à la base, ce chêne est planté à une distance de six mètres par rapport à la clôture finie du fonds de la requérante », tandis que l'amandier est situé à 1, 15 mètre de cette limite ; que ces distances sont largement suffisantes pour permettre le passage de camions même de fort tonnage ; qu'en témoignent éloquemment la photographie d'un camion toupie de l'entreprise PIC BETON prise le 29 avril 2009 lorsqu'il est venu livrer du béton chez les époux Y... ainsi que les attestations du conducteur et de témoins confirmant qu'il avait contourné le gros chêne sans rencontrer aucune gêne ; que de même, les sapeurs pompiers intervenus le 4 septembre 2006 pour maîtriser un feu de végétaux ont engagé plusieurs camions qui ont accédé à la zone sans difficulté ; que la servitude de passage n'ayant ainsi subi aucune aggravation au sens de l'article 701 du Code Civil, la demande d'abattage du grand chêne et du gros amandier se trouvant sur son assiette n'est en rien justifiée ; que le propriétaire d'un fonds grevé d'une servitude de passage ayant le droit de clore son héritage en application de l'article 647 du Code Civil, l'installation par les époux Y... d'un portail de dix mètres de large sur l'assiette de la servitude n'a aucun caractère anormal et ne peut être considérée comme rendant plus difficile l'exercice de la servitude, leur seule obligation étant de fournir à Madame X... une clé de ce portail et un dispositif de télécommande à distance, qu'il en est de même du portillon protégeant l'accès à la rivière et dont ils doivent également lui remettre la clef ; qu'ainsi que l'a pertinemment considéré le premier juge, Madame X... n'a aucun droit ni qualité à demander la pose de bornes sur le terrain des défendeurs pour matérialiser l'assiette de la servitude ; qu'enfin c'est à bon droit qu'il a autorisé Madame X... à enlever les autres végétaux encombrant le passage, sauf à laisser en place le système racinaire de ceux qui bordent la rivière afin de préserver la stabilité du talus ; que le jugement sera donc confirmé de ces différents chefs ; qu'en revanche il résulte du rapport de l'agent surveillant de la voie publique de la commune de CLARET et des photographies produites que le 19 avril 2006, Madame X... s'est livrée à une voie de fait en procédant à un tronçonnage des branches du chêne ; que la mutilation infligée à cet arbre centenaire au mépris de leur droit de propriété et portant fortement atteinte à son esthétique a causé aux époux Y... un préjudice qui doit être fixé à la somme de 800 € ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE par acte notarié du 1er décembre 1967, une servitude de passage grevant la parcelle C 130 lieudit les Cadenedes à CLARET a été constituée au profit de la parcelle voisine C 131, cette servitude de passage se faisant ainsi que stipulé, à pied et avec tous véhicules sur une bande de terrain d'une largeur de 10 mètres partant du chemin de service jusqu'à la rivière Gourniès ; qu'il est encore expressément stipulé que l'entretien de la parcelle, à usage de chemin, incombe exclusivement au propriétaire de la parcelle 131 ; que la parcelle 131 est devenue pour partie parcelle n° 673, propriété de Madame Z... épouse X..., tandis que la parcelle n° 130 est devenue parcelle C 781, propriété des époux Y... ; qu'à l'occasion de ces deux mutations de propriété, la servitude du 1er décembre 1967 a été rappelée et laissée inchangée ; que l'assiette de la servitude reste actuellement la propriété des époux Y... ; que Madame X... n'a ni droit, ni qualité, à demander la pose de bornes sur ce qui reste le terrain des défendeurs ; que la servitude instaurée par l'acte du 1er décembre 1967 ne mentionne nullement la présence d'arbres sur son assiette d'exercice ; qu'il apparaît toutefois sur les photos versées aux débats que le gros chêne, numéroté 1 et bordé par un monticule de terre, a une existence centenaire ; qu'il existait donc en 1967 lors de la constitution de la servitude ; que Madame X... reconnaît que le gros amandier existait déjà en 1967 ; que, par contre, l'on ne peut affirmer, à priori, au vu des photographies que les trois autres arbres numérotés 3, 4, 5 existaient en 1967 ; qu'aux termes de l'article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tend à en diminuer l'usage ou à la rendre plus incommode ; que les époux Y... sont donc en droit d'exiger le maintien du grand chêne et du gros amandier existant lors de la constitution de la servitude, et ce, quand bien même ces deux arbres gênent la manoeuvre de certains camions ; que, par contre, même si Madame X... a manqué à son obligation de débroussaillement pourtant mise expressément à la charge du propriétaire de la parcelle 131 devenue 673, elle n'a pas perdu le droit d'effectuer ce débroussaillement encore à présent en coupant les 3 derniers arbres qu'elle a laissé grandir ; que son obligation d'entretien de l'assiette de la servitude lui interdit de déposer le tout venant de quelque sorte que ce soit même après abattage des 3 derniers arbres ; que l'élagage du gros chêne n'a rien à voir avec le débroussaillage ordinaire et doit rester le fait des propriétaires les époux Y... et sera interdit à Madame X... ; que les époux Y... ont, aux termes de l'article 647 du code civil, le droit de clore leur propriété ; que, toutefois, ils ne peuvent, à raison de l'article 701 du code civil, rien faire qui diminue l'exercice de la servitude de passage de Madame GOUPIL ; qu'ils sont en droit d'installer, à l'entrée de leur propriété, un portail coulissant qui doit avoir 10 mètres au moins de large sauf à en donner la clé à la demanderesse, qu'ils sont également en droit d'installer un petit portail en bout de servitude pour protéger l'accès à la rivière sauf également à en donner une clé à Madame X... ;
ALORS QUE celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper et que ne saurait être considéré comme un acte dommageable un acte autorisé par une disposition légale, la circonstance qu'il puisse, le cas échéant, être subordonné à une autorisation de justice ne pouvant avoir pour effet, lorsque cette autorisation n'a pas été sollicitée, de lui conférer un caractère dommageable ; que l'élagage des branches du chêne avançant sur la propriété de Madame X... n'a donc pu causer de préjudice aux époux Y... ; qu'en statuant ainsi, la Cour a violé l'article 673 du Code civil.