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18/04/2024 | FRANCE | N°23MA00472

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 18 avril 2024, 23MA00472


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Les consorts B... ont formé un recours gracieux contre la délibération du conseil municipal de la commune de Guillestre en date du 24 janvier 2020, approuvant son plan local d'urbanisme. Ce recours reçu en mairie le 6 mars 2020 a été rejeté par le maire le 10 avril 2020. Les requérants ont dès lors demandé l'annulation de cette délibération ainsi que de la décision de rejet de leur recours gracieux au tribunal administratif de Marseille.



Par jugement

n° 2004455 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a sursis à statuer sur leur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les consorts B... ont formé un recours gracieux contre la délibération du conseil municipal de la commune de Guillestre en date du 24 janvier 2020, approuvant son plan local d'urbanisme. Ce recours reçu en mairie le 6 mars 2020 a été rejeté par le maire le 10 avril 2020. Les requérants ont dès lors demandé l'annulation de cette délibération ainsi que de la décision de rejet de leur recours gracieux au tribunal administratif de Marseille.

Par jugement n° 2004455 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a sursis à statuer sur leur demande dans l'attente de la justification de la régularisation dans le délai de 4 mois du vice tiré de ce que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme ne comporte pas d'inventaire des capacités de stationnement en méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 février et 30 aout 2023, les consorts B..., représentés par Me Jobelot, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération n° 20200122-04 en date du 24 janvier 2020 par laquelle le Conseil Municipal de la Commune de Guillestre a approuvé son plan local d'urbanisme, ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux tendant au retrait de cette délibération ;

3°) de de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le sursis à statuer ne pouvait être prononcé car d'autres moyens que celui retenu par le jugement avant dire droit étaient fondés ;

- le tribunal n'a pas expressément rejeté les moyens autres que celui qu'il a estimé fondé dans son jugement avant dire droit ;

- le projet de plan local d'urbanisme n'a pas été affiché régulièrement pendant un mois ;

- la procédure d'enquête publique était irrégulière car insuffisante, le public n'y ayant que très peu participé ;

- le rapport de présentation est insuffisant ;

- le règlement du plan local d'urbanisme est entaché d'erreur manifeste d'appréciation relative :au caractère urbanisé du secteur d'emprise de l'unité foncière des appelants qui forme une dent creuse ;

- à l'absence de motif justifiant le classement en zone agricole ;

- au déclassement d'autres parcelles agricoles au détriment de leur parcelle,

- à l'absence de cohérence du parti d'urbanisme,

- à la contradiction avec les autres objectifs du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2023, la commune de Guillestre, représentée par Me Rouanet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de chacun des requérants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Angéniol,

- les conclusions de M. Quenette,

- et les observations de Me Drouet, représentant les consorts B....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 24 janvier 2020, le conseil municipal de la commune de Guillestre a approuvé son plan local d'urbanisme. Les consorts B... ont formé un recours gracieux contre cette délibération, reçu en mairie le 6 mars 2020, qui a été rejeté par le maire le 10 avril 2020. Les intéressés relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 décembre 2022 qui, après avoir écarté le reste des moyens soulevés à l'appui des conclusions à fin d'annulation des requérants, a sursis à statuer sur leur demande tendant à l'annulation de cette délibération ainsi que de la décision de rejet de leur recours gracieux, dans l'attente de la justification de la régularisation dans le délai de 4 mois, du vice tiré de ce que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme ne comporte pas d'inventaire des capacités de stationnement en méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : 1° En cas d'illégalité autre qu'un vice de forme ou de procédure, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité est susceptible d'être régularisée par une procédure de modification prévue à la section 6 du chapitre III du titre IV du livre Ier et à la section 6 du chapitre III du titre V du livre Ier ; 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour (...) les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. / Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".

3. Les requérants soutiennent qu'il ne pouvait être fait usage par les premiers juges du sursis à statuer prévu par les dispositions précitées de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, au motif que l'ensemble des moyens soulevés à l'encontre de la décision attaquée n'ont pas préalablement été examinés. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, si dans leurs écritures les requérant contestaient le classement de leur parcelle en zone agricole en invoquant le fait que des parcelles agricoles avaient été reclassées en zone à urbaniser, il ne s'agissait là, que d'un argument à l'appui du moyen tiré de ce que c'est au prix d'une erreur manifeste d'appréciation que leur parcelle avait été classée en zone agricole par la révision du règlement du plan local d'urbanisme contestée. C'est donc à bon droit, et après avoir examiné l'ensemble des moyens soulevés par les requérants, qu'il a été sursis à statuer sur leur requête.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, le moyen tiré de l'absence de preuve de l'affichage en mairie pendant un mois de la délibération du 1er avril 2019 portant bilan de la concertation et arrêt du projet de plan local d'urbanisme, en méconnaissance des dispositions combinées des articles R. 153-20 et R. 153 21, que les requérants reprennent en appel sans apporter de nouveaux éléments, doit être écarté par adoption des motifs retenus aux points 4 et 5 du jugement attaqué.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-9 du code de l'environnement : " I. - L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête précise par arrêté les informations mentionnées à l'article L. 123-10, quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et après concertation avec le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête. Cet arrêté précise notamment : 1° Concernant l'objet de l'enquête, les caractéristiques principales du projet, plan ou programme ainsi que l'identité de la ou des personnes responsables du projet, plan ou programme ou de l'autorité auprès de laquelle des informations peuvent être demandées ; 2° En cas de pluralité de lieux d'enquête, le siège de l'enquête, où toute correspondance postale relative à l'enquête peut être adressée au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête ; 3° L'adresse du site internet comportant un registre dématérialisé sécurisé auxquelles le public peut transmettre ses observations et propositions pendant la durée de l'enquête. En l'absence de registre dématérialisé, l'arrêté indique l'adresse électronique à laquelle le public peut transmettre ses observations et propositions ; 4° Les lieux, jours et heures où le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête, représentée par un ou plusieurs de ses membres, se tiendra à la disposition du public pour recevoir ses observations ; 5° Le cas échéant, la date et le lieu des réunions d'information et d'échange envisagées ; 6° La durée, le ou les lieux, ainsi que le ou les sites internet où à l'issue de l'enquête, le public pourra consulter le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête ; (...) ". Aux termes de l'article R. 123-10 de ce code : " Les jours et heures, ouvrables ou non, où le public pourra consulter gratuitement l'exemplaire du dossier et présenter ses observations et propositions sont fixés de manière à permettre la participation de la plus grande partie de la population, compte tenu notamment de ses horaires normaux de travail. Ils comprennent au minimum les jours et heures habituels d'ouverture au public de chacun des lieux où est déposé le dossier ; ils peuvent en outre comprendre des heures en soirée ainsi que plusieurs demi-journées prises parmi les samedis, dimanches et jours fériés. / Lorsqu'un registre dématérialisé est mis en place, il est accessible sur internet durant toute la durée de l'enquête. ". Enfin, selon les dispositions de l'article R. 123-13 de ce code dans leur rédaction alors applicable : " I. - Pendant la durée de l'enquête, le public peut consigner ses observations et propositions sur le registre d'enquête, établi sur feuillets non mobiles, coté et paraphé par le commissaire enquêteur ou un membre de la commission d'enquête, tenu à sa disposition dans chaque lieu d'enquête ou sur le registre dématérialisé si celui-ci est mis en place. / En outre, les observations et propositions écrites et orales du public sont également reçues par le commissaire enquêteur ou par un membre de la commission d'enquête, aux lieux, jours et heures qui auront été fixés et annoncés dans les conditions prévues aux articles R. 123-9 à R. 123-11(...) ".

6. Les appelants soutiennent que contrairement à l'analyse qui a été faite de leur moyen par les premiers juges, ils ne soulevaient pas une insuffisance des modalités de concertation mais de déroulement de l'enquête publique qui n'a pas permis la participation du public. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les permanences du commissaire enquêteur, organisées en demi-journée, notamment un samedi, se sont tenues le matin, l'après-midi, mais également en fin de journée de 17 heures à 20 heures. Ces créneaux horaires permettaient ainsi la participation de l'ensemble de la population qui a pu présenter des observations écrites sur un registre mis à sa disposition et auxquelles le commissaire enquêteur a par ailleurs répondu. Dans ces conditions, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les modalités de déroulement de l'enquête publique étaient insuffisantes et auraient méconnu les dispositions précitées.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services./ En zone de montagne, ce diagnostic est établi également au regard des besoins en matière de réhabilitation de l'immobilier de loisir et d'unités touristiques nouvelles. / Il analyse la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'arrêt du projet de plan ou depuis la dernière révision du document d'urbanisme et la capacité de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, en tenant compte des formes urbaines et architecturales. Il expose les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Il justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain compris dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard des objectifs de consommation de l'espace fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale et au regard des dynamiques économiques et démographiques. / Il établit un inventaire des capacités de stationnement de véhicules motorisés, de véhicules hybrides et électriques et de vélos des parcs ouverts au public et des possibilités de mutualisation de ces capacités. ".

8. Les requérants soutiennent de nouveau que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme est incomplet en ce qu'il n'explique pas pourquoi la parcelle leur appartenant doit être classée en zone agricole. Un tel rapport de présentation n'a cependant pas vocation à expliciter à l'échelle d'une seule parcelle, dont la surface est par ailleurs limitée, des choix d'aménagement qui relèvent d'une approche globale. Par ailleurs, s'il est soutenu l'insuffisance dudit rapport de présentation au motif de l'absence de justification du classement en zone agricole de leur parcelle et à contrario du déclassement de parcelles agricoles particulières pour les ouvrir à l'urbanisation, là encore, un tel argument ne remet pas en cause la complétude du rapport en question qui comporte de nombreux items sur la question de la conservation et de la préservation des terres agricoles.

9. Enfin aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ".

10. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait fondée sur des faits matériellement inexacts ou entachée d'une erreur manifeste au regard du parti d'aménagement et de la vocation de la zone retenus.

11. Le classement de parcelles en zone agricole découle d'une appréciation d'ensemble qui ne requiert pas obligatoirement la recherche du caractère agricole des parcelles elle-même. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle AK 17 appartenant aux appelants a été classée, dans le cadre de la révision du règlement du plan local d'urbanisme, en zone Ap, alors qu'elle l'était initialement en zone Ub. Il ressort des pièces du dossier d'une part, que la parcelle en question, qui est à l'état naturel, se trouve certes située en bordure d'une zone urbanisée, mais fait isolément saillie au sein d'une vaste zone agricole, elle-même cultivée. D'autre part, le potentiel agricole de cette parcelle n'est pas utilement contesté et la circonstance que sous l'empire du précédent règlement du plan local d'urbanisme, les appelants se soient vu délivrer un permis de construire, devenu caduc, ou que la parcelle concernée soit reliée aux réseaux, ne remettent pas en cause l'appréciation d'ensemble des auteurs du nouveau règlement du plan local d'urbanisme qui ont ainsi pour les raisons ci avant évoquées pu procéder au classement en zone agricole de la parcelle des appelants sans erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges, à l'exception du vice régularisable tiré de l'absence d'inventaire des capacités de stationnement des véhicules motorisés, de véhicules hybrides et électriques et de vélos, ont rejeté le reste de leurs moyens tendant à l'annulation de la délibération du 24 janvier 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Guillestre a approuvé son plan local d'urbanisme.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Guillestre qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser une quelconque somme aux consorts B.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ces derniers, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Guillestre et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts B... est rejetée.

Article 2 : Les consorts B... verseront à la commune de Guillestre, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants et à la commune de Guillestre.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.

2

N° 23MA00472

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00472
Date de la décision : 18/04/2024

Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Patrice ANGENIOL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : ZURFLUH & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;23ma00472 ?
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