Vu la requête, enregistrée le 12 août 2009, présentée pour Mme Marie-Noëlle X, demeurant ..., par Me Pontruché, avocat au barreau d'Orléans ; Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 08-2493 du 11 juin 2009 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à ce qu'une nouvelle mesure d'expertise médicale soit ordonnée afin de déterminer l'étendue des préjudices subis par elle du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C dont elle reste atteinte, et n'a que partiellement fait droit à sa demande, présentée à titre subsidiaire, en condamnant l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme de 3 804 euros en réparation desdits préjudices ;
2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'EFS à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice lié à la perte de qualité de vie, une somme de 1 000 euros au titre du pretium doloris et une somme de 336 306,76 euros en réparation du préjudice économique subi ;
4°) de mettre à la charge de l'EFS les dépens et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé ;
Vu les décrets nos 2010-251 et 2010-252 du 11 mars 2010 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 avril 2011 :
- le rapport de M. Hervouet, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;
Considérant que Mme X a, en raison d'une hémorragie de la délivrance survenue après l'accouchement de son troisième enfant, le 13 août 1986, au centre hospitalier de Dreux (Eure-et-Loir), subi, le surlendemain, une transfusion de quatre culots globulaires ; qu'elle a présenté, à compter de l'année 1987, un état asthénique et une élévation du taux de transaminases ; qu'en 1993, des examens ont révélé une contamination par le virus de l'hépatite C ; que Mme X a été régulièrement prise en charge au titre de cette contamination, dont la charge virale est restée stable jusqu'en 2002 ; qu'à la suite de l'apparition de plusieurs signes cliniques tel qu'hypertension, problèmes digestifs, état anxio-dépressif et problèmes articulaires, constatés à partir de l'année 2003, elle a été placée en arrêt de travail, puis, à compter de l'année 2005, en invalidité, et prise en charge à ce titre par la caisse de Mutualité sociale agricole ; qu'à la suite d'une première expertise ordonnée par le tribunal administratif d'Orléans, réalisée par les docteurs Y et Z, Mme X a présenté devant ce tribunal une demande d'indemnisation dont elle s'est désistée en raison de la conclusion d'un protocole transactionnel avec le centre hospitalier de Dreux ; qu'elle a, le 10 novembre 2006, présenté au même tribunal une nouvelle demande d'expertise médicale, en faisant valoir une aggravation de son état de santé ; qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise, l'intéressée a présenté auprès de l'Etablissement français du sang (EFS) une réclamation préalable tendant à l'indemnisation de ses préjudices ; que, postérieurement au rejet implicite de sa réclamation, Mme X a demandé au tribunal, à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise aux fins de déterminer l'étendue exacte des préjudices imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C, et, à titre subsidiaire, de condamner l'EFS à lui verser la somme totale de 367 306,76 euros en réparation desdits préjudices ; qu'elle interjette appel du jugement du 11 juin 2009 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande portant sur l'organisation d'une nouvelle expertise et n'a que partiellement fait droit à ses prétentions indemnitaires ;
Sur les conclusions de Mme X tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise médicale :
Considérant que le rapport d'expertise du docteur A du 17 avril 2007, le rapport d'assistance à expertise médicale rédigé par le docteur B, agissant à la demande du médecin-conseil de la MAIF, chargé d'assister Mme X, et les certificats médicaux émanant du professeur C, chef du service d'hépatologie et de gastro-entérologie aux Hospices civils de Lyon, médecin-traitant de l'intéressée, en date respectivement des 11 août 2005, 31 janvier 2006 et 12 mars 2007, rapports accompagnés de nombreuses références à la littérature médicale utiles à leur compréhension, permettent de répondre à l'ensemble des questions posées par Mme X aux premiers juges ; qu'en particulier, et contrairement à ce qu'avance la requérante, le docteur A, qui n'est pas resté en deçà de la mission qui lui était confiée et n'a pas inexactement apprécié l'étendue des préjudices liés à sa contamination, s'est prononcé de façon suffisamment précise sur l'état de santé actuel de l'intéressée, sur les différents préjudices dont elle reste atteinte et sur leur lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par suite, Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'EFS auquel s'est substitué l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du paragraphe I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale : Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4. / Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite C et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination, notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. (...) ; que cet article institue au profit de ces victimes, une procédure de règlement amiable devant l'ONIAM ; que le paragraphe IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 précitée prévoit que : A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. / Dans le cadre des actions juridictionnelles en cours visant à la réparation de tels préjudices, pour bénéficier de la procédure prévue à l'article L. 1221-14 du même code, le demandeur sollicite de la juridiction saisie un sursis à statuer aux fins d'examen de sa demande par l'office. / Cependant, dans ce cas, par exception au quatrième alinéa de l'article L. 1221-14 du même code, l'échec de la procédure de règlement amiable ne peut donner lieu à une action en justice distincte de celle initialement engagée devant la juridiction compétente ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que leur entrée en vigueur est subordonnée à celle des décrets en Conseil d'Etat prévus par les articles L. 1221-14 et suivants du code de la santé publique ; que le décret susvisé du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant notamment de contaminations par le virus de l'hépatite C, a introduit dans le code de la santé publique une section relative à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang aux articles R. 1221-69 et suivants de ce code ; qu'aux termes de l'article 7 dudit décret : Les dispositions du présent décret relatives à l'indemnisation des préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang sont applicables quelle que soit la date de réalisation de la transfusion ou de l'injection. Elles sont applicables aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ; et qu'aux termes de son article 8 : Les dispositions du présent décret entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de l'arrêté de nomination des membres du conseil d'orientation et au plus tard avant le 1er juillet 2010. ; qu'à la date du présent arrêt, les dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique sont donc entrées en vigueur ; que, par conséquent, l'ONIAM est substitué à l'EFS, pour indemniser, le cas échéant, le préjudice subi par la requérante ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur B que Mme X a été contaminée par le virus de l'hépatite C à l'occasion d'une transfusion pratiquée en raison d'une hémorragie de la délivrance survenue à la suite d'un accouchement en 1986 ; que l'enquête transfusionnelle a permis de mettre en évidence qu'un des donneurs des produits administrés à Mme X était positif au test de dépistage de l'hépatite C et que le génotype du virus de l'hépatite C du donneur de produit sanguin administré à la requérante était identique à celui du virus dont elle est atteinte ; qu'il ne résulte pas, par ailleurs, de l'instruction que la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C puisse être attribuée à une autre cause que la transfusion qu'elle a subie en 1986 ; que, par suite, la requérante, qui apporte un faisceau d'indices suffisant en faveur de l'hypothèse d'une contamination d'origine transfusionnelle, est fondée, ainsi que les premiers juges l'ont justement apprécié, à rechercher la responsabilité de l'EFS auquel s'est substitué l'ONIAM dans les conditions rappelées ci-dessus ;
Sur les préjudices patrimoniaux :
Considérant que la requérante soutient que les différentes pathologies articulaires, digestives et cardiaques dont elle souffre ainsi que son état anxio-dépressif, qui seraient à l'origine de la cessation de son activité, sont liés à sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que toutefois, en l'absence de cryoglobulinémie, sa pathologie articulaire ne peut être rattachée à sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par ailleurs, l'hypertension artérielle dont elle souffrait a cessé avec l'arrêt de son activité professionnelle ; qu'enfin, aucun élément ne permet de confirmer que les problèmes digestifs et anxio-dépressifs de l'intéressée seraient la conséquence de la contamination litigieuse ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de tout lien de causalité direct et certain entre les diverses pathologies dont se plaint l'intéressée et sa contamination par le virus de l'hépatite C, la demande de Mme X ne peut, pour ces chefs de préjudice, qu'être rejetée ;
Sur les préjudices extra patrimoniaux :
Considérant que si Mme X, contaminée par le virus de l'hépatite C, demande l'allocation d'une somme de 30 000 euros au titre des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, il résulte de l'instruction que sa charge virale demeure assez modérée, en l'absence de tout traitement médical, et qu'elle présente une asthénie qui ne l'empêche pas de pratiquer certaines activités de loisirs et associatives ; que le pretium doloris estimé à 1 sur une échelle de 7 peut, quant à lui, être fixé à 1 000 euros ; qu'il s'ensuit que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de ces deux chefs de préjudice en les évaluant à la somme globale de 16 000 euros ; que, compte tenu de l'indemnité versée par le centre hospitalier de Dreux en juillet 1998, le tribunal a pu, en conséquence, limiter à 3 804 euros la somme à laquelle Mme X pouvait prétendre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à ce qu'une nouvelle mesure d'expertise médicale soit ordonnée et a limité la réparation de ses préjudices directement imputables à sa contamination par le virus de l'hépatite C en lui allouant la somme totale de 3 804 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement à Mme X de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Noëlle X, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Etablissement français du sang et à la caisse de Mutualité sociale agricole d'Eure-et-Loir.
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N° 09NT02040 2
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