LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé en 1970 par la société Produits chimiques Péchiney et passé au service de la Société chimique de la Courneuve, devenue la société Calcic Spécialités, où il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur, chargé notamment des matières plastiques et caoutchouc, a été licencié le 22 avril 2003 pour motif économique ;
Attendu que pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que la société Calcic Spécialités opérait sur le marché français, ce qui n'autorisait pas à estimer que son secteur d'activité était identique à celui des autres filiales installées dans huit autres pays européens ; que le secteur d'activité de l'entreprise se distingue encore des autres entités exerçant sur le territoire français, les sociétés Calcic Est et Calcic Centre distribuant des produits chimiques de base et Calcic technique des produits techniques ; qu'ainsi, en raison de la spécificité de son activité, les difficultés économiques devaient s'apprécier au niveau de la société Calcic Spécialités et qu'il ne saurait dès lors lui être fait grief de ne pas avoir communiqué les éléments comptables de l'ensemble des entreprises du groupe ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la spécialisation d'une entreprise dans le groupe ou son implantation dans un pays différent de ceux où sont situées les autres sociétés du groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d'activité, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Caldic Spécialités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR dit le licenciement du salarié justifié par un motif économique, et débouté ce dernier de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QUE «sur le motif économique : pour avoir une cause économique, le licenciement pour motif économique doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologies, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activités ; que la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel la société CALDIC SPECIALITES appartient ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement précise les difficultés économiques auxquelles elle se trouve confrontée lui imposant une réorganisation de ses services, avec, pour conséquence, la suppression du poste de directeur de l'intimé ; que pour estimer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, Patrick X... conteste la réalité du motif économique avancé au regard des pièces comptables produites et prétend que les difficultés alléguées avaient un caractère exceptionnel et temporaire ; qu'elles n'affectaient pas le secteur d'activité du groupe auquel appartient la société CALDIC SPECIALITES, pour en conclure que son licenciement ne visait qu'à améliorer les bénéfices de la société ; qu'il convient d'examiner chacun de ces moyens ; sur la réalité des difficultés alléguées : Patrick X... qui les a stigmatisées dans l'exercice de ses fonctions de direction ne saurait venir dans cette procédure en nier la réalité ; qu'il résulte ainsi des nombreuses pièces produites, que la société CALDIC SPECIALITES, qui exerce dans le secteur de la distribution des produits chimiques, a perdu, en fin d'année 2001, l'exclusivité de la commercialisation des produits RHODIA au profit de la société GE PLASTICS qui, après lui avoir laissé miroiter une possibilité d'entente, s'est refusée à contracter ; qu'il en est résulté pour la société CALDIC SPECIALITES une perte conséquente, évaluée par Patrick X... à 24,7 % du chiffre d'affaires, dans son courrier du 4 décembre 2001, précisant encore (pièce n° 11 de l'appelante) que ce marché représentait un volume de 1800 tonnes, 6.475.000 de chiffre d'affaires, 999.000 de marge commerciale ; que cette circonstance contribuant à expliquer les raisons de la diminution des volumes, la vente évoquée dans la lettre de licenciement la société CALDIC SPECIALITES était en droit de l'expliciter dans le cadre de cette procédure ; qu'encore en mars 2002, les mauvais résultats de l'année 2001 étaient portés à la connaissance de Patrick X..., notamment celui du département plastiques dont il avait la charge et qui enregistrait des pertes de 224.729 ; qu'il ne conteste pas l'explication donnée par la lettre de licenciement sur la concurrence, notamment via INTERNET, d'opérateurs ne subissant pas les mêmes contraintes en matière de normes de sécurité et d'environnement ; qu'il ne constatait pas d'amélioration en 2002 ; que cela l'amenait, le 8 mars 2002, à proposer au personnel une année sans augmentation et à constater le 13 mai suivant un surcroît de personnel par rapport au volume des commandes puis à rédiger des business reports précisant : le 4 septembre 2002, que la demande sur le marché des matières plastiques pour le 2ème trimestre était plus faible qu'en 2001 et que des dépôts de bilan sont envisagés dans plusieurs entreprises, signal de marges très serrées ; le 12 novembre 2002, que les mêmes remarques s'imposaient pour le 3ème trimestre, les moulistes manquant de travail et qu'il n'y aurait pas de reprise au 4ème trimestre ; le 3 février 2003, que dans le secteur de l'automobile, les ventes accusaient une baisse de l'ordre de 15 à 20 %, faisant référence à la perte de produits évoqués ci-dessus et au fait que les clients ne souhaitent pas en changer et ajoutant que les prix s'écroulaient ; que ces difficultés se reflètent dans les documents comptables, les résultats d'exploitation accusant un déficit préoccupant avec un chiffre d'affaires en diminution ; qu'il est encore établi que la société a pris les mesures qui s'imposaient, changeant notamment le Directeur général, engageant une politique d'économie et de développement de nouveaux produits sans parvenir cependant à redresser ses comptes ; sur la nature temporaire des difficultés : que les documents comptables ne permettent pas de vérifier la réalité de cette assertion ; que le résultat d'exploitation de l'année 2004 est toujours négatif, le résultat comptable ne pouvant être pris en considération qui retient la distribution des réserves de la filiale CALDIC CENTRE pour un montant de 3.700.000 ; sur l'appréciation des difficultés au niveau du secteur d'activité : que la société CALDIC SPECIALITES est une des trois filiales du groupe hollandais CALDIC INTERNATIONAL BV, un des cinq premiers distributeurs de produits chimiques en Europe, dont le chiffre d'affaires s'élève à 500 millions euros ; que cependant les difficultés économiques n'ont vocation à être appréciées au niveau du groupe que lorsque ses différentes entités ont au moins pour partie, un même secteur d'activité ; qu'en l'espèce, la société CALDIC SPECIALITES opère sur le marché français, ce qui n'autorise pas à estimer que son secteur d'activité est identique à celui des autres filiales installées dans huit autres pays européens ; que les produits chimiques appartiennent, comme le précise le salarié à plusieurs familles dont deux principales, les "spécialités" et les « commodités », la société CALDIC SPECIALITES ne commercialisant que les premiers ; qu'ainsi son secteur d'activité se distingue des autres entités exerçant sur le territoire français, les sociétés CALDIC EST et CALDIC CENTRE distribuant des produits chimiques de base et CALDIC TECHNIQUE des produits techniques ; que c'est ce que rappelait notamment son Directeur Général au cours de la réunion du Comité d'entreprise du 26 mars 2003 incitant chaque société à s'occuper exclusivement de la commercialisation sur son pays et son secteur ; qu'ainsi, en raison de la spécificité de son activité, les difficultés économiques devaient s'apprécier au niveau de la société CALDIC SPECIALITES et qu'il ne saurait dès lors lui être fait grief de ne pas avoir communiqué les éléments comptables de l'ensemble des entreprises du groupe ; qu'il est ainsi établi qu'en procédant à neuf licenciements en avril 2003, la société CALDIC SPECIALITES n'a pas visé à accroître ses bénéfices mais à assurer la pérennité de son activité ; sur l'absence de reclassement : que la société CALDIC SPECIALITES démontre avoir recherché, dans toutes les filiales du groupe, une possibilité de reclassement pour Patrick X... et qu'un seul poste correspondant à son niveau hiérarchique était disponible au sein de la société néerlandaise qui n'a pu lui être proposé du fait qu'il ne connaissait pas la langue ; que Patrick X... ne saurait soutenir que sa maîtrise de la langue anglaise était suffisante pour rejoindre ce poste dès lors que s'il correspondait en anglais avec ses homologues de la société mère, les contraintes liées à son poste ne lui permettaient pas de communiquer dans cette langue avec un personnel subalterne qui ne connaît généralement que sa langue maternelle ; qu'il ne saurait davantage prétendre qu'une formation aurait pu être envisagée, la maîtrise d'une langue étrangère ne pouvant être acquise dans un délai lui permettant de combler la vacance d'un poste clé ; que Patrick X... soutient encore que son employeur aurait pu lui proposer les postes de commerciaux plutôt que de recourir à un recrutement externe ; cependant que si une offre de reclassement peut porter sur un poste de qualification et de rémunérations moindres, elle ne saurait concerner des fonctions sans rapport avec sa dernière qualification, lui imposant de se retrouver sous les ordres de ses anciens collègues avec une rémunération de plus de deux fois inférieure à celle qui était la sienne ; que tel étant le cas des deux embauches concomitantes à la procédure de licenciement, l'un étant en outre un CDD dans le département du Nord, Patrick X... ne saurait prétendre que la société CALDIC SPECIALITES n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ; que le jugement déféré sera infirmé de ce chef » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes de l'article L.321-1 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ; que lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques invoquées à l'appui du licenciement doivent être appréciées par les juges du fond au niveau du groupe dans le secteur d'activité auquel appartient l'entreprise ; et qu'ils doivent tenir compte des résultats du secteur d'activité à l'étranger ; que la Cour d'appel a affirmé que le licenciement pour motif économique du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse, après avoir relevé que la société CALDIC SPECIALITES opérait sur le marché français, ce qui n'autorisait pas à estimer que son secteur d'activité était identique à celui des autres filiales installées dans huit autres pays européens, et que son secteur d'activité se distinguait des autres entités exerçant sur le territoire français, de telle sorte que les difficultés économiques devaient être appréciées au seul niveau de la société CALDIC SPECIALITES, et non au niveau du groupe auquel elle appartenait ; qu'en statuant par ce motif erroné, bien qu'il lui appartenait de vérifier, lors même qu'elle constatait que la société CALDIC SPECIALITES appartenait au groupe CALDIC INTERNATIONAL BV, qui disposait de huit filiales en Europe, si les filiales européennes, qui avaient le même secteur d'activité que l'entreprise CALDIC SPECIALITES, connaissaient, ou non, des difficultés économiques, de nature à justifier le licenciement du salarié, la Cour d'appel a violé l'article L.321-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 321-1 du Code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés, et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que cet article prévoit donc expressément que le reclassement du salarié puisse intervenir dans un poste de catégorie inférieure dès lors que l'intéressé en est d'accord ; que méconnaît son obligation de reclassement, l'employeur qui procède à un recrutement extérieur, bien qu'un processus de licenciement soit en cours ; que la Cour d'appel, qui a relevé que la société CALDIC SPECIALITES avait procédé à deux embauches concomitamment au licenciement du salarié, aurait dû déduire de ses propres constatations que l'employeur avait manqué à son devoir de loyauté, et violé son obligation de reclassement, peu important que ces postes, octroyés à d'autres salariés, aient entraîné une modification du contrat de travail de Monsieur X... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article L.321-1 du Code du travail.