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05/07/2005 | FRANCE | N°04-13834

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 juillet 2005, 04-13834


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 26 février 2004), que la SCI Gohier d'Arcy (la SCI) a donné en location des locaux commerciaux respectivement à la société Eclat et à la société JPM (les sociétés) ; que, le 7 mai 1999, la SCI a été mise en redressement judiciaire, puis, le 25 juin 1999, en liquidation judiciaire, M. X... étant désigné liquidateur ; que, le 14 octobre 1999, le liq

uidateur a notifié aux sociétés qu'il n'entendait pas poursuivre les baux ; que la soc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 26 février 2004), que la SCI Gohier d'Arcy (la SCI) a donné en location des locaux commerciaux respectivement à la société Eclat et à la société JPM (les sociétés) ; que, le 7 mai 1999, la SCI a été mise en redressement judiciaire, puis, le 25 juin 1999, en liquidation judiciaire, M. X... étant désigné liquidateur ; que, le 14 octobre 1999, le liquidateur a notifié aux sociétés qu'il n'entendait pas poursuivre les baux ; que la société SCE (la SCE) a acquis, le 16 juin 2000, les biens loués aux sociétés ; que ces dernières ont assigné M. X..., ès qualités, aux fins de voir dire nulle et de nul effet la lettre de notification de la non continuation des baux ; que la SCE est intervenue à l'instance et a demandé l'expulsion des sociétés et leur condamnation à payer une indemnité d'occupation ;

Attendu que la SCE fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la notification écrite de M. X..., ès qualités, du 14 octobre 1999 n'avait pas mis fin au bail consenti en faveur des sociétés, d'avoir dit que la société Eclat était demeurée locataire au titre des lieux loués, à charge pour elle de payer les loyers et charges convenus et d'avoir rejeté les demandes d'expulsion et de versement d'indemnités d'occupation formulées par la SCE à l'encontre de la société Eclat, alors, selon le moyen :

1 ) que la décision expresse de l'administrateur ou du liquidateur judiciaire de ne pas poursuivre l'exécution d'un contrat en cours entraîne de plein droit sa résiliation dès la réception par le cocontractant de ce refus, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le mandataire de justice a été préalablement mis en demeure d'exercer l'option que lui réserve l'article L. 621-28 du Code de commerce ou s'est prononcé de manière spontanée ; qu'en jugeant que la décision notifiée par M. X... de ne pas poursuivre le bail conclu entre la SCI et la société Eclat n'avait pu entraîner la résiliation de ce contrat, faute d'avoir été précédée d'une mise en demeure de la part de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article L. 621-28 du Code de commerce ;

2 ) que l'option entre le maintien et la cessation des contrats que l'article L. 621-28 du Code de commerce réservée à l'administrateur ou au liquidateur judiciaire s'applique à tous les contrats en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective sans distinction de nature ; qu'en jugeant que l'exercice de cette option par le liquidateur judiciaire du bailleur ne pouvait faire échec au droit du preneur à bail commercial de se maintenir dans les lieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ;

3 ) que la liquidation judiciaire non assortie d'une autorisation de maintien de l'activité décidée par le juge dans les conditions de l'article L. 622-10 du Code de commerce emporte de plein droit résiliation des contrats en cours ; qu'au cas d'espèce, l'arrêt qui constate que la notification de la résiliation du bail avait été délivrée par M. X... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCI et qui refuse de lui donner effet au motif que cette notification n'aurait pas été conforme à l'article L. 621-28 du Code de commerce, viole l'article L. 621-28 du Code de commerce par fausse application et les articles L. 620-1 et L. 622-10 du même Code par refus d'application ;

4 ) que le contractant d'un débiteur en liquidation judiciaire ne saurait être admis à invoquer la poursuite d'un contrat après avoir acquiescé sa résiliation ; qu'en l'espèce, la SCE soulignait dans ses conclusions que, loin de contester la résiliation du bail commercial, la société Eclat avait favorablement répondu à l'appel d'offre du liquidateur en présentant une offre d'acquisition de l'immeuble, n'avait pas contesté l'ordonnance autorisant sa vente à la SCE et avait concomitamment limité ses demandes en justice contre le bailleur à la réparation des préjudices subis en conséquence de la rupture du bail ; qu'en s'abstenant de rechercher comme elle y était invitée, si la société Eclat n'avait pas par là même acquiescé à la rupture du bail, au point de s'interdire d'en exiger ultérieurement la poursuite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

5 ) qu'en tout état de cause, les principes de bonne foi et de loyauté procédurale interdisent à un contractant d'invoquer, à l'encontre des ayants-cause de son cocontractant originaire, la poursuite d'un contrat après avoir suscité l'apparence qu'il avait acquiescé à sa rupture et déterminé ces ayants-cause à agir à leur détriment ; qu'en s'abstenant de rechercher comme elle y était invitée si, par son comportement, la société Eclat n'avait pas créé l'apparence d'acquiescer à la rupture du bail, au point de déterminer la SCE à se porter acquéreur du terrain pour un prix supposant qu'il fût libre de tout bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil ;

Mais attendu que les contrats en cours ne sont pas résiliés par le simple fait de la liquidation judiciaire ; qu'en l'absence de mise en demeure par le cocontractant, la renonciation du liquidateur à la poursuite du contrat n'entraîne pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative mais confère au seul cocontractant le droit de la faire prononcer en justice ;

Attendu qu'après avoir relevé que les sociétés n'avaient pas mis en demeure le liquidateur, l'arrêt retient que la décision de ce dernier de ne pas poursuivre le contrat en cours n'a pas eu pour effet d'y mettre fin et d'entraîner sa résiliation ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches inopérantes mentionnées aux deux dernières branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société SCE aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société SCE à payer à la société Eclat la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 04-13834
Date de la décision : 05/07/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Effets - Contrats en cours - Renonciation - Portée.

Les contrats en cours ne sont pas résiliés par le simple fait de la liquidation judiciaire. En l'absence de mise en demeure par le cocontractant, la renonciation du liquidateur à la poursuite du contrat n'entraîne pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative mais confère au seul cocontractant le droit de la faire prononcer en justice. Doit être approuvée une cour d'appel qui, après avoir relevé que des locataires n'avaient pas mis en demeure le liquidateur du bailleur, retient que la décision du liquidateur de ne pas poursuivre les baux, qui étaient en cours pour n'avoir pas été résiliés par le simple fait de la liquidation judiciaire, n'avait pas eu pour effet d'y mettre fin et d'entraîner leur résiliation.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 février 2004

Sur les effets de la liquidation judiciaire quant aux contrats en cours, dans le même sens que : Chambre commerciale, 2004-05-19, Bulletin 2004, IV, n° 100, p. 103 (cassation totale) ; Chambre commerciale, 2005-02-15, Bulletin 2005, IV, n° 28, p. 32 (cassation totale).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 jui. 2005, pourvoi n°04-13834, Bull. civ. 2005 IV N° 151 p. 163
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 IV N° 151 p. 163

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Mme Bélaval.
Avocat(s) : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Peignot et Garreau, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.13834
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