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29/11/2023 | FRANCE | N°22PA00604

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 29 novembre 2023, 22PA00604


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction, en droits, intérêts de retard et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.



Par un jugement no 2005501 du 14 décembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé partiellement M. A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu e

t des contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2011 à concurrence de la réduction ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction, en droits, intérêts de retard et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement no 2005501 du 14 décembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé partiellement M. A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2011 à concurrence de la réduction des bases d'imposition de la somme de 59 003,77 euros, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales contestées, mises à sa charge au titre de l'année 2012 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 février 2022, 20 juin 2022 et 30 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Cervoni, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2005501 du 14 décembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités et intérêts de retard, restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens au titre des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les sommes de 218 344 euros et de 39 512 euros inscrites en 2011 au crédit du compte courant d'associé qu'il détient au sein de la société Asiatex résultent de cessions de créances, à son profit, détenues par la SCI du Cours de la République et son père, M. B... A..., sur la société Asiatex, société débitrice ;

- dès lors que les formalités mentionnées à l'article 1690 du code civil ont été accomplies et qu'il justifie de la réalité desdites créances, ces cessions de créances sont opposables à l'administration fiscale ;

- les montants inscrits en 2011 au crédit du compte courant d'associé qu'il détient au sein de la société roumaine General Fun et Entertainment correspondent à des avances en compte courant qu'il avait consenties à cette société en vue d'assurer le financement de diverses dépenses courantes ;

- l'administration n'établit pas le caractère délibéré des manquements qui lui sont imputés et ne pouvait, dès lors, lui infliger l'amende prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 7 juin 2022 et 30 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

- les observations de Me Dubois, représentant M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre des années 2011 et 2012, assorties de majorations et intérêts de retard. M. A... fait appel du jugement n° 2005501 du 14 décembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande tendant à la réduction de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu établies au titre de l'année 2011.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. D'une part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. ". Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

3. D'autre part, il résulte des dispositions combinées de l'article 12 et du 3° de l'article 158 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sont celles qui, au cours de ladite année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre de l'année d'imposition.

4. Enfin, aux termes des dispositions de l'article 1690 du code civil, dans leur rédaction applicable aux opérations litigieuses : " Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique ". Dans le cas où ces formalités n'ont pas été accomplies, le contribuable peut cependant démontrer, par tout moyen de preuve, la réalité du transfert de créance.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'au cours des opérations de contrôle, le service vérificateur a constaté que, le 31 décembre 2011, les sommes de 218 343, 84 euros et de 39 512 euros avaient été portées au crédit du compte courant d'associé que M. A... détient au sein de la société Asiatex, dont il est le président. M. A... soutient que ces sommes résultent de la cession, à son profit, des créances que détenaient, sur la société Asiatex, respectivement la SCI du Cours de la République et son père, M. B... A...,

6. D'une part, s'agissant de la somme inscrite au crédit du compte courant d'associé de M. A... pour un montant de 218 343,84 euros, le requérant produit la convention, signée le 31 décembre 2011, par laquelle la SCI du Cours de la République lui a cédé la créance qu'elle détenait sur la SA Asiatex pour un montant identique et qui indique que le débiteur cédé, partie à la convention, donne son accord à cette opération. Cette convention a été signifiée par voie d'huissier le 5 janvier 2012, soit quelques jours seulement après sa signature, à la demande de la société Asiatex et à destination de M. A.... Contrairement à ce que soutient l'administration, la circonstance que cette formalité ait été accomplie postérieurement au 31 décembre 2011 ne fait pas obstacle à ce que cette formalité puisse être regardée comme ayant été régulièrement accomplie au sens des dispositions de l'article 1690 du code civil et comme justifiant de la réalité du transport de créance au 31 décembre 2011, date à laquelle la convention a été signée par les trois parties. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le ministre en défense, la réalité de la créance que la SCI du Cours de la République détenait sur la SA Asiatex est établie par les relevés des comptes bancaires, produits pour la première fois en appel, de chacune des sociétés. En effet ces relevés bancaires retracent les virements réalisés au cours du mois de mai 2011 par la société civile immobilière sur différents comptes bancaires appartenant à la société Asiatex pour un montant global de 244 500 euros. La circonstance que ce montant ne correspond pas exactement au montant de la créance cédée à M. A... n'est pas de nature à établir l'absence de toute cession de créance entre la société civile immobilière et le requérant. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que l'inscription sur son compte courant d'associé de la somme de 218 343,84 euros correspond à une cession de créance effectuée à son profit et que c'est à tort que cette somme a été imposée sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Il y a par suite lieu de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et majoration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant de cette réduction en base de 218 343,84 euros.

7. D'autre part, M. A... se prévaut, s'agissant de la somme de 39 512 euros inscrite au crédit de son compte courant d'associé, d'une convention de cession de créance signée le 31 décembre 2011 par laquelle son père, M. B... A..., a consenti à lui céder la créance du même montant qu'il détenait sur la SA Asiatex et de la signification qui a été faite par voie d'huissier le 5 janvier 2012 au débiteur cédé, la société Asiatex. Toutefois, la réalité de la créance détenue par M. B... A... sur la société Asiatex n'est pas établie par les pièces versées à l'instruction. Ainsi, et malgré la signification par voie d'huissier réalisée le 5 janvier 2012, dans les conditions alors prévues à l'article 1690 du code civil, M. A... ne rapporte pas la preuve de la réalité de la cession de créance dont il se prévaut. En l'absence de preuve contraire, l'administration a pu considérer que la somme portée au crédit du compte courant d'associé du requérant constituait des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2011.

8. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'au cours de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. A... au titre de l'année 2011, le service vérificateur a constaté que les 25 février, 28 mars et 11 avril 2011, les sommes de 6 000 lei, 1 000 lei et 5 000 lei, correspondant à la somme de 2 889,33 euros, ont été portées au crédit du compte courant d'associé détenu par M. A... dans les écritures de la société de droit roumain General Fun et Entertainment, dont il est le directeur depuis 2009. A l'issue de ce contrôle, le service a réintégré ces sommes dans les bases imposables de l'intéressé et les a imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts. Pour démontrer que les sommes créditées sur son compte courant d'associé ne traduisent pas la mise à disposition d'un revenu, M. A... soutient que ces écritures correspondent à des dépôts d'espèces réalisés par ses soins sur le compte " caisse " de la société General Fun et Entertainment pour le financement de diverses dépenses courantes. Le requérant produit à l'appui de ses allégations trois reçus établis par la société Général Fun et Entertainment constatant trois dépôts d'argent en espèces les 25 février, 28 mars et 11 avril 2011 pour des montants identiques à ceux portés au crédit du compte courant d'associé du requérant ainsi que le relevé de son compte courant d'associé retraçant lesdites opérations. Compte tenu de la nature des dépôts réalisés par M. A..., de leurs faibles montants et de la cohérence entre les dates et montants figurant sur les pièces produites par le requérant, les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de l'intéressé doivent être regardées comme constituant la contrepartie d'avances en espèces consenties à la société Général Fun et Entertainment. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que ces sommes ont été imposées sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. Il y a par suite lieu de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et majoration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant de cette réduction en base de 2 889,33 euros.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

10. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, que M. A... est fondé à demander la décharge de la majoration pour manquement délibéré en ce qu'elle se rapporte à la réintégration dans la base d'imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011, des sommes de 218 343,84 euros et 2 889,33 euros.

11. D'autre part, pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré aux impositions supplémentaires résultant des rectifications opérées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration fiscale s'est fondée sur l'importance des revenus non déclarés et la fréquence des versements effectués sur les comptes de M. A... au cours de l'année en litige. Contrairement à ce que soutient le requérant, par son jugement, le Tribunal de Montreuil n'a pas procédé à la décharge de la quasi-totalité des impositions supplémentaires contestées au titre de l'année 2011 et l'avis de la commission départementale des impôts directs ne portait pas sur les revenus de capitaux mobiliers. Dans ces conditions, compte tenu de ce que les sommes restant injustifiées par M. A... s'élèvent à 48 195 euros pour la seule année 2011, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de M. A... de se soustraire à l'impôt. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a assorti les impositions litigieuses établies au titre de l'année 2011 de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales établies au titre de l'année 2011 à raison de la prise en compte, dans la base imposable, des sommes de 218 343,84 euros et 2 889,33 euros et des pénalités et intérêts de retard correspondant et à demander la décharge correspondante.

Sur les dépens :

13. Les dépens étant inexistants dans la présente instance, la demande présentée à ce titre par M. A... ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux assignées à M. A... au titre de l'année 2011 sont réduites des sommes de 218 343,84 euros et de 2 889,33 euros.

Article 2 : M. A... est déchargé, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 correspondant à la réduction des bases d'imposition définies à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 2005501 du 14 décembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Brice Auvray, président de chambre,

- Mme Perrine Hamon, présidente-assesseure

- Mme Nadia Zeudmi Sahraoui, première conseillère

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2023.

La rapporteure,

N. D...Le président,

B. AUVRAY

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00604
Date de la décision : 29/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : WATSON, FARLEY & WILLIAMS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-29;22pa00604 ?
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