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19/12/2013 | FRANCE | N°09PA01825

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 19 décembre 2013, 09PA01825


Vu l'arrêt du 31 décembre 2010 par lequel la Cour de céans a sursis à statuer sur les conclusions de la requête sommaire et du mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars 2009 et 11 juin 2009, présentés pour la société d'Expansion du spectacle (SES), la société Euro vidéo international (EVI) et la société Compagnie méditerranéenne cinématographique (COMECI) par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, tendant à l'annulation du jugement n° 0508231/7-2 du 30 janvier 2009 du Tribunal administratif de Paris, en tant que ce dernier a rejeté leur demande tendant à la condamnation du

Centre National de la Cinématographie (CNC) au versement d'une somme de...

Vu l'arrêt du 31 décembre 2010 par lequel la Cour de céans a sursis à statuer sur les conclusions de la requête sommaire et du mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars 2009 et 11 juin 2009, présentés pour la société d'Expansion du spectacle (SES), la société Euro vidéo international (EVI) et la société Compagnie méditerranéenne cinématographique (COMECI) par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, tendant à l'annulation du jugement n° 0508231/7-2 du 30 janvier 2009 du Tribunal administratif de Paris, en tant que ce dernier a rejeté leur demande tendant à la condamnation du Centre National de la Cinématographie (CNC) au versement d'une somme de 7 094 630,75 euros assortie des intérêts de droit à compter du 28 octobre 2003, en réparation du préjudice subi par elles du fait de la décision de regroupement de leurs comptes de soutien financier au profit de la société LECA appartenant au groupeA..., jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit définitivement prononcée sur la question de la propriété des salles de cinématographie dites " du sud ", revendiquée par le groupe Combret dans le litige qui l'oppose au groupeA... ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 décembre 2013, présentée pour le CNC par la SCP Piwnica et Molinié ;

Vu le code civil ;

Vu l'arrêt n°12-12 F-D de la Cour de Cassation du 4 décembre 2012 ;

Vu le décret n° 59-733 du 16 juin 1959 ;

Vu le décret n° 67-356 du 21 avril 1967 ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le décret n°98-750 du 24 août 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Julliard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Macaud, rapporteur public,

- et les observations de Me Léron, avocat de la société d'expansion du spectacle (SES) et autres, et de Me Molinié, avocat du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ;

1. Considérant que le groupe Combret auquel appartiennent les sociétés requérantes, a conclu le 19 octobre 1994 avec M.A..., directeur général du groupe, deux promesses de vente portant sur des salles de cinéma installées dans le nord et dans le sud de la France ; que la cession des salles du nord est intervenue au début de l'année 1995 ; qu'en ce qui concerne les salles dites " du sud ", comprenant des complexes cinématographiques exploités à Alès et Salon de Provence, la promesse de vente prévoyait, sauf opposition du cédant dans un délai de trois ans, que le bénéficiaire pouvait lever l'option de vente entre le 19 septembre et le 19 octobre 1997 ; qu'en 1995, M. A...a sollicité du Centre National de la Cinématographie (CNC) le regroupement des comptes de soutien financier des salles du sud sur une salle dite pilote, " Le palace 1 " à Arras propriété de la société LECA appartenant à son groupe ; que, par décision en date du 11 août 1995, le CNC a autorisé le regroupement sollicité et y a procédé le 16 octobre 1995 ; que les sociétés requérantes ont adressé le 28 octobre 2003 au CNC une réclamation tendant à la réparation du préjudice, évalué à 5 094 630,75 euros, qu'elles estiment avoir subi du fait du détournement illégal d'aides publiques destinées aux salles du sud au profit de la société LECA appartenant à M.A..., qui n'était pas, selon elles, propriétaire desdites salles, l'option prévue par la promesse de vente n'ayant jamais été exercée par aucune des deux parties ; que leur demande indemnitaire a été rejetée par décision du 28 janvier 2004 du CNC ; que, par une requête enregistrée le 13 mai 2005, les sociétés requérantes ont demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision précitée et l'indemnisation de leur préjudice, assortie des intérêts de droit à compter de la date de leur réclamation préalable ; que, par un jugement en date du 30 janvier 2009, le tribunal a annulé la décision du 28 janvier 2004 du CNC et rejeté leur demande indemnitaire ; que les sociétés requérantes relèvent appel de ce jugement, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande ; que, par la voie de l'appel incident, le CNC demande la réformation dudit jugement en tant qu'il a reconnu sa responsabilité ; que par un arrêt du 31 décembre 2010, la Cour de céans a sursis à statuer sur les conclusions de la requête jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit définitivement prononcée sur la question de la propriété des salles de cinématographie dites " du sud ", revendiquée par le groupe Combret dans le litige qui l'oppose au groupeA... ; que, par un arrêt du 3 février 2011, la Cour d'appel de Versailles a annulé les jugements rendus par le Tribunal de commerce de Paris les 25 mai 2000 et 15 octobre 2002 et a débouté la société Groupement cinématographique A...et associés (GCOA) de l'ensemble de ses prétentions au titre de la promesse de vente dite " du sud " ; qu'enfin, par un arrêt du 4 décembre 2012, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Groupement cinématographique A...et associés (GCOA) contre l'arrêt précité du 3 février 2011 de la Cour d'appel de Versailles ;

Sur la fin de non recevoir opposée à la requête par le Centre National de la Cinématographie :

2. Considérant que le CNC conteste l'intérêt à agir des sociétés appelantes au motif qu'elles ne peuvent être regardées comme propriétaires des salles concernées par la décision de regroupement litigieuse, l'autorité judiciaire ayant reconnu la validité du pacte de cession des salles cinématographiques dites " du sud " et la propriété desdites salles par le groupeA... ; que le CNC soutient également que ni la société EVI, ni la société COMECI n'étant titulaires de comptes individuels au CNC pour les salles concernées par le pacte de cession des salles dites " du sud ", elles ne peuvent prétendre à aucun soutien au titre de ces salles et n'ont aucun intérêt à agir dans le présent litige ;

3. Considérant, toutefois, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'autorité judiciaire s'est définitivement prononcée sur la question de la propriété des salles ayant fait l'objet du regroupement contesté des comptes de soutien financier et a reconnu au groupe Combret la propriété desdites salles ; qu'il est par ailleurs constant que la société d'Expansion du spectacle (SES) était propriétaire des salles Arcades de Lille jusqu'en 1998, des salles des Arcades et du Club de Salon-de-Provence et était en outre actionnaire des sociétés propriétaires des complexes Arcades et Arcade bis d'Alès et des Arcades de Cannes ; que la société EVI est une société holding du groupe Combret et que la société COMECI était propriétaire du cinéma " Les Arcades " à Cannes dont les salles étaient exploitées par la société EVI et dont les droits et avances qu'elles ont générés ont également été regroupés par le CNC ; que par suite, les sociétés appelantes pouvant toutes se prévaloir d'un préjudice résultant du regroupement irrégulier de leurs droits au soutien financier de l'Etat au profit du groupe LECA appartenant à M.A..., elles sont recevables à agir dans la présente instance ;

Sur l'exception de prescription :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public " ; qu'aux termes de l'article 7 de cette loi : " L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond (...) " ;

5. Considérant que le CNC, qui a soulevé en première instance l'exception de prescription de la créance dans un mémoire en duplique enregistré au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2009, est recevable à l'invoquer à nouveau en appel ; que, toutefois, si le CNC soutient qu'à la date de la demande indemnitaire du 28 octobre 2003, la créance était prescrite, il résulte de l'instruction que les appelantes doivent être regardées comme n'ayant eu pleine connaissance des incidences financières de la décision de regroupement des comptes de soutien financier opérée par le CNC, à la suite de nombreuses demandes d'information, que par courrier du 6 juin 2001 du chef du service de l'exploitation du CNC adressé à l'avocat du groupe Combret, la notification au demeurant non établie de la décision du 11 août 1995 au domicile de M.A..., alors dirigeant du groupe Combret, n'ayant pu, contrairement à ce que soutient le CNC, faire courir à leur égard le délai de la prescription quadriennale ; qu'il en résulte en application des dispositions susrappelées, qu'à la date de leur réclamation préalable, la créance dont se prévalent les sociétés appelantes n'était pas prescrite ;

Sur la responsabilité :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en accordant, par la décision du 11 août 1995, le regroupement des soutiens financiers du CNC accordés aux salles de spectacle du groupe Combret à M.A..., en considérant que ce dernier était actionnaire majoritaire des sociétés propriétaires desdites salles, en particulier de celles faisant l'objet d'une promesse de vente du groupe Combret alors que cette vente n'était pas effective à la date de sa décision, le CNC a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que les sociétés appelantes sont par suite fondées à demander l'indemnisation du préjudice direct et certain résultant de cette faute ;

Sur le préjudice :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que ni la société EVI, qui n'a jamais été propriétaire d'un des complexes cinématographiques en cause dans le regroupement litigieux, ni la société COMECI qui, si elle pouvait prétendre au soutien financier du CNC au titre des salles des Arcades de Cannes dont elle était propriétaire n'établit pas qu'elle en aurait été privée, ne justifient d'un préjudice dont elles pourraient solliciter l'indemnisation ; que la société d'Expansion du spectacle (SES), qui était propriétaire des salles Arcades de Lille jusqu'en 1998, ainsi que des salles Arcades de Salon et du Club de Salon, justifie en revanche d'un tel préjudice ; qu'il résulte, enfin, de l'instruction qu'aucune des trois sociétés appelantes ne possède la qualité de propriétaire des complexes cinématographiques Arcades et Arcades bis d'Alès pouvant à ce titre prétendre à la réparation du préjudice résultant du regroupement de leur comptes de soutien ;

8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de la SA Hoche Audit de mai 2009 produit par les sociétés appelantes, confirmant l'évaluation du rapport de synthèse d'expertise comptable du 23 mai 2005 produit par le CNC, qu'au titre de la période 1995-1998 au cours de laquelle la décision illégale de regroupement des soutiens financiers du CNC a produit ses effets, les avances indûment versées au groupe A...au titre des salles de spectacles de Salon de Provence et de Lille ont atteint la somme de 2 355 000 Francs, soit 359 017,43 euros ; qu'au titre de la même période, il résulte du tableau récapitulatif du rapportd'expertise de MmeB..., produit par le CNC, que le montant des droits acquis pour les salles de Salon de Provence était de 1 571 060 Francs et de 512 500 Francs pour celles de Lille, soit un total de 2 083 560 Francs ; qu'il résulte de ce qui précède que la société d'Expansion du spectacle (SES) a droit au versement d'une indemnité de 359 017,43 euros au titre des avances indûment consenties au groupe A...entre 1995 et 1998, ainsi qu'au rétablissement dans ses comptes de soutien des droits acquis au cours de la même période pour un total de 317 636,67 euros ; qu'en revanche, la société d'Expansion du spectacle (SES) ne justifie pas qu'il y ait lieu de rétablir ses droits acquis au-delà de la période pendant laquelle le regroupement litigieux a produit ses effets ;

9. Considérant, d'autre part, que si les sociétés appelantes demandent l'indemnisation du préjudice économique et financier résultant pour elles de l'impossibilité de financer les investissements nécessaires à la rénovation et la modernisation des salles de spectacles de Salon de Provence et d'Alès ou à la liquidation de dossiers de crédit bail immobiliers afférents auxdites salles, elles n'indiquent pas en quoi la décision illégale de regroupement financier interdisait aux sociétés propriétaires desdites salles de présenter des demandes de financements au bénéfice de ces établissements ; qu'elles n'établissent ni n'allèguent que de telles demandes, présentées et acceptées par le passé et en dernier lieu en 1994, auraient été rejetées durant la période du regroupement financier contesté ; qu'elles ne démontrent ni par la production de tableaux d'évolution des recettes de ces salles pour la période 1995-2007, lesquels font apparaître une évolution peu significative au titre de la période 1995-1998 correspondant au regroupement illégal, ni par les constats d'huissier de l'état desdites salles établis le 23 août 2003, ni par les bilans des sociétés propriétaires des fonds ou exploitantes de ces salles et faisant ressortir la faiblesse de leur trésorerie, qu'elles auraient été privées, par la faute du CNC, du bénéfice du système de soutien financier public auquel elles pouvaient prétendre ; qu'ainsi en l'absence de lien de causalité directe entre la décision litigieuse et le préjudice allégué, la responsabilité du CNC ne saurait être engagée ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

10. Considérant que la SES a droit à ce que l'indemnité de 359 017,43 euros qui lui est accordée par le présent arrêt porte intérêts à compter de la date de réception par le CNC de sa demande préalable du 28 octobre 2003 ; qu'elle a demandé la capitalisation des intérêts dans la requête introductive d'appel enregistrée le 30 mars 2009 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ";

12. Considérant qu'il y a lieu de condamner le CNC à verser à la société d'Expansion du spectacle (SES) la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il a lieu, en revanche, de rejeter les conclusions présentées tant par le CNC que par les sociétés EVI et COMECI, sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le CNC versera à la société d'Expansion du spectacle une somme de 359 017,43 euros et rétablira dans ses comptes de soutien un montant de droits acquis de 317 636,67 euros pour la période 1995-1998.

Article 2 : La somme de 359 017,43 euros que le CNC est condamné à verser à la société d'expansion du spectacle portera intérêts au taux légal à compter de la date de réception par le CNC de sa demande préalable du 28 octobre 2003. Ces intérêts seront capitalisés à compter du 30 mars 2009 et à chaque échéance annuelle de cette dernière date.

Article 3 : Le jugement n° 0508231 du 30 janvier 2009 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le CNC versera à la société d'expansion du spectacle une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société d'expansion du spectacle, de la société Euro vidéo international et de la société compagnie méditerranéenne cinématographique, ainsi que les conclusions incidentes du CNC sont rejetées.

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N° 09PA01825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA01825
Date de la décision : 19/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme MACAUD
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN-THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-12-19;09pa01825 ?
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