LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X..., ès qualités, de sa reprise d'instance ;
Attendu que M. Y..., salarié de la société Olympia représentée par son liquidateur judiciaire depuis le 1er juin 2010, et représentant du personnel, a été licencié pour motif économique par lettre du 25 mars 2006 après autorisation administrative de licenciement, dans le cadre d'un licenciement collectif portant sur la suppression de 150 emplois de l'entreprise ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnités fondées, d'une part, sur la méconnaissance par l'employeur de l'obligation de saisir la commission professionnelle territoriale de l'emploi conformément aux articles 5 et 15 de l'accord interprofessionnel sur l'emploi du 10 février 1969 et, d'autre part, sur la violation des critères d'ordre des licenciements prévus par l'article 54 de la convention collective des industries textiles ; que la société placée en redressement judiciaire en novembre 2009, a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 1er juin 2010, M. X..., désigné mandataire liquidateur, ayant repris l'instance ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le principe de la séparation des pouvoirs ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour méconnaissance de l'obligation de reclassement, l'arrêt retient que si l'autorisation administrative de licenciement prive le juge judiciaire du pouvoir de vérifier le reclassement interne du salarié, il appartient à la cour en revanche d'apprécier le reclassement externe du salarié et que la société n'a pas saisi, comme elle en avait l'obligation, la commission territoriale de l'emploi qui a pour objectif de reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé, et que le reclassement externe n'a pas été examiné par l'inspecteur du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que lorsqu'une autorisation administrative a été accordée, le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l'employeur de son obligation de reclassement légale ou conventionnelle préalable au licenciement et qu'il résultait de ses constatations que tel était le cas de l'obligation conventionnelle de saisir la commission territoriale de l'emploi, prévue par les articles 5 et 15 de l'accord interprofessionnel sur l'emploi du 10 février 1969, en vue du reclassement des salariés dont le licenciement est envisagé, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;
Et sur les deux dernières branches du moyen unique :
Vu l'article 54 de la convention collective des industries textiles ensemble l'article L. 1233-5 du code du travail ;
Attendu que pour condamner la société au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation du préjudice né, outre de la méconnaissance de son obligation de reclassement, de la violation des critères d'ordre des licenciements, la cour d'appel, après avoir relevé que le juge judiciaire est compétent pour apprécier l'application de ces critères, a retenu que l'employeur n'a pas respecté les critères fixés par la convention collective nationale de l'industrie textile, un critère de pondération ayant été ajouté aux trois critères prévus par celle-ci ;
Qu'en statuant ainsi alors que le quatrième critère dit de "pondération" ajouté par l'employeur aux trois critères tirés de l'ancienneté, des charges de famille et des qualités professionnelles prévus par l'article 54 de la convention collective, prenait en compte des situations familiales particulières telles celle des parents isolés, l'âge ou le handicap, critères prévus par l'article L. 1233-5 pour tenir compte dans l'ordre des licenciements de la situation des salariés dont la réinsertion est particulièrement difficile, de sorte que l'employeur avait satisfait à une exigence légale, sans méconnaître les critères conventionnels, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Olympia et M. X..., ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société OLYMPIA n'a pas satisfait à son obligation de reclassement externe et n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciement et d'AVOIR condamné la société OLYMPIA à payer à Monsieur Y... la somme de 58.000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 400 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur Christian Y..., salarié protégé, a été licencié par la SAS OLYMPIA le 25 mars 2006 à la suite de l'autorisation de licenciement obtenue le 8 mars 2006 de l'inspection du travail ; que cette autorisation administrative de licenciement prive le juge judiciaire de pouvoir vérifier le reclassement interne du salarié, motif de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en revanche il appartient à la Cour de : - apprécier le reclassement externe du salarié, - vérifier les critères d'ordre de licenciement ; que la SAS OLYMPIA n'a pas saisi la commission territoriale de l'emploi comme elle en avait l'obligation ; que cette commission avait pour objectif de reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé ; que ce reclassement externe n'a pas été examiné par l'inspection du travail ; qu'il convient de constater que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement externe ; qu'en outre, la SAS OLYMPIA n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciement tels qu'ils avaient été fixés par la convention collective nationale de l'industrie textile (un critère de pondération ayant été ajouté aux trois critères prévus) ; que cette violation doit être relevée par l'autorité judiciaire qui doit réparer le préjudice subi par le salarié illégalement licencié ; que Monsieur Christian Y..., âgé de 55 ans, était employé en qualité de bonnetier et percevait un salaire brut de 1.981,90 euros ; qu'avec une ancienneté de 34 ans et l'absence de perspective de retrouver un travail, Monsieur Christian Y..., qui reçoit les allocations des Assedic, est fondé à réclamer à la SAS OLYMPIA la somme de 58.000 euros en réparation de son préjudice » ;
1. ALORS QU' en l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l'employeur de son obligation de reclassement légale ou conventionnelle ; qu'à supposer que l'Accord National Interprofessionnel ait créé une obligation conventionnelle de reclassement, en imposant à l'employeur de saisir une commission paritaire de l'emploi chargée de rechercher le reclassement du salarié menacé de licenciement à l'extérieur de l'entreprise et du groupe, la cour d'appel ne pouvait, en l'état d'une autorisation administrative de licencier Monsieur Y..., apprécier le respect, par la société OLYMPIA, de cette obligation conventionnelle de reclassement ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III ;
2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' aucune disposition de l'Accord National Interprofessionnel du 10 février 1969 n'impose à l'employeur de saisir la Commission nationale ou territoriale de l'emploi, en cas de licenciement économique, afin d'étendre les recherches de reclassement à l'extérieur de l'entreprise et du groupe ; que, si l'article 5 de cet Accord prévoit que la direction devra informer la Commission paritaire de l'emploi de tout projet de licenciement collectif d'ordre économique portant sur plus de dix salariés, cette information a pour seul objet de « permettre aux Commissions paritaires de l'emploi d'avoir une meilleure connaissance de la situation » de l'emploi ; que l'article 15 de cet Accord prévoit, quant à lui, que « si des licenciements collectifs pour raisons économiques n'ont pu être évités et posent un problème de reclassement, les organisations syndicales d'employeurs et de salariés visées à l'article 14 ou les Commissions paritaires de l'emploi compétentes pourront être saisies », sans créer de véritable obligation à la charge de l'employeur ; que la cour d'appel, qui a affirmé que la société OLYMPIA a méconnu son « obligation de reclassement externe » en s'abstenant de saisir la Commission territoriale de l'emploi, a violé les dispositions de l'Accord National Interprofessionnel précité ;
3. ALORS, A TITRE ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE, QUE l'article 7 de l'Accord National Interprofessionnel du 10 février 1969 précise que l'organisation patronale assumera la charge du secrétariat de la Commission paritaire de l'emploi ; qu'il en résulte que la Commission paritaire de l'emploi peut être saisie par l'envoi d'un courrier à l'organisation patronale qui en assume le secrétariat ; qu'en l'espèce, il était constant que la société OLYMPIA avait adressé un courrier à deux syndicats patronaux du textile leur demandant la mise en oeuvre d'une commission paritaire de l'emploi ; qu'en affirmant néanmoins que la société OLYMPIA n'a pas saisi la commission territoriale de l'emploi, la cour d'appel a violé l'article 7 de l'Accord susvisé ;
4. ALORS, PAR AILLEURS, QUE l'article 54 de la Convention collective de l'industrie textile prévoit que les licenciements collectifs s'opéreront dans chaque catégorie suivant les règles générales prévues en matière de licenciement et conformément au règlement intérieur, compte tenu à la fois des charges de famille, de l'ancienneté de service dans l'établissement et des qualités professionnelles et que cet ordre n'est pas préférentiel ; qu'il en résulte que ces trois critères ne doivent pas nécessairement être pris en compte à égalité par l'employeur ; qu'en l'espèce, la société OLYMPIA exposait qu'elle avait appliqué ces trois critères, en privilégiant celui des charges de famille grâce à un coefficient de pondération ; qu'en application de ce coefficient de pondération, il était accordé un ou plusieurs points supplémentaires aux salariés dont la situation familiale était délicate : parent isolé, conjoint sans activité, enfant ou conjoint handicapé ; qu'en considérant qu'en tenant compte de ce « coefficient de pondération », la société OLYMPIA aurait ajouté un quatrième critère aux critères conventionnels et aurait méconnu ces critères conventionnels, la cour d'appel a violé l'article 54 de la Convention collective précitée ;
5. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE sauf disposition conventionnelle contraire, l'employeur peut tenir compte d'autres critères, en sus des critères prévus par la convention collective, pour déterminer l'ordre des licenciements ; qu'à supposer même que le coefficient de pondération appliqué par la société OLYMPIA constitue un critère distinct des critères conventionnels, en affirmant que la société OLYMPIA a méconnu les critères conventionnels en y ajoutant un quatrième critère, la cour d'appel a violé l'article 54 de la Convention collective de l'industrie textile.