LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Mohamed,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4e chambre, en date du 29 mai 2009, qui, pour association de malfaiteurs et évasion en bande organisée, l'a condamné à six ans d'emprisonnement, avec maintien en détention, et à cinq ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 132-71, 434-27, 434-30 et 450-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré établi à l'encontre de Mohamed X... le délit de participation à une association de malfaiteurs et l'a condamné à une peine de six ans d'emprisonnement ;
" aux motifs qu'aux termes de ses conclusions réitérées oralement à l'audience, Mohamed X... fait plaider qu'il n'a en aucune façon préparé son évasion, qu'il a simplement profité de l'opportunité de l'arrivée de l'hélicoptère, et qu'en conséquence il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il l'a renvoyé des fins de la poursuite du chef d'association de malfaiteurs ; qu'en outre, il n'a pas eu conscience, en montant dans l'aéronef, que son évasion n'était rendue possible que grâce à l'action d'une bande organisée, et sollicite en conséquence que soit écartée, s'agissant de l'évasion, la circonstance aggravante de bande organisée ; que la cour d'appel relève qu'avec un bel ensemble, chacun des évadés a assuré n'avoir fait que profiter d'une opportunité, c'est-à-dire l'arrivée tout à fait fortuite de l'hélicoptère ; qu'ainsi, Mohamed X... a déclaré qu'il était monté dans l'appareil, une fois celui-ci posé, « par réflexe », ayant aperçu à l'intérieur un individu cagoulé ; que cette version des faits n'est pas crédible ; qu'il ne fait aucun doute que Mohamed X... était l'utilisateur, à l'intérieur de la maison d'arrêt d'Aiton, des puces 06 77... et 06 70... ; qu'il convient en effet de relever : que le 06 77... était acquis sous le faux nom de Y..., au même titre que le 06 77...), avec lequel étaient relevés 947 contacts, et, surtout, que le 06 77...), avec lequel étaient relevés 1082 contacts réciproques du 1er novembre au 3 décembre au soir ; que ce dernier numéro, qui a aussi très occasionnellement appelé le 06 77... (3), a déclenché exclusivement la balise située avenue Lénine, stade Maurice-Thorez, à Fontaine (38), située à proximité immédiate du domicile de Sandrine Z..., compagne de Mohamed X..., demeurant... à Fontaine ; que le même 06 77... a été en contact à 596 reprises, entre le 1er novembre 2005 et le 3 décembre 2005, avec le 06 33... (5) utilisé par Christophe A... alias « Christopher » ; qu'il a appelé 4 fois le 06 32... (2), le 25 novembre 2005, soit le lendemain et surlendemain de trois appels de Christophe A... au SAF pour réserver un vol ; qu'il a même appelé Météo France à trois reprises dans la soirée du 20 novembre 2005, soit trois jours avant cette réservation ; que le 06 70..., qui a très exactement pris le relais du 06 77... dans la soirée du 3 décembre 2005, a été acquis à Fontaine sous le faux nom de D... le matin même, la puce ayant donc été transmise à l'occasion d'un parloir ou d'une projection ce même jour ; que ce numéro a été en contacts réciproques, jusqu'au jour et à l'heure de l'évasion, à 218 reprises, avec le...), soit l'un des six téléphones achetés le 2 décembre 2005 par Wasila H... et remis par elle à Patrick B..., et qui, là encore, n'a déclenché, à l'exception des 4 derniers appels, et avant que le téléphone ne cesse définitivement d'émettre, le 10 décembre 2005, à 15 heures 14, exclusivement la balise située avenue Lénine, stade Maurice-Thorez, à Fontaine (38), située à proximité immédiate du domicile de Sandrine Z..., compagne de Mohamed X... ; que ce numéro a été en contact une quarantaine de fois avec le 06 87...), également acquis le 2 décembre 2005 par Wasila H... et remis par elle à Patrick B... ; que ce numéro a été en contacts réciproques 82 fois dont 22 fois dans les deux heures qui ont précédé l'évasion avec le 06 71... utilisé par Christophe A... ; que la cour d'appel relève une activité téléphonique intense entre ces numéros à partir du 10 décembre 2005 à 13 heures, soit moins de deux heures avant l'évasion ; qu'à cet égard, Patrick C..., chef de détention, a déclaré à l'audience du tribunal que les détenus des sections 3 et 4, auxquelles appartenaient les évadés, avaient su vers 13 heures 30 qu'ils allaient aussitôt en promenade, laquelle avait débuté effectivement à 13 heures 45, et devait prendre fin à 15 heures 30 ; que ce numéro a activé une dernière fois une des deux balises couvrant la maison d'arrêt à 15 heures 10, puis à 4 reprises celle de La Trinité, de 15 heures 10 à 15 heures 14, soit deux appels au 06 71... et deux appels au...), c'est-à-dire à Christophe A... et, de toute évidence, à Sandrine Z..., et enfin, la balise de Montbonnot-Saint-Martin, à 15 heures 25 ; que ces balises correspondent au trajet de l'hélicoptère avant son atterrissage à Champagnier ; qu'il résulte de ces éléments que l'utilisateur, à l'intérieur de la maison d'arrêt d'Aiton, des deux numéros successifs 06 77... et 06 70..., a eu, entre le 1er novembre et le 10 décembre 2005, des contacts plus que fréquents (1300 communications sans compter les SMS) avec l'utilisateur des deux numéros successifs 06 77...) et...), lesquels, en émettant, déclenchaient quasi exclusivement la balise située avenue Lénine, stade Maurice-Thorez, à Fontaine (38), située à proximité immédiate du domicile de Sandrine Z..., compagne de Mohamed X..., demeurant... à Fontaine ; que cet utilisateur est nécessairement l'un des évadés, puisqu'il a téléphoné durant le vol ; que, sur ce point précis, il ne saurait être sérieusement soutenu que le porteur de la puce 06 70... n'était pas dans l'hélicoptère, le trajet entre La Trinité et Montbonnot-Saint-Martin pouvant très bien être effectué en voiture en onze minutes (temps écoulé entre l'appel de 15 heures 14'48''et celui de 15 heures 25'29'') car il faudrait aussi soutenir qu'il aurait pu faire en voiture, en 15 minutes, le trajet entre Aiton (balise déclenchée une dernière fois à 15 heures 10'07'') et Monbonnot-Saint-Martin, alors que seul un aéronef peut prétendre à de telles performances ; que, parmi les trois évadés, ni Hubert E... ni encore moins Jean Claude F..., lequel a eu la relative franchise de reconnaître qu'il lui arrivait, rarement, de téléphoner de l'intérieur de la prison, n'avaient d'attache familiale à Fontaine (38) ou dans l'agglomération grenobloise ; qu'en revanche, Sandrine Z..., compagne de Mohamed X..., y demeurait ; que l'argument selon lequel elle n'avait pas besoin de téléphoner à son compagnon puisqu'elle bénéficiait de plusieurs parloirs par semaine est d'une extrême indigence ; qu'il convient de rappeler que la puce du 06 77... a été achetée dans la matinée du 3 décembre 2005, précisément à Fontaine, sous le faux nom de D..., et qu'elle émettait le soir même à l'intérieur de la maison d'arrêt avant d'arrêter tout fonctionnement quelques minutes après l'évasion ; que l'étonnement manifesté par Sandrine Z... au cours d'une conversation téléphonique captée après les faits était de toute évidence destinée à la police qui pouvait écouter la conversation, alors qu'elle reprenait bien vite ses habitudes de clandestinité, ayant été trouvée porteuse, à l'interpellation de Mohamed X... en Espagne, d'un téléphone portable avec puce d'un opérateur espagnol, ayant donc pris la précaution de laisser le sien à son domicile ; qu'il est encore soutenu que le possesseur des téléphones sus-indiqués à l'intérieur de la maison d'arrêt d'Aiton pouvait être Mickaël G..., qui avait reconnu avoir eu le projet de s'évader avant d'y renoncer ; que toutefois, celui-ci n'a pas non plus d'attaches à Fontaine, sa famille demeurant à Morestel, ville ne faisant pas partie, et de loin, contrairement à ce qui a été soutenu devant la cour, de la banlieue grenobloise ; qu'enfin et surtout, il n'y a jamais eu de contact téléphonique entre, d'une part, les 06 77... et 06 70... émettant successivement de l'intérieur de la maison d'arrêt, et, d'autre part, l'un quelconque des six numéros recensés de la famille G... à Morestel ; qu'en conséquence il résulte de ces éléments précis, convergents et déterminants, que Mohamed X... a participé à l'association de malfaiteurs en vue de préparer l'évasion telle que décrite s'agissant de Christophe A..., ayant été en relations téléphoniques (clandestines) constantes avec ce dernier entre le 1er novembre 2005 jusqu'à l'évasion, y compris pendant celle-ci, mais aussi avec d'autres individus non identifiés, à l'intérieur de la maison d'arrêt d'Aiton ;
" 1°) alors que l'existence de contacts entre, d'une part, les numéros 06 77... et 06 70... utilisés à l'intérieur de la maison d'arrêt et, d'autre part, deux numéros de téléphones portables se trouvant à l'extérieur, et dont il est constaté, qu'en émettant, ils déclenchaient une balise située à proximité du domicile de la compagne de Mohamed X..., ne saurait établir que celui-ci a été l'auteur ou le destinataire des contacts émis ou reçus à partir des numéros 06 77... et 06 70... ; qu'en déduisant de cette hypothèse le fait que Mohamed X... aurait été l'utilisateur des puces 06 77 ... et 06 70... et aurait ainsi participé à une association de malfaiteurs en vue de préparer une évasion, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs hypothétiques n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que constitue une association de malfaiteurs le groupement ou l'entente constitué en vue de la préparation de crimes ou délits, préparation qui doit être caractérisée par des éléments objectifs ; que la cour d'appel qui n'a ainsi relevé à l'encontre de Mohamed X..., lequel avait par ailleurs bénéficié d'un non-lieu du chef de séquestration d'une personne comme otage, que le fait d'avoir eu des contacts téléphoniques la plupart du temps avec des personnes non identifiées, n'a pas en l'état de ces seuls motifs, caractérisé sa participation à un groupement constitué en vue de la préparation d'infractions criminelles ou délictuelles ;
" 3°) alors qu'il s'ensuit, par voie de conséquence, que la circonstance aggravante de bande organisée retenue pour les faits d'évasion qui suppose la réunion d'éléments identiques à ceux caractérisant l'association de malfaiteurs, n'est pas davantage caractérisée en l'espèce où cette circonstance se trouve fondée sur les mêmes faits que ceux retenus du chef d'association de malfaiteurs " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du protocole n° 7 annexé à cette convention, 132-2, 132-71 et 450-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, de la règle non bis in idem, défaut de motif, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mohamed X... coupable d'évasion en bande organisée ainsi que de participation à une association de malfaiteurs et l'a condamné à une peine de six ans d'emprisonnement ;
" aux motifs qu'il résulte de ces éléments précis, convergents et déterminants que Mohamed X... a participé à l'association de malfaiteurs en vue de préparer l'évasion telle que décrite s'agissant de Christophe A..., ayant été en relations téléphoniques (clandestines) constantes avec ce dernier entre le 1er novembre 2005 jusqu'à l'évasion, y compris pendant celle-ci, mais aussi avec d'autres individus non identifiés, à l'intérieur de la maison d'arrêt d'Aiton ; que, par ailleurs, il convient de rappeler que par le seul fait de prendre place dans l'aéronef, dont le pilote était pris en otage par deux individus lourdement armés, Mohamed X... avait nécessairement conscience de ce que son évasion n'était rendue possible que grâce à l'action d'une bande organisée telle qu'il résulte des motifs ci-dessus exposés ;
" alors qu'un même fait ne saurait entraîner une double déclaration de culpabilité et être retenu à la fois comme élément constitutif d'un délit et une circonstance aggravante d'une autre infraction ; qu'en retenant ainsi les appels prétendument reçus et passés de la maison d'arrêt par Mohamed X... tout à la fois comme acte de participation à une association de malfaiteurs et comme caractérisant la circonstance aggravante de bande organisée au sens de l'article 132-71 du code pénal, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'association de malfaiteurs et d'évasion en bande organisée, correspondant en l'espèce à des faits matériels distincts, dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, M. Beauvais conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Guérin, Straehli, Finidori, Monfort conseillers de la chambre, Mme Degorce conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Salvat ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;