Attendu que M. Nicolas X... a réalisé le film documentaire intitulé " Etre et avoir " qui relate la vie quotidienne d'une école de village de moyenne montagne à classe unique, regroupant autour de l'instituteur, M. Georges Y..., une dizaine d'élèves, de la maternelle au CM2 ; que ce film, co-produit par les sociétés Maia Films, Films d'Ici et Arte France Cinéma, a été présenté au festival de Cannes en mai 2002, puis distribué en salles par les sociétés Les Films du Losange et Mercure distribution, avant d'être diffusé sous forme de vidéocassettes et de DVD par la société Télérama puis sur les chaînes de télévision, par les sociétés France 2 et Canal Plus ; que par actes des 28-29 et 30 janvier 2003, prétendant qu'il était porté atteinte à ses droits d'auteur et d'artiste-interprète, ainsi qu'au droit à son image, à son nom et à sa voix, M. Y... a assigné les susnommés en contrefaçon et en paiement de dommages-intérêts, sollicitant au surplus le prononcé de mesures d'interdiction et de publication ; que le Centre national de documentation pédagogique (CNDP), les syndicats Union syndicale de la production audiovisuelle (UPSA) et l'Association française des producteurs de films et de programmes audiovisuels (AFPF) sont intervenus volontairement à l'instance prétendant que cette action portait atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;
Sur le premier moyen, tel qu'il figure dans le mémoire en demande et est reproduit en annexe :
Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire que la cour d'appel a refusé d'ordonner la communication forcée des épreuves (" rushes ") du film qui était demandée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 29 mars 2006) d'avoir rejeté ses prétentions tendant à se voir reconnaître un droit d'auteur sur son cours, alors, selon le moyen, qu'un cours constitue une œuvre de l'esprit dès lors que par l'expression de la personnalité du professeur qu'il traduit, il revêt une originalité ; que la cour d'appel qui, tout en admettant que la compétence de M. Y..., dans la transmission du savoir, alliée à sa personnalité charismatique, empreinte d'une autorité bienveillante, transparaît dans l'organisation de son enseignement, s'est attachée à l'absence de mise en œuvre d'une méthode pédagogique originale pour refuser d'admettre que le cours constituait une œuvre de l'esprit au sens de l'article L. 122-2-2° du code de la propriété intellectuelle, a ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas et violé ledit texte ;
Mais attendu que, sous couvert du grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation le pouvoir souverain des juges du fond dans l'appréciation de l'originalité d'une oeuvre de l'esprit ; que c'est dans l'exercice de ce pouvoir, que les juges du fond, examinant l'ensemble des éléments des cours de M. Y..., tels que reproduits dans le documentaire, ont estimé que ceux-ci ne présentaient, ni dans leur composition, ni dans leur enchaînement, de caractère original, qu'il en était de même des leçons qui ne révélaient aucun choix inédit d'exercices ou de textes susceptible de donner prise au droit d'auteur ou encore de la transmission de messages et de connaissances, sous forme de dialogues spontanés, entre le maître les élèves et leurs parents ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Y... reproche également à l'arrêt d'avoir rejeté ses prétentions tendant à se voir reconnaître un droit d'auteur sur l'oeuvre audiovisuelle que constitue le documentaire, alors, selon le moyen :
1° / que toute personne qui participe au travail créatif concerté d'une œuvre audiovisuelle a la qualité de coauteur au sens de l'article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle, quelle que soit l'importance de cette participation ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui tout en admettant que M. Y..., personnage central du film en sa qualité d'instituteur dont la classe est filmée pendant 1 heure 45 minutes, était intervenu sur les séquences filmées, lui refuse la qualité de coauteur à raison du caractère limité de ses interventions, a violé le texte précité ;
2° / que la cour d'appel en affirmant que M. Y... ne justifie pas être intervenu dans le montage du film sans répondre aux conclusions de celui-ci qui soutenait que lors du montage son accord avait été sollicité au sujet du maintien d'une scène dans laquelle l'instituteur et un élève évoquaient la maladie du père de ce dernier, ainsi que l'avait reconnu le réalisateur dans ses conclusions d'appel, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3° / que tout auteur du texte parlé qui est incorporé à une œuvre audiovisuelle est présumé coauteur de l'œuvre, peu important que ledit texte n'ait pas préexisté à l'œuvre ; qu'ainsi, la cour d'appel, en refusant à M. Y..., dont la reproduction du cours était le sujet du film, la qualité de coauteur au motif que le cours n'a pas été conçu pour les besoins de l'œuvre, a violé le texte précité ;
Mais attendu qu'après avoir indiqué que le film litigieux relevait du genre documentaire et ne faisait que retracer la réalité, l'arrêt relève que le choix du sujet consistant à relater la vie quotidienne d'une classe unique appartient au seul réalisateur, ainsi qu'il résulte des différentes lettres adressées par ce dernier aux académies concernées, que si l'instituteur disposait du pouvoir d'intervenir sur les séquences filmées en raison de la spécificité du tournage (mission de service public et présence de jeunes enfants), cette intrusion n'a comporté aucune participation à la conception de l'oeuvre dans sa composition : plan du tournage, choix des situations filmées, des images et du cadrage, que M. Y..., qui a lui-même reconnu qu'en découvrant la version achevée du film il avait déploré l'absence de certaines scènes, ne justifie pas davantage être intervenu dans le montage auquel il a assisté, que les leçons qu'il professe et les dialogues avec les élèves qui s'inscrivent dans l'exercice de ses fonctions d'instituteur chargé de mettre en oeuvre les programmes de l'Education nationale, n'ont pas été conçus pour les besoins de l'oeuvre, qu'il en est de même des propos échangés, tant avec les élèves qu'avec leurs parents dans leur quotidien, dont la spontanéité révèle qu'ils ne sont pas le fruit d'une création préexistante ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a déduit de ces constatations et appréciations souveraines que l'instituteur, appréhendé spontanément dans l'exercice de ses activités professionnelles, n'avait pas contribué aux opérations intellectuelles de conception, de tournage et de montage de l'oeuvre ; qu'elle a en conséquence exactement retenu que M. Y... ne pouvait prétendre en être le co-auteur ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur la quatrième moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté ses prétentions tendant à se voir reconnaître un droit d'artiste-interprète alors, selon le moyen, qu'a la qualité d'interprète au sens de l'article L. 212-2 du code de la propriété intellectuelle, celui qui pour les besoins d'une œuvre cinématographique est filmé dans l'exercice stylisé de sa profession et accepte de jouer certaines scènes fictives ; qu'ainsi, la cour d'appel, en refusant de reconnaître la qualité d'interprète à M. Y..., qui a été filmé dans sa classe au cours de l'année scolaire dans de telles conditions, au motif qu'il n'a pas interprété un rôle qui ne serait pas le sien, a violé le texte précité ;
Mais attendu que l'arrêt constate que M. Y... a été filmé, tout au long du documentaire, dans l'exercice de sa profession d'instituteur et que la scène fugace relatant la disparition d'un enfant s'inscrit naturellement dans le quotidien de la classe ; qu'ayant ainsi relevé que l'instituteur apparaissait exclusivement dans la réalité de son activité sans interpréter pour autant, au service de l'oeuvre, un rôle qui ne serait pas le sien, la cour d'appel a décidé à bon droit, que la qualité d'artiste-interprète ne pouvait lui être reconnue, s'agissant d'un simple documentaire excluant comme tel, toute interprétation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que M. Y... fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes fondées sur l'atteinte portée au droit à son image, alors, selon le moyen, que la diffusion de l'image de celui qui a accepté d'être filmé est subordonnée à son accord exprès pour chaque support de diffusion ; que la cour d'appel, en déduisant l'accord de M. Y... à la diffusion de son image pendant le tournage du film " Être et avoir " au cinéma, en DVD et dans les journaux, sur Internet et à la télévision, de sa participation à la promotion de ce film et au festival de Cannes, a violé les articles 9 du code civil et 8-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que M. Y... n'ignorait pas que le documentaire, réalisé par M. Nicolas X... à des fins autres que pédagogiques, était destiné à faire l'objet d'une exploitation commerciale, peu en important la forme, qu'il a accepté, en toute connaissance de cause, de participer activement aux différentes opérations de promotion du film, tant dans sa région qu'au festival de Cannes et donné, à cet effet, diverses interviews ; qu'elle en a déduit que par son comportement l'intéressé avait tacitement mais sans équivoque consenti à la diffusion de son image sous quelque forme que ce soit dès lors que cette diffusion était directement rattachée au film et a ainsi légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille huit.