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11/02/2010 | FRANCE | N°09-11342

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 février 2010, 09-11342


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 145, 493 et 875 du code de procédure civile ;

Attendu que les mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'invoquant la méconnaissance par les sociétés

Duran, Duboi et SIS (les sociétés Duran) des obligations découlant de la convention de co...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 145, 493 et 875 du code de procédure civile ;

Attendu que les mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'invoquant la méconnaissance par les sociétés Duran, Duboi et SIS (les sociétés Duran) des obligations découlant de la convention de coopération commerciale qu'elle avait conclue avec celles-ci, la société DDS développement (la société DDS) a obtenu du président d'un tribunal de commerce, statuant sur requête, la désignation d'un huissier de justice, avec pour mission de se rendre aux sièges de ces trois sociétés afin de se faire présenter et prendre copie de l'ensemble des devis et factures établis par celles-ci, pendant une certaine période, conformément à ladite convention ; que les sociétés Duran ont sollicité la rétractation de cette ordonnance ;

Attendu que pour refuser de rétracter l'ordonnance, l'arrêt retient que la procédure d'ordonnance sur requête s'imposait afin de prévenir la disparition des éléments de preuve recherchés ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les sociétés Duran soutenaient que ni la requête présentée par la société DDS ni l'ordonnance ne caractérisaient les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction et qu'il lui appartenait, même d'office, de vérifier si le juge avait été régulièrement saisi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société DDS développement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société DDS développement ; la condamne à payer aux sociétés Duran, Duboi et Société industrielle de sonorisation la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour les sociétés Duran, Duboi et Société industrielle de sonorisation

Premier moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de nullité, pour excès de pouvoir, de l'ordonnance du 9 octobre 2008 en ce qu'elle a, après avoir refusé de rétracter l'ordonnance du 21 juillet 2008, ordonné une communication de pièces sous astreinte ;

AUX MOTIFS QUE « les appelantes invitent en premier lieu la cour à prononcer la nullité pour excès de pouvoir et défaut de motivation de l'ordonnance du 9 octobre 2008 ; qu'elles estiment que le premier juge a omis de tenir compte du fait que la requête signifiée avec l'ordonnance n'était pas signée et a excédé ses pouvoirs en tentant de régulariser cette décision après son exécution ; qu'elles soutiennent qu'il a également commis un excès de pouvoir en transformant une demande unilatérale de constat, en une injonction de communication de pièces sous astreinte ; qu'elles font valoir aussi que les réponses qu'il a apportées à leur argumentation équivalent à un défaut de motivation ; qu'il n'est selon elles pas justifié en l'espèce « d'un droit et d'un intérêt légitime » ; que l'ordonnance datée du 21 juillet 2008, annexée aux procès-verbaux produits aux débats, établis par l'huissier de justice ayant exécuté la mission qui lui était confiée par celle-ci est signée ; que le premier juge, en ordonnant une communication de pièces sous astreinte n'a manifestement pas entrepris, contrairement à ce qui lui est reproché, de procéder à une régularisation, mais qu'il a statué, en envisageant la situation au jour de sa décision, dans les limites de sa saisine initiale et sans modification d'objet, sur la demande par laquelle la société DDS DEVELOPPEMENT réclamait, dans le cadre du débat rendu contradictoire, une production qui à l'évidence s'imposait, eu égard au motif légitime caractérisé, en des motifs pertinents et adoptés, dans la décision déférée, suivant laquelle il a été suffisamment répondu aux prétentions des parties au regard des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile » (arrêt p.2-3) ;

ALORS QUE le recours en rétractation formé contre une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à la vérification d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées et le juge saisi d'un tel recours doit nécessairement statuer dans la limite de l'objet du litige tel que fixé par la requête initiale ; que le juge saisi d'un recours en rétractation contre une ordonnance sur requête faisant droit à une demande de constat d'huissier dans le cadre de l'article 145 du code de procédure civile ne saurait ordonner une autre mesure d'instruction, à savoir la communication sous astreinte de documents, sans commettre un excès de pouvoir ; qu'en rejetant l'exception de nullité de l'ordonnance du 9 octobre 2008 au motif que le premier juge avait statué, en envisageant la situation au jour de sa décision, dans les limites de sa saisine initiale et sans modification d'objet, la cour a violé l'article 497 du code de procédure civile, ensemble les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Deuxième moyen de cassation

Le moyen reproche à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance du 9 octobre 2008 en ce qu'elle a refusé de rétracter l'ordonnance sur requête du 21 juillet 2008 et a ordonné aux sociétés requérantes de communiquer les factures et devis régularisés par elles lors de l'exécution du contrat de coopération commerciale concernant le montage son et le montage image des films sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à compter du cinquième jour suivant la signification de l'ordonnance ;

AUX MOTIFS QUE « les appelantes incriminent, par ailleurs, un défaut de loyauté, qu'elles imputent à l'intimée, à laquelle elles reprochent d'avoir unilatéralement présenté une requête, avant de soutenir devant la cour une argumentation différente ; que cependant, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse ; qu'en l'espèce il est patent que cette forme de jugement s'imposait afin de prévenir une disparition des éléments de preuve recherchés ; que la modification d'argumentation alléguée se rapporte en réalité à des réponses aux prétentions soumises devant la cour, et qu'en tout état de cause il n'est justifié d'aucun manquement de nature à entraîner la réformation de la décision attaquée ; que le moyen doit partant être rejeté ; et que doit l'être également le grief fait à la décision entreprise d'avoir tranché, au moins implicitement, une question fondamentale ressortissant au juge du fond ; qu'en effet, rendue en la forme des référés et constituant certes comme telle un véritable jugement, cette décision n'a toutefois statué que sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile et dans les limites de ce que ce texte autorise ; que les appelantes prétendent en vain qu'elle serait irrégulière en l'absence d'urgence et de péril, car de telles notions sont étrangères à la possibilité, résultant de cet article, d'ordonner toute mesure d'instruction légalement admissible lorsqu'il est notamment justifié, comme en l'espèce, d'un motif légitime de conserver une preuve utile, pouvant se rapporter à un litige potentiel à objet et fondement suffisamment caractérisés ; que dans ces conditions, l'ordonnance déférée doit être confirmée, sans qu'il s'avère nécessaire de modifier les modalités se rapportant à l'astreinte » (arrêt p.3-5) ;

1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE les mesures d'instruction prévues par l'article 145 du code de procédure civile ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; qu'en l'espèce, les exposantes soutenaient dans leurs écritures que tant la requête présentée par DDS Développement que l'ordonnance y faisant droit ne justifiaient pas de circonstances de nature à motiver une dérogation au principe de contradictoire, qu'en outre, le juge saisi d'un recours en rétractation contre cette ordonnance ne pouvait prétendre a posteriori réparer une telle omission de la requête et qu'en tout état de cause, la demande de la société DDS Développement portait sur des contrats signés et exécutés, nécessairement conservés et archivés et que dès lors toute nécessité de ménager un effet de surprise afin d'éviter la disparition d'éléments de preuve était exclue (cf. assignation à jour fixe du 21 octobre 2008 – requête à fin d'être autorisé à assigner à jour fixe du 17 octobre 2008 p.11 et 12) ; qu'en l'état de ces conclusions, la cour, qui aurait dû, au lieu de faire état d'un prétendu risque de disparition de preuves qu'en tout état de cause elle ne caractérisait pas, vérifier si l'ordonnance litigieuse avait caractérisé des circonstances de nature à justifier que la mesure d'instruction sollicitée ne soit pas prise contradictoirement, a privé sa décision de base légale au regard des articles 145, 493 et 875 du code de procédure civile ainsi que l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ ALORS, PAR AILLEURS, QUE dans le cadre de l'article 145 du code de procédure civile, ne peuvent être ordonnées sur requête par le président du tribunal de commerce que les mesures d'instruction présentant un caractère d'urgence et dont les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; qu'en retenant que l'urgence était étrangère à la possibilité d'ordonner une mesure d'instruction dans le cadre de l'article 145 du code de procédure civile, la cour a violé cet article, ensemble l'article 875 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS, EN OUTRE, QUE les mesures d'instruction visées par l'article 145 du code de procédure civile ne peuvent être ordonnées que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige ; que le demandeur doit justifier de l'utilité de la conservation de preuves en vue d'un litige éventuel à objet et fondement suffisamment caractérisés ; qu'en se contentant d'adopter les motifs du premier juge selon lesquels la noncommunication à DDS Développement par les sociétés des données mentionnées à l'article 5 du contrat constituait un motif légitime pour DDS Développement de les obtenir par voie de requête sans caractériser l'existence d'un litige potentiel à objet et fondement suffisamment caractérisés pour la solution duquel la mesure sollicitée aurait été utile, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

4°/ ALORS QUE les mesures d'instruction visées par l'article 145 du code de procédure civile ne peuvent être ordonnées que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige ; que le demandeur doit justifier de l'utilité de la conservation de preuves en vue d'un litige éventuel à objet et fondement suffisamment caractérisés ; qu'en ne répondant pas aux moyens péremptoires des écritures des requérantes qui démontraient l'absence de toute mise en demeure adressée aux requérantes de communiquer les documents visés par l'article 5 du contrat de coopération commerciale, et reprochaient en outre à l'ordonnance d'avoir implicitement retenu à leur charge une rupture abusive de ce contrat, tranchant ainsi une question fondamentale relevant de la compétence exclusive du juge du fond et qui dénonçaient enfin le caractère aberrant de la mesure sollicitée dès lors que la société DDS Développement était sans aucun droit pour réclamer la remise de factures et de devis concernant l'exploitation d'un fonds qui ne lui appartient et qu'elle se refuse à restituer (assignation à jour fixe du 21 octobre 2008 et requête à fin d'être autorisé à assigner à jour fixe du 17 octobre 2008 p.9 et 10), la cour a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ ALORS, ENFIN, QUE les mesures d'instruction visées à l'article 145 du code de procédure civile doivent être légalement admissibles ; que si le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de cette disposition, c'est à la condition que les mesures ordonnées procèdent d'un motif légitime et soient nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées ; qu'en l'espèce, les exposantes faisaient valoir dans leur assignation à jour fixe que les pièces dont la communication était sollicitée présentaient un caractère indéterminé et que constituerait une atteinte excessive au secret des affaires la communication à la société DDS Développement d'informations sur l'ensemble de la clientèle des requérantes, y compris en des domaines étrangers à l'activité de cette société, ayant en outre vocation à être nécessairement transmises, après dissolution de la société DDS Développement à intervenir, à la société Eliote concurrente des requérantes (assignation à jour fixe du 21 octobre 2008 et requête à fin d'être autorisé à assigner à jour fixe du 17 octobre 2008 p.12-14) ; qu'en l'état de ces écritures, la cour d'appel, qui a confirmé l'ordonnance du premier juge sans rechercher si la mesure de communication ordonnée était légalement admissible, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-11342
Date de la décision : 11/02/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION - Sauvegarde de la preuve avant tout procès - Ordonnance sur requête - Ordonnance faisant droit à la requête - Demande de rétractation - Office du juge - Etendue

PROCEDURE CIVILE - Ordonnance sur requête - Ordonnance faisant droit à la requête - Demande de rétractation - Office du juge - Etendue MESURES D'INSTRUCTION - Sauvegarde de la preuve avant tout procès - Ordonnance sur requête - Condition

Les mesures d'instruction prises sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne pouvant être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement, il appartient au juge, saisi d'une demande de rétractation, de vérifier, même d'office, si la requête et l'ordonnance caractérisent de telles circonstances


Références :

article 145 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 décembre 2008

Sur les conditions nécessaires pour ordonner des mesures d'instruction sur requête, à rapprocher : 2e Civ., 30 janvier 2003, pourvoi n° 01-01128, Bull. 2003, II, n° 25 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 11 fév. 2010, pourvoi n°09-11342, Bull. civ. 2010, II, n° 32
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, II, n° 32

Composition du Tribunal
Président : Mme Foulon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Mazard
Rapporteur ?: M. André
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.11342
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