Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2013 du préfet du Val-de-Marne lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à la frontière à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1400029 du 3 octobre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2014, Mme A..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400029 du 3 octobre 2014 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 15 novembre 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle réside depuis 1999 en France auprès de son époux, de leurs enfants et petits-enfants, ainsi que de sa soeur ;
- pour les mêmes motifs, l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est également entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Luben a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante chinoise, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 novembre 2013, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai. Mme A... fait appel du jugement du 3 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. MmeA..., âgée de 56 ans à la date de l'arrêté litigieux, réside en France depuis son entrée en 1999. S'il n'est pas contesté que son époux, entré sur le territoire français la même année, ne dispose d'aucun titre de séjour, ses deux enfants de nationalité chinoise résident régulièrement en France, tout comme ses cinq petits-enfants, dont il est établi qu'elle s'occupe et qui ont vocation à rester en France dès lors qu'ils y sont nés et qu'au surplus ils y sont scolarisés depuis de nombreuses années. En outre, Mme A...établit être hébergée, avec son époux, par son fils, propriétaire d'un appartement de trois pièces dans la région parisienne, aux côtés de l'un de ses petits-enfants. Il ressort ainsi des pièces du dossier que le centre des intérêts familiaux de Mme A...se situe en France, nonobstant la présence de ses parents âgés dans son pays d'origine, qu'elle a quitté quatorze années avant la date de l'arrêté. Par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce et eu égard à la durée de séjour de Mme A...en France et à ses attaches familiales sur le territoire français, l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressée et méconnaît ainsi les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3 et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme A... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400029 du 3 octobre 2014 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 15 novembre 2013 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au préfet du Val-de-Marne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 14PA04480