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08/02/2007 | FRANCE | N°06NT00171

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 08 février 2007, 06NT00171


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2006, présentée pour la mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (MATMUT), dont le siège est 66 rue de Sotteville à Rouen (76303), par Me Thouroude ; La MATMUT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-327 du 1er décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du département du Morbihan et de la commune de Merlevenez à lui verser une somme de 192 419,23 euros en remboursement, d'une part, des indemnités qu'elle a versées, en premier lieu, aux mem

bres de la famille de Déborah X, décédée le 16 décembre 1997 alors qu'...

Vu la requête, enregistrée le 6 février 2006, présentée pour la mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (MATMUT), dont le siège est 66 rue de Sotteville à Rouen (76303), par Me Thouroude ; La MATMUT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-327 du 1er décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du département du Morbihan et de la commune de Merlevenez à lui verser une somme de 192 419,23 euros en remboursement, d'une part, des indemnités qu'elle a versées, en premier lieu, aux membres de la famille de Déborah X, décédée le 16 décembre 1997 alors qu'elle traversait la route départementale n° 33, en second lieu, à Prescillia Y, blessée à l'occasion des mêmes circonstances, et à sa mère et, d'autre part, des débours versés à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan ;

2°) de condamner solidairement le département du Morbihan et la commune de Merlevenez à lui verser une somme de 181 947,74 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable ;

3°) de condamner solidairement le département du Morbihan et la commune de Merlevenez à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2007 :

- le rapport de M. Geffray, rapporteur ;

- les observations de Me Collet, substituant Me Bois, avocat de la commune de Merlevenez ;

- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le 16 décembre 1997, vers 17 heures, sur la route départementale n° 33 au lieu-dit ... situé sur le territoire de la commune de Merlevenez (Morbihan) un véhicule automobile a heurté deux fillettes qui, après être descendues d'un car de ramassage scolaire, traversaient la route pour rejoindre leurs domiciles respectifs ; que l'une des fillettes, Déborah X, âgée de huit ans, a été tuée sur le coup et l'autre, Prescillia Y, alors âgée de dix ans, a été gravement blessée et hospitalisée en raison, notamment, d'un traumatisme crânien ayant entraîné un coma de quinze jours ; qu'après avoir indemnisé tant la famille de la fillette décédée que l'autre fillette et sa mère, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Morbihan, la mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (MATMUT), assureur du conducteur du véhicule, a recherché devant le juge administratif la responsabilité du département du Morbihan et de la commune de Merlevenez et a demandé la condamnation solidaire de ces collectivités publiques à lui verser une somme de 192 419,23 euros en remboursement des indemnités versées aux familles de deux fillettes et à la CPAM du Morbihan ; que, par jugement du 1er décembre 2005, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que la MATMUT relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Merlevenez en première instance :

Considérant que la commune de Merlevenez soutenait, en première instance, que les conclusions de la MATMUT étaient mal dirigées, au motif que la société de transports des élèves étant titulaire d'une délégation de service public, celle-ci était seule susceptible de voir sa responsabilité engagée, la responsabilité de la commune n'intervenant qu'en cas d'insolvabilité du transporteur ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, que la mutuelle ne recherchait pas la responsabilité de la commune de Merlevenez sur ce fondement mais en raison des fautes commises tant par le département du Morbihan que par ladite commune ;

Sur la responsabilité ;

En ce qui concerne la carence du maire de Merlevenez dans l'exercice de ses pouvoirs de police :

Considérant que l'accident ayant eu lieu en dehors de l'agglomération de Merlevenez, la MATMUT ne saurait reprocher au maire de Merlevenez de ne pas avoir exercé ses pouvoirs de police de la circulation et du fait de cette prétendue carence d'avoir engagé la responsabilité de sa commune ;

En ce qui concerne la faute commise dans l'organisation et le fonctionnement du transport scolaire :

Considérant que l'autorité de la chose jugée ne s'attache pour ce qui concerne les juridictions pénales qu'aux constatations des faits contenues dans leurs décisions et qui sont le support nécessaire du dispositif des jugements répressifs ; que pour condamner le conducteur du véhicule qui a renversé les deux fillettes à cinq mois d'emprisonnement avec sursis, le Tribunal correctionnel de Lorient s'est fondé, dans son jugement du 1er février 1999, sur les fautes qu'il avait commises en n'adaptant pas sa vitesse à l'état de la chaussée, aux difficultés de la circulation ou aux obstacles prévisibles, et en conduisant par maladresse, inattention, imprudence et négligence ; que ces motifs, relatifs à la qualification juridique des faits, ne lient pas le juge administratif dans son appréciation des responsabilités encourues à l'occasion de l'accident susmentionné ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le car de ramassage scolaire est arrivé le 16 décembre 1997 à l'arrêt du lieu-dit ... avec cinq minutes d'avance par rapport à l'horaire prévu de sorte qu'aucun parent d'élève n'était présent pour attendre les enfants descendant à cet arrêt ; que quatre enfants sont descendus du car avec l'aide de la conductrice qui s'est bornée à leur indiquer qu'il fallait attendre le départ du car pour traverser la route ; que si aucune stipulation de la convention relative à l'exécution du transport public en cause ou aucune disposition du cahier des charges générales relatif aux transports scolaires dans le département du Morbihan ne prévoit l'obligation de respecter les horaires prévus en cas d'arrivée prématurée, la circonstance que les enfants aient traversé la route sans avoir été accompagnés révèle que les dispositions nécessaires pour assurer la surveillance et leur sécurité n'avaient pas été prises ; que ces carences engagent la responsabilité du département du Morbihan, organisateur principal du service public de ramassage scolaire, et celle de la commune de Merlevenez, organisateur secondaire du transport en cause, en vertu de la convention conclue le 9 août 1995 entre ces deux collectivités territoriales ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que l'accident est également imputable au conducteur du véhicule automobile qui, après avoir vu les enfants s'engager sur la chaussée jusqu'à l'axe médian de celle-ci, n'a pas adapté sa conduite, ni freiné pour les laisser traverser la seconde partie de la chaussée et pour assurer leur sécurité ; qu'il connaissait ce trajet qu'il empruntait deux ou trois fois par semaine ; qu'ainsi, il a fait preuve d'une maîtrise insuffisante de son véhicule et d'imprudence de nature à exonérer pour moitié le département du Morbihan et la commune de Merlevenez de leurs propres responsabilités ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation des éléments de l'espèce, en laissant à la charge de l'assureur de l'automobiliste, la MATMUT, la moitié des conséquences dommageables de l'accident de la route survenu le 16 décembre 1997 ;

Sur le préjudice :

Considérant que la MATMUT a versé le 23 octobre 1998 une somme de 110 000 F (16 769,39 euros) à chacun des parents de l'enfant décédé, Deborah X, et une somme de 15 000 F (2 286,73 euros) à chacun des grands-parents paternels et maternels, soit un total de 42 685,72 euros ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction que les quatre soeurs de la victime aient perçu une indemnité de la part de la mutuelle et que celle-ci ne justifie pas avoir payé ou remboursé les frais d'obsèques évalués à 2 494,22 euros ;

Considérant que la MATMUT a versé à la mère de Prescillia Y une somme de 12 958,19 euros ; qu'elle a indemnisé l'enfant en lui versant le 17 septembre 1998 une somme de 50 000 F (7 622,45 euros) en application d'une transaction conclue le 7 juillet 1998, soit une somme totale de 20 580,64 euros ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la MATMUT a payé les débours de la CPAM du Morbihan, soit une somme de 1 271,42 euros au titre de Deborah X et une somme de 88 962,39 euros au titre de Prescillia Y ;

Considérant que compte tenu de ce qui précède, le montant total des indemnités versées s'élève à 153 500,17 euros ;

Considérant que compte tenu du partage de responsabilités entre le département, la commune et le conducteur du véhicule, la MATMUT a droit au versement d'une somme de 76 750,08 euros en remboursement des indemnités qu'elle a versées du fait de l'accident de la route ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dans la limite de la somme de 76 750,08 euros, la MATMUT est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du département du Morbihan et de la commune de Merlevenez des conséquences dommageables de l'accident survenu le 16 décembre 1997 ;

Sur les intérêts :

Considérant que la MATMUT a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 76 750,08 euros à compter du 4 octobre 2001, date de la réception par le département du Morbihan de sa réclamation préalable ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner la MATMUT à verser au département du Morbihan et à la commune de Merlevenez les sommes que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner solidairement le département du Morbihan et la commune de Merlevenez à payer à la MATMUT la somme de 1 500 euros que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 1er décembre 2005 est annulé.

Article 2 : Le département du Morbihan et la commune de Merlevenez sont solidairement condamnés à verser à la mutuelle assurance des travailleurs mutualistes une somme de 76 750,08 euros (soixante-seize mille sept cent cinquante euros et huit centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2001.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la mutuelle assurance des travailleurs mutualistes et les conclusions du département du Morbihan et de la commune de Merlevenez tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le département du Morbihan et la commune de Merlevenez verseront solidairement à la mutuelle assurance des travailleurs mutualistes une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la mutuelle assurance des travailleurs mutualistes, au département du Morbihan, à la commune de Merlevenez et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

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N° 06NT00171

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06NT00171
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme THOLLIEZ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : THOUROUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-02-08;06nt00171 ?
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