LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
Attendu que la procédure spéciale prévue par ce texte ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. X... a confié la défense de ses intérêts à M. Y..., avocat au barreau de Paris, dans des instances le concernant ; que les factures d'honoraires afférentes aux diligences effectuées dans ces dossiers ayant été partiellement réglées, M. Y... a saisi le bâtonnier en fixation des honoraires restant dus ;
Attendu que pour fixer à la somme de 23 008, 92 euros le montant des honoraires dus par M. X... à M. Y... et dire qu'en raison du paiement déjà intervenu de cette somme, cette dette d'honoraires due au titre des sept dossiers concernés se trouve éteinte, l'ordonnance retient notamment que, s'agissant du devoir d'information dont l'avocat est débiteur, si M. Y... expose qu'il a été durant trente ans l'avocat des parents de M. X..., que le taux de ses honoraires est raisonnable et parfaitement justifié, cela ne le dispensait pas de son devoir d'information à l'égard de M. X... ; que M. Y... ne démontre ni même ne prétend avoir satisfait à ce devoir d'information ; qu'en l'absence de convention, les honoraires devant notamment être fixés en fonction de la situation de fortune du client, M. Y..., défaillant dans le devoir d'information auquel il était tenu, ne saurait prétendre à un quelconque solde d'honoraires ;
Qu'en statuant ainsi, le premier président a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare M. Y... mal fondé en son moyen tiré de l'irrecevabilité du recours, l'ordonnance rendue le 15 décembre 2009, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils pour M. Y....
Le moyen reproche à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR fixé à la somme de 23. 008, 92 € TTC le montant des honoraires dus par Monsieur X... à Maître Y... et dit qu'en raison du paiement de cette somme de 23. 008, 92 € d'ores et déjà intervenu, la dette d'honoraires de Monsieur X... au titre des sept dossiers concernés se trouve éteinte ;
AUX MOTIFS QUE « au soutien de sa contestation, Monsieur Thierry X... qui entend voir juger qu'il n'est plus redevable d'aucune somme et que Maître Y... doit se satisfaire des sommes qu'il a d'ores et déjà perçues de sa mère (décédée en octobre 2007) du fait qu'il ne disposait d'aucunes ressources personnelles et se trouvait à la charge de cette dernière – somme dont il évalue le montant total à plus de 70. 000 euros – se prévaut d'abord du fait que Maître Y..., auquel il a fait appel car il était l'avocat de sa mère, s'est abstenu de l'informer qu'il pouvait bénéficier de l'aide juridictionnelle alors que ses avis d'imposition de 2005 à 2007 démontrent qu'il était sans ressources ; qu'il fait, en outre, grief à l'avocat de ne pas davantage l'avoir informé sur le taux horaire d'honoraires que lui-même ou son collaborateur, Maître A..., entendait pratiquer ; que, reprenant de manière circonstanciée chacun des sept dossiers au titre duquel il est réclamé un solde d'honoraires, il critique les diligences facturées par l'avocat, invoquant cumulativement le fait que les dossiers étaient suivis par des collaborateurs sans cesse différents, sans un suivi régulier, ce qui le conduisait à devoir assurer seul sa défense pénale, que les taux d'honoraires facturés se révèlent variables, que des travaux juridiques, administratifs et de secrétariat sont facturés sans distinction, que lui sont facturés de nombreuses notes internes au cabinet dues à la pluralité de collaborateurs intervenant alors qu'il n'est pas responsable de l'organisation dudit cabinet, que, malgré leur utilité, aucune note n'a été adressée au juge d'instruction pour l'informer de sa situation générale et que les quatre factures reçues en novembre 2007 après le décès de sa mère ne correspondent à aucun travail effectué car Maître Y... n'en a effectué aucun pour son compte entre décembre 2006 et novembre 2007, précisant que s'il n'a pas contesté la saisie pratiquée par son avocat entre les mains du notaire chargé de la succession de sa mère, cette abstention ne peut s'analyser en une reconnaissance d'une dette d'honoraires mais résulte de son caractère simplement conservatoire ; que s'agissant du devoir d'information dont se trouve débiteur l'avocat, que si Maître Y... expose qu'il a été durant trente ans l'avocat des parents de Monsieur Thierry X..., que le taux horaire de ses honoraires fixé à 300 euros HT est raisonnable et parfaitement justifié eu égard à la date de sa prestation de serment et précise qu'il a suivi, à plusieurs reprises, des dossiers concernant le seul Thierry X... en étant régulièrement payé par Madame X..., cela ne le dispensait pas de son devoir d'information à l'égard de Monsieur Thierry X..., seul débiteur de ses honoraires dans la mesure où les paiements effectués par feue Madame X... peuvent s'analyser en une exécution d'une obligation naturelle au sens de l'article 1235 du code civil ; que Maître Y..., qui évoque le moyen dans son mémoire (en page 16/ 29) pour n'y répliquer qu'en termes d'information sur l'évolution des dossiers, ne démontre ni même ne prétend avoir satisfait à ce devoir d'information ; qu'il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu'aux termes de l'article 21 alinéa 3 de la décision du Conseil National des Barreaux à caractère normatif n° 2005-003 portant adoption du Règlement intérieur National (RIN) prise en application de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, les avocats français doivent appliquer les dispositions du code de déontologie des avocats européens adopté à Strasbourg le 28 octobre 1998 tel que révisé ; que l'article 21. 3. 7. 2 dudit code dispose : " Lorsque le client est susceptible de bénéficier de l'aide légale, l'avocat est tenu de l'en informer " ; que les documents fiscaux que verse Monsieur Thierry X... aux débats permettent de considérer qu'il est fondé à prétendre qu'il satisfaisait aux critères d'attribution de l'aide juridictionnelle tels qu'ils ressortent de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'en outre, et à supposer même que le recours à l'aide juridictionnelle ait été volontairement écarté ou qu'il n'ait pas prospéré, aux termes de l'article 11. 2 de ce même règlement intérieur des Barreaux, " L'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires " ; qu'ainsi, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le détail des griefs articulés, dossier par dossier, par Monsieur Thierry X... sur les diligences facturées ni de se prononcer sur le montant des sommes réellement perçues de Madame X... à ce jour décédée ou de Monsieur Thierry X..., il convient de considérer que Maître Y... déclare avoir perçu une somme totale de 23. 008, 92 euros, qu'en toute hypothèse et en application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 10 juillet 1991 et celles de l'article 10 du décret du 12 juillet 2005, en l'absence de convention d'honoraires, les honoraires doivent notamment être fixés en fonction de la situation de fortune du client et qu'en conséquence, Maître Y..., défaillant dans le devoir d'information auquel il était tenu et à l'origine d'une perte de chance réelle et certaine, ne saurait prétendre à un quelconque solde d'honoraires ; que la décision déférée sera, par voie de conséquence, infirmée et Maître Y... débouté du surplus de ses prétentions »
ALORS QUE 1°) le premier président de la Cour d'appel qui fixe le montant des honoraires dus à un avocat n'a pas le pouvoir de se prononcer sur une éventuelle responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir d'information ; qu'il ne peut en conséquence diminuer le montant des honoraires dus à l'avocat pour un manquement à une tel devoir, concernerait-il l'information due sur le montant des honoraires ou sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'en disant que « Maître Y..., défaillant dans le devoir d'information auquel il était tenu et à l'origine d'une perte de chance réelle et certaine, ne saurait prétendre à un quelconque solde d'honoraires », le premier président de la Cour d'appel a violé l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991
ALORS QUE 2°) aux termes de l'article 5 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique, « Pour l'application de l'article 4 (du même texte), sont prises en considération les ressources de toute nature dont le demandeur a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition. Il est tenu compte des éléments extérieurs du train de vie. Sont exclues de l'appréciation des ressources les prestations familiales ainsi que certaines prestations sociales à objet spécialisé selon des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat. Il est tenu compte de l'existence de biens, meubles ou immeubles, même non productifs de revenus à l'exclusion de ceux qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour l'intéressé. Il est encore tenu compte, dans l'appréciation des ressources, de celles du conjoint du demandeur à l'aide juridictionnelle, ainsi que de celles des personnes vivant habituellement à son foyer, sauf si la procédure oppose entre eux les conjoints ou les personnes vivant habituellement au même foyer. Il n'en est pas non plus tenu compte s'il existe entre eux, eu égard à l'objet du litige, une divergence d'intérêt rendant nécessaire une appréciation distincte des ressources (…) » ; qu'il ressort du courrier adressé par Monsieur Thierry X... au premier président de la Cour d'appel de PARIS du 13 janvier 2009 (spéc. p. 2) qu'il n'était fait état que des revenus de Monsieur Thierry X... (avis d'imposition de 2005, 2006 et 2007) ; que n'ont été pris en compte ni les ressources de sa mère, dont Monsieur Thierry X... disait être « à charge », ni son propre capital, ni son train de vie ; qu'en disant qu'il y avait perte de chance réelle et sérieuse d'obtenir l'aide juridictionnelle aux motifs « que les documents fiscaux que verse Monsieur Thierry X... aux débats permettent de considérer qu'il est fondé à prétendre qu'il satisfaisait aux critères d'attribution de l'aide juridictionnelle tels qu'ils ressortent de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991 » au vu de ces seuls avis, sans rechercher si Monsieur Thierry X... ne disposait pas d'autres ressources, le premier président de la Cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles 4 et 5 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ensemble l'article 1147 du Code civil et l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991
ALORS QUE 3°) à défaut de convention entre l'avocat et son client, les honoraires sont fixés selon les usages, en fonction de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci, de la situation de fortune du client ; que l'avocat chargé d'un dossier peut demander des honoraires à son client même si ce dossier lui est retiré avant sa conclusion, dans la mesure du travail accompli ; que Maître Y... dans ses conclusions faisait état de l'ensemble de ces éléments, justifiant ainsi les sommes réclamées ; qu'en fixant arbitrairement et globalement à la somme de 23. 008, 92 euros TTC, somme versée par feue Madame X... à Maître Y..., le montant des honoraires pour les sept dossiers dans lesquels Maître Y... a représenté les intérêts de Monsieur Thierry X..., ce au vu uniquement du critère « de la situation de fortune du client » sans s'expliquer en particulier au regard des diligences effectuées par Maître Y... dans chacun des sept dossiers diligentés, le premier président de la Cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 11-2 de la décision du 12 juillet 2007 portant adoption du RIN de la profession d'avocat et de l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
ALORS QUE 4°) en cas de mandat, le débiteur d'une obligation s'exécute auprès du mandataire de son créancier désigné par ce dernier ; qu'il ne peut lui être imputé de ne pas s'être exécuté auprès du mandant ; que le Règlement intérieur National de la profession d'avocat autorise l'avocat à être payé par le mandataire de son client ; qu'il a été constaté en l'espèce que Monsieur Thierry X... s'est toujours comporté, dans ses relations avec son avocat, Maître Y..., comme étant à « la charge de sa mère », toute demande d'honoraires étant adressée à celle-ci – par ailleurs cliente depuis 30 ans de Maître Y... – à la demande et la connaissance de Monsieur Thierry X... qui a ainsi réglé Maître Y... jusqu'à son décès ; qu'il s'en inférait à tout le moins un mandat donné par Monsieur Thierry X... à sa mère pour tout ce qui concernait les litiges dont Maître Y... s'occupait ; que l'information donnée à Madame X..., mandataire de Monsieur Thierry X..., suffisait donc à l'exécution par Maître Y... de ses obligations ; qu'en considérant que l'information donnée à Madame X..., mandataire de Monsieur Thierry X..., ne le dispensait pas de son devoir d'information à l'égard de celui-ci ; « seul débiteur de ses honoraires dans la mesure où les paiements effectués par feue Madame X... peuvent s'analyser en une exécution d'une obligation naturelle au sens de l'article 1235 du code civil », le premier président de la Cour d'appel a violé les articles 1235, 1984 et 1147 du Code civil, l'article 11-3 du règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat, l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991