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09/05/2007 | FRANCE | N°06-85021

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 mai 2007, 06-85021


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf mai deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par X... Jean-Jacques, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 17 mai 2006, qui, pour ouverture et exploitation sans autorisation d

'un établissement de santé privé, l'a condamné à 80 000 euros d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf mai deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par X... Jean-Jacques, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 17 mai 2006, qui, pour ouverture et exploitation sans autorisation d'un établissement de santé privé, l'a condamné à 80 000 euros d'amende dont 60 000 euros avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 3 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958, 4 et 121-3 du code pénal, L. 711-1, L. 711-2, L. 712-8 et L. 715-3 du code de la santé publique (L. 6111-1, L. 6111-2, L. 6122-1 et L. 6125-1 du nouveau code de la santé publique), 388 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Jean-Jacques X... coupable du délit d'ouverture et d'exploitation d'un établissement de santé privé sans autorisation, et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs que Jean-Jacques X... conteste que la SARL Centre du Palais soit un établissement de santé ; que, cependant, des brochures publicitaires présentent les méthodes du Centre du Palais en matière de traitement chirurgical de la myopie, de l'hypermétropie, de l'astigmatisme et de la presbytie, et informent sur le traitement chirurgical de la cataracte ; que l'objet statutaire de la société est la gestion d'une unité de diagnostic et de traitement ouverte aux médecins ophtalmologistes et d'autres spécialités ; que le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année 1998 a été de 2 696 997 francs ; que, par ailleurs, l'équipement, notamment celui du bloc opératoire, est conséquent ; qu'il résulte de ces constatations que, par la nature et la technique des actes pratiqués, par le niveau de ses équipements et installations et par le volume de son activité, le Centre du Palais constitue un établissement de santé privé, soumis à ce titre à l'autorisation du ministère chargé de la santé ou de l'agence régionale de l'hospitalisation ; qu'en gérant un établissement de santé privé, Jean-Jacques X... a commis le délit visé à la prévention ;
"alors, d'une part, que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement le contenu de la poursuite exercée contre lui ; que l'infraction prévue à l'article L. 715-3 (L. 6125-1) du code de la santé publique, visant le fait d'ouvrir ou de gérer, sans l'autorisation prévue à l'article L. 712-8 (L. 6122-1) du même code, un établissement de santé défini par les articles L. 711-1 et L. 711-2 (L. 6111-1 et L. 6111-2) comme un établissement assurant les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, ayant pour objet de dispenser, avec ou sans hébergement, des soins de courte durée ou d'affections aiguës, des soins de suite ou de réadaptation, ou des soins de longue durée, n'est pas assez précise, en ce qu'elle ne permet pas de déterminer la frontière entre cabinet médical et établissement de santé, et ne permet pas de savoir quels agissements sont visés ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité sur le fondement de ces textes n'est pas légalement justifiée ;
"alors, d'autre part, et en toute hypothèse, que l'établissement de santé suppose une structure qui assure les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des malades avec ou sans hébergement, de courte ou de longue durée, de suite et de réadaptation ; qu'en se fondant, pour retenir la qualification d'établissement de santé, sur l'objet statutaire de la société Centre du Palais, sans caractériser l'existence effective d'une structure dépassant celle d'un simple cabinet médical, et ayant pour objet les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors, de troisième part, qu'en estimant que le Centre du Palais constitue un établissement de santé par la nature et la technique des actes pratiqués, tout en décidant que les greffes de cornée qui y étaient réalisées ne constituaient pas une infraction, ces actes ne requérant pas une haute technicité et ne nécessitant pas des dispositions particulières dans l'intérêt de la santé publique – critère s'appliquant également aux actes de traitement chirurgical par laser de la myopie, de la presbytie ou de la cataracte -, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors, de quatrième part, qu'en se fondant, pour retenir la qualification d'établissement de santé, sur le caractère "conséquent" de l'équipement, sans constater que l'équipement du Centre du Palais excédait, par son importance, celui d'un cabinet médical bien équipé, la cour d'appel a, à nouveau, violé les textes susvisés ;
"alors, de cinquième part, que ni le volume de l'activité ni l'importance du chiffre d'affaires ne constituent des critères de distinction entre un établissement de santé et un cabinet médical, étant précisé qu'un cabinet médical regroupant plusieurs médecins peut avoir un volume d'activité important ; qu'en qualifiant néanmoins le Centre du Palais d'établissement de santé par le volume de son activité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, de surcroît, que la prévention d'ouverture et d'exploitation d'un établissement de santé ne concerne que l'année 1997 ; qu'en se fondant, pour estimer que la société Centre du Palais était un établissement de santé, sur le volume de son activité et son chiffre d'affaires en 1998, la cour d'appel a excédé sa saisine ;
"alors, enfin, que le délit d'ouverture et d'exploitation d'un établissement de santé privé sans autorisation est une infraction intentionnelle qui suppose un comportement illicite en connaissance de cause de la méconnaissance de la législation applicable ; qu'en se fondant sur la seule qualité de gérant de fait de Jean-Jacques X..., sans caractériser l'élément intentionnel du délit d'ouverture et d'exploitation d'un établissement de santé sans autorisation, c'est-à-dire la conscience d'avoir outrepassé les limites du simple cabinet médical, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'une information a été ouverte à la suite d'un courrier adressé au procureur de la République par un médecin inspecteur départemental de la santé dénonçant l'activité de Jean-Jacques X..., médecin ophtalmologiste, qui pratiquait sans autorisation des greffes de cornée dans une clinique ophtalmologique de Nice ; que les investigations ont établi que ce médecin avait exercé, dans les locaux de la société Centre du Palais, dont il était le dirigeant effectif, avec le concours de deux confrères, un anesthésiste et un spécialiste de la greffe de cornée qui fournissait les greffons ; que Jean-Jacques X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel notamment pour avoir ouvert et exploité, courant 1997, un établissement de santé privé sans autorisation ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de ce délit, prévu et réprimé par l'article L. 715-3, alors applicable, devenu l'article L. 6125-1 du code de la santé publique, l'arrêt relève que l'établissement géré par le prévenu, en raison de la nature et de la technicité des actes qui y étaient pratiqués ainsi que du niveau de ses équipements et installations, constituait un établissement de santé privé et précisément une structure de soins alternative à l'hospitalisation permettant l'exercice de la chirurgie ambulatoire ; que les juges constatent qu'un tel établissement était soumis, lors de sa création, à l'autorisation du ministre chargé de la santé ou de l'agence régionale de l'hospitalisation, conformément aux prescriptions de l'article L. 712-8 du code de la santé publique ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations, d'où il résulte que l'établissement ouvert et géré par le prévenu, qui avait pour objet de dispenser, sans hébergement, des soins de courte durée en chirurgie, répondait à la définition des établissements de santé fournie par les articles L. 711-1 et L. 712-2 devenus les articles L. 6111-1 et L. 6111-2 du code de la santé publique, la cour d'appel, qui a retenu une incrimination exprimée par la loi de manière claire et précise, a caractérisé sans insuffisance l'élément matériel de l'infraction poursuivie ;
Attendu que, par ailleurs, la seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du code pénal ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 711-1, L. 711-2, L. 712-8 et L. 715-3 du code de la santé publique (L. 6111-1, L. 6111-2, L. 6122-1 et L. 6125-1 du nouveau code de la santé publique), 2 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a reçu la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes en la constitution de partie civile, et condamné Jean-Jacques X... à lui payer la somme de 1 550 euros à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que la caisse a fait valoir, en première instance, qu'ayant signalé les faits litigieux au médecin inspecteur de la santé publique, elle est à l'origine de la présente procédure ; qu'elle a fait état de nombreux contrôles de ses services, consécutifs à l'infraction et ayant généré pour elle un préjudice pécuniaire ; que l'évaluation de ce préjudice par les premiers juges est équitable ;
"alors que, selon l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que les frais exposés par la CPAM des Alpes-Maritimes sont des dépenses exposées, conformément à sa mission, à l'occasion de l'infraction, aux fins de signaler celle-ci au médecin inspecteur de la santé publique, mais ne constituent pas un dommage directement causé par l'infraction ; qu'en faisant néanmoins droit à l'action civile de la CPAM des Alpes-Maritimes, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 2 du code de procédure pénale ;
Attendu que la juridiction répressive ne peut prononcer la condamnation du prévenu à des réparations civiles qu'autant que cette condamnation est fondée sur un préjudice résultant directement de l'infraction ;
Attendu que, pour condamner Jean-Jacques X... à payer des dommages-intérêts à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le préjudice allégué ne résulte pas directement de l'infraction, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé :
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué au fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à l'action civile, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 17 mai 2006 ;
DIT n'y avoir lieu à RENVOI ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Delbano conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Mme Radenne conseillers de la chambre, Mme Guihal, M. Chaumont, Mme Lazerges conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-85021
Date de la décision : 09/05/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Recevabilité - Caisse primaire d'assurance maladie - Préjudice direct - Nécessité

La juridiction répressive ne peut prononcer la condamnation du prévenu à des réparations civiles qu'autant que cette condamnation est fondée sur un préjudice résultant directement de l'infraction. Encourt la cassation l'arrêt qui condamne le prévenu à payer des dommages-intérêts à la caisse primaire d'assurance maladie alors que le préjudice allégué ne résulte pas directement de l'infraction


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 mai 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 mai. 2007, pourvoi n°06-85021, Bull. crim. criminel 2007, N° 120
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, N° 120

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Finielz
Rapporteur ?: M. Delbano
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.85021
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