LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, 12 février 2007), rendu en dernier ressort, que la société du Canal de Provence et d'aménagement de la région provençale (société du Canal de Provence) a assigné la société Travaux publics démolition maçonnerie (société TPDM) en paiement du coût des travaux de réparation d'une canalisation qu'elle avait endommagée lors de travaux de terrassement qu'elle avait effectués ;
Attendu que pour la débouter de cette demande, le jugement retient que l'action de la société du Canal de Provence devait être dirigée contre la société Campenon Bernard, entrepreneur principal, dès lors que la société TPDM n'était intervenue qu'en qualité de préposé de cette société ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que la société TPDM, qui avait adressé à la société du Canal de Provence une déclaration d'intention de commencement de travaux, était intervenue sur le chantier en qualité de sous-traitante de la société Campenon Bernard pour réaliser les travaux de terrassement décrits dans la déclaration, et que l'entrepreneur principal n'est pas délictuellement responsable, envers les tiers, des dommages causés par son sous-traitant, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 12 février 2007, entre les parties, par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de commerce de Marseille ;
Condamne la société Travaux publics démolition maçonnerie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Travaux publics démolition maçonnerie à payer à la société Canal de Provence et d'aménagement de la région provençale la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Canal de Provence et d'aménagement de la région provençale ;
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR rejeté les demandes de la Société du canal de Provence à l'encontre de la société TPDM ;
AUX MOTIFS QU'il résulte effectivement des éléments de la cause que le 18 octobre 2005, une canalisation en fonte appartenant à la Société du canal de Provence a été endommagée comme cela résulte d'un constat n° 3105 dressé par un agent assermenté de la Société du canal de Provence ; qu'il ressort toutefois clairement des faits de la cause que ce chantier a été confié à la société Campenon Bernard, la société TPDM n'étant intervenue qu'en qualité de sous-traitante pour exécuter sur ledit chantier des travaux de terrassement généraux et de remblais ; que ces constatations démontrent dès lors suffisamment qu'en l'espèce, il est établi que la société TPDM est intervenue sur le chantier litigieux en qualité de préposé de la société Campenon Bernard et après qu'une déclaration de commencement de travaux relative à ce chantier reçue par la Société du canal de Provence le 12 octobre 2005 ; qu'il est de plus démontré par la société TPDM que le démarrage des travaux a été précédé de plusieurs réunions sur site en présence de l'entrepreneur principal, du maître d'oeuvre, du maître de l'ouvrage et du représentant de la SAUR, responsable de l'unité de filtration d'Eguilles ; qu'il ne peut être sérieusement soutenu par la Société du canal de Provence qu'elle ignorait cette situation ; qu'en revanche, il peut lui être reproché de ne pas avoir assigné l'entrepreneur principal, à savoir la société Campenon Bernard ; qu'ensuite le tribunal note que le document essentiel fourni par la Société du canal de Provence à l'appui de sa demande est intitulé «constat de sinistre» ; qu'il y a lieu de retenir que ce constat n'apparaît pas contradictoire et n'est pas davantage étayé par des renseignements relatifs au lieu du sinistre, au nom du conducteur du tractopelle, au numéro de l'engin et qu'il ne fait même pas état du nom de l'agent qui a pu l'établir ; que certes, la Société du canal de Provence, pour justifier du bien fondé de sa réclamation, excipe d'un courrier daté du 14 octobre 2005 qui ferait état d'obligations qui auraient incombé à société TPDM de procéder à un repérage théorique du tracé des canalisations de la Société du canal de Provence avec un agent technique de cette société et à des sondages afin de connaître la position exacte des canalisations et de leur profondeur ; que, toutefois, force est de constater que la société TPDM affirme ne pas avoir reçu avant le début des travaux, l'information relative au positionnement de la canalisation endommagée ; que la Société du canal de Provence ne démontre pas le contraire ; que le courrier dont elle fait état mentionne un plan également communiqué, donnant la position approximative des conduites dans la zone des travaux, lequel s'avère de toute évidence, parfaitement inexploitable, faute d'être clair ou explicite ; que ce caractère inexploitable du plan est confirmé par le fait que la Société du canal de Provence a reconnu le caractère approximatif de l'information qu'elle a fournie ; qu'encore, la Société du canal de Provence ne démontre pas davantage que la société TPDM ait reçu le courrier dont s'agit avant le commencement de l'exécution des travaux ; que ce qui précède met en évidence que la société TPDM n'est intervenue sur le chantier dont s'agit qu'après qu'une réunion ait été organisée sous l'égide de l'entrepreneur principal, après avoir reçu des instructions et sans qu'elle puisse connaître de l'existence de la canalisation litigieuse dont les tracés d'implantation ont été portés à sa connaissance par la société Campenon Bernard que le 10 janvier 2006, soit le jour même où cette dernière société les avait obtenus de la part de la Société du canal de Provence ;
ALORS, en premier lieu, QUE le sous-traitant est lié à l'entrepreneur principal, non pas par un contrat de travail mais par un contrat de louage d'ouvrage et, en sa qualité d'entrepreneur indépendant, il est responsable des dommages qu'il a causé à des tiers à l'occasion de l'exécution de ce contrat, sans qu'il puisse rechercher la garantie de l'entrepreneur principal ; qu'en reprochant à la Société du canal de Provence de n'avoir pas dirigé son action à l'encontre de la société Campenon Bernard, entrepreneur principal, dès lors que la société TPDM avait la qualité de préposé de cette entreprise, tandis qu'elle avait constaté que cette dernière était intervenue dans le cadre d'un contrat de sous-traitance, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS, en deuxième lieu, QUE le procès-verbal de constat de sinistre dressé et signé par un agent assermenté de la Société du canal de Provence suffisait à établir la réalité du dommage et son imputabilité aux travaux entrepris par la société TPDM dès lors que cette dernière se bornait à en contester le caractère probant et n'apportait aucun élément de preuve contraire ; qu'en remettant en cause, la valeur probante du constat de sinistre établi par un agent assermenté de la Société du canal de Provence du fait de son caractère non contradictoire et de son imprécision, cependant que la société TPDM se bornait à contester la réalité des constatations portées par l'agent, sans offrir aucun élément de preuve contraire, le tribunal a violé les articles 1315 et 1382 du code civil ;
ALORS, en troisième lieu et en toute hypothèse, QU'aux termes du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991, les travaux de terrassement exécutés à proximité d'ouvrages souterrains de distribution d'eau destinée à la consommation humaine, doivent faire l'objet d'une déclaration d'intention de commencement de travaux à l'exploitant dix jours au moins avant la date de début des travaux afin de lui permettre de renseigner l'entrepreneur sur l'emplacement des canalisations ; qu'en déboutant la Société du canal de Provence de ses demandes, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la société TPDM n'avait pas commis une faute de nature à engager sa responsabilité en adressant sa déclaration d'intention de commencement des travaux, le 12 octobre 2005 pour des travaux commençant le 17 octobre suivant, soit moins de dix jours avant l'ouverture du chantier, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 7 du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 et 1382 du code civil ;
ALORS, en quatrième lieu, QU'en réponse au moyen de défense de la société TPDM tiré de ce qu'elle n'avait pas reçu la réponse de la Société du canal de Provence à sa déclaration d'intention de commencement des travaux, celle-ci soutenait qu'il résultait d'une lettre de l'entreprise du 14 décembre 2005 lui reprochant « votre réponse à notre DICT n'est pas suffisamment claire ni explicite pour permettre de situer la canalisation » que, contrairement à ses affirmations, la société TPDM avait bien reçu sa réponse ; qu'en relevant que la Société du canal de Provence ne démontrait pas que la société TPDM ait reçu sa réponse avant le commencement des travaux, sans examiner, ne serait-ce que succinctement, la lettre du 14 décembre 2005 et rechercher s'il n'en résultait pas la preuve que le sous-traitant avait eu connaissance de la lettre avant le commencement des travaux, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, en cinquième lieu, QUE si, en cas de silence gardé par l'exploitant des canalisations pendant plus de neuf jours suivant le dépôt de la déclaration d'intention de commencement des travaux, l'entrepreneur peut entreprendre les travaux, il ne peut le faire que trois jours, jours fériés non compris, après l'envoi d'une lettre de rappel confirmant son intention d'entreprendre les travaux ; qu'en l'espèce, à supposer que la société TPDM n'ait pas reçu la réponse à sa déclaration d'intention de commencement des travaux, elle ne pouvait débuter les travaux de terrassement que douze jours ouvrés après le dépôt de sa déclaration, soit au plus tôt le 24 octobre 2005 ; qu'en ne recherchant pas, comme il lui était demandé, si, par suite, la société TPDM, qui prétendait n'avoir pas reçu de réponse de la Société du canal de Provence, n'avait pas commis une faute en débutant les travaux de terrassement dès le 17 octobre 2005, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 10 du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 et 1382 du code civil ;
ALORS, en sixième lieu, QUE si l'entrepreneur s'estime insuffisamment informé par la réponse faite par l'exploitant à sa déclaration d'intention de commencement de travaux s'agissant de l'emplacement des canalisations, il lui appartient de lui demander des précisions complémentaires lui permettant de prendre toutes les précautions utiles, ce d'autant plus dans l'hypothèse où, dans sa réponse, l'exploitant l'invite à prendre l'attache de ses services pour examiner les éventuelles interférences des travaux avec les conduites ; qu'en opposant à la Société du canal de Provence, pour la débouter de ses demandes, l'approximation du plan adressée à la société TPDM, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la Société du canal de Provence ne l'avait pas invitée à prendre contact avec son adjoint technique d'exploitation pour préciser l'implantation des canalisations par rapport aux travaux à entreprendre, de sorte qu'à défaut d'avoir sollicité la moindre précision supplémentaire et d'avoir pris contact avec les services compétents de la Société du canal de Provence, ainsi qu'elle y avait été invitée, la société TPDM ne pouvait se prévaloir de l'approximation de plan, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 7 du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 et 1382 du code civil ;
ALORS, en septième lieu, QUE les obligations résultant du décret du 14 octobre 1991 incombent à l'entreprise qui exécute les travaux, sans que celle-ci soit admise à se retrancher derrière les obligations incombant aux autres participants ; qu'en considérant, pour exonérer la société TPDM de sa responsabilité, que les travaux n'avaient débuté qu'après la tenue d'une réunion de chantier organisée par l'entrepreneur principal au cours de laquelle elle n'a pas été informée de la présence de la conduite, tandis que les éventuelles fautes commises par l'entrepreneur principal ou les autres intervenants ne pouvaient avoir pour effet de l'exonérer de sa responsabilité, le tribunal a violé les articles 7 du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 et 1382 du code civil.