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13/12/2024 | FRANCE | N°23NT01709

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 décembre 2024, 23NT01709


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) des Landes a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner les sociétés Egis Eau, venant aux droits de la société Setegue, Sinbio, Sogea Atlantique Epur Nature, Bhd Environnement et les sociétés MMA et MMA IARD à réaliser ou faire réaliser à leurs frais les travaux nécessaires à la mise en conformité de la station d'épuration dont il est maître d'ouvrage par rapport aux prescriptions règlementaire de rejet

de 15 mg/l d'azote, sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter du jugement à interveni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) des Landes a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner les sociétés Egis Eau, venant aux droits de la société Setegue, Sinbio, Sogea Atlantique Epur Nature, Bhd Environnement et les sociétés MMA et MMA IARD à réaliser ou faire réaliser à leurs frais les travaux nécessaires à la mise en conformité de la station d'épuration dont il est maître d'ouvrage par rapport aux prescriptions règlementaire de rejet de 15 mg/l d'azote, sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter du jugement à intervenir et, à défaut pour eux d'y procéder, de les condamner à lui verser la somme de 1 400 000 euros au titre desdits travaux.

Par un jugement n° 2005337 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a condamné in solidum les sociétés Sinbio et Egis Eau à verser la somme de 300 000 euros au SIVU des Landes en réparation de son préjudice et la société Egis Eau à garantir la société Sinbio à hauteur de 50% de ladite condamnation. Il a également condamné in solidum lesdites sociétés à verser la somme de 13 280,27 euros au SIVU des Landes au titre des frais d'expertise, mis à leur charge la somme de 1500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juin 2023 et 25 janvier 2024, la société Egis Eau, représentée par Me Dagorne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 avril 2023 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;

2°) de rejeter dans cette mesure les demandes du SIVU des Landes ;

3°) de mettre à la charge du SIVU des Landes la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité ne peut être engagée dès lors que les désordres en litige ne sont pas imputables à un défaut de conception, qui n'a d'ailleurs pas été identifié, mais à des apports en eaux claires parasites dans les réseaux des communes qui nécessitent des travaux de mise en conformité, ainsi que cela avait été indiqué dans les études préliminaires ; lesdits désordres ont pour cause exclusive une faute du maître de l'ouvrage, qui exonère totalement les maîtres d'œuvre ;

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement et dénaturé les faits de l'espèce ;

- le SIVU des Landes a présenté des conclusions d'appel principal qui sont irrecevables dès lors que le délai d'appel n'a pas été respecté.

Par des mémoires, enregistrés les 17 novembre 2023 et 18 janvier 2024, la société Sogea Ouest TP, venant aux droits et obligations de Sogea Atlantique Hydraulique, représentée par Me Caous-Pocreau, conclut :

1°) au rejet de la requête de la société Egis Eau et de l'ensemble des demandes du SIVU des Landes ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés Egis Eau, Sinbio, Epur Nature et BHD Environnement à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

3°) à ce que soit mise à la charge du SIVU des Landes une somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- les opérations d'expertise judiciaire sont régulières ; dans l'hypothèse d'une annulation du rapport d'expertise judiciaire, il y aurait lieu de reprendre en totalité les opérations d'expertise, dans le respect du contradictoire ;

- le SIVU des Landes a formé un appel principal qui est irrecevable faute d'avoir respecté le délai d'appel de deux mois ; en tout état de cause, son appel provoqué sera rejeté par voie de conséquence du rejet de la requête d'appel de la société Egis Eau ; les conclusions présentées en appel par le SIVU des Landes soulèvent des litiges distincts de l'appel principal et sont dès lors irrecevables ;

- aucun élément de l'instruction ne permet de mettre en jeu sa responsabilité ; elle n'a pas participé à la conception de l'ouvrage ; la demande tendant à substituer à la filière existante une filière " boues activées " pour un montant de 1 400 000 euros n'est aucunement justifiée ni sérieusement étayée, et elle reviendrait en outre à faire payer aux constructeurs des travaux sans rapport avec ceux objet du litige et relevant d'un choix du maître d'ouvrage ; à titre subsidiaire, si sa responsabilité devait être mise en jeu, la cour condamnerait alors les sociétés Egis Eau, Sinbio, Epur Nature et BHD Environnement à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, ce compris les intérêts, les frais d'avocat et les dépens.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2023, le SIVU des Landes, représenté par Me Billebeau, conclut :

1°) au rejet de la requête de la société Egis Eau ;

2°) à la condamnation des sociétés Sogea Atlantique, Epur Nature, Syntea, BHD Environnement et les sociétés MMA et MMA IARD à ladite somme de 300 000 euros in solidum avec les sociétés Egis Eau et Sinbio ;

3°) à la condamnation in solidum des sociétés Egis Eau, Sinbio, Sogea Atantique, Epur Nature, Syntea et BHD Environnement ainsi que les assureurs MMA et MMA IARD à lui payer la somme complémentaire de 1 100 000 euros correspondant aux travaux de mise en conformité de la station d'épuration ;

4°) à l'annulation des opérations d'expertise menées par M. A..., expert désigné par le tribunal administratif ;

5°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Egis Eau ainsi que de toute partie perdante, in solidum, à lui verser la somme de 8000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Il soutient que :

- afin de remédier au désordre en litige, il y a lieu de substituer à la filière existante une filière " boues activées " pour un montant de 1 400 000 euros à mettre à la charge in solidum des sociétés Egis Eau, Sinbio, Sogea Atantique, Epur Nature, Syntea et BHD Environnement ainsi que les assureurs MMA et MMA IARD ; ledit désordre est la conséquence d'un défaut de conception de la station d'épuration imputable à la garantie contractuelle de ces sociétés ; la présence d'eaux claires parasites était connue du groupement de maîtrise d'œuvre lorsque celui-ci a conçu la station et il devait l'intégrer dans la définition du projet, en effectuant ses propres estimations des volumes et apports à prendre en compte ; ce phénomène ne pouvait en rien nuire au fonctionnement de la station et ne peut expliquer le désordre en litige ;

- le rapport d'expertise de M. A... est irrégulier ; il ne comporte pas de justifications ou d'explications précises sur les points en litige ; il ne répond pas à l'argumentaire du syndicat ; il ne comporte pas de description des travaux qui seraient nécessaires à la résolution du désordre ; l'expert n'a pas procédé à toutes les investigations utiles et n'a pas respecté le contradictoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 22 juin 2007 relatif à la collecte, au transport et au traitement des eaux usées des agglomérations d'assainissement ainsi qu'à la surveillance de leur fonctionnement et de leur efficacité, et aux dispositifs d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2 kg/j de DBO5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hortefeux, substituant Me Dagorne, représentant le SIVU des Landes.

Considérant ce qui suit :

1. En 2005, les deux communes limitrophes de Joué l'Abbé et de La Guierche, situées dans le département de la Sarthe, ont constitué le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) des Landes, en vue de la construction d'un système d'assainissement commun. Un marché de maitrise d'œuvre pour la réalisation d'une station d'épuration a été signé le 18 janvier 2008 avec le groupement composé de la société Setegue et de la société Sinbio. Le marché de travaux a été signé le 28 septembre 2009 avec un groupement constitué des sociétés Sogea Atlantique, Saint-Epur et BHD Environnement. La réception des travaux a été prononcée le 9 mai 2011 sous réserve de vérification par les essais de la conformité des rejets de la station d'épuration. Deux paramètres relatifs à ces derniers se sont révélés non conformes, avec le dépassement de la concentration maximale de 15 mg/l pour l'azote et de 2 mg/l pour le phosphore. Compte tenu de la persistance du dépassement afférent à l'azote, le SIVU des Landes a saisi le tribunal administratif de Nantes afin de désigner un expert. Le tribunal a désigné M. A... par une ordonnance du 3 février 2015 afin notamment de déterminer les causes et l'imputabilité du désordre. Un rapport d'expertise a été déposé le 6 décembre 2016. Le premier vice-président du tribunal a toutefois, par un courrier du 1er février 2017, déclaré nul et non avenu ce rapport en demandant à l'expert de répondre à l'intégralité de sa mission dans le respect des règles du contradictoire. Le 7 septembre 2018, M. A... a produit son rapport d'expertise définitif.

2. Saisi par le SIVU des Landes, le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 19 avril 2023, a condamné in solidum les sociétés Sinbio et Egis Eau, laquelle vient aux droits et obligations de la société Setegue, à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation de son préjudice et la société Egis Eau à garantir la société Sinbio à hauteur de 50% de ladite condamnation. Il a également condamné in solidum lesdites sociétés à verser la somme de 13 280,27 euros au SIVU des Landes au titre des frais d'expertise, mis à leur charge la somme de 1500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties. La société Egis Eau fait appel de ce jugement en tant qu'il a retenu la responsabilité du groupement de maîtrise d'œuvre. Par des conclusions d'appel incident et d'appel provoqué, le SIVU des Landes demande à la cour, pour l'essentiel, d'annuler les opérations d'expertise menées par M. A... et de condamner in solidum les sociétés Egis Eau, Sinbio, Sogea Atantique, Epur Nature, Syntea et BHD Environnement ainsi que les assureurs MMA et MMA IARD à lui payer la somme complémentaire de 1 100 000 euros correspondant aux travaux de remplacement de la station d'épuration par une filière dite à boues activées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Si la société Egis Eau soutient que le jugement attaqué est entaché d'une dénaturation des pièces du dossier, un tel moyen, qui relève de l'office du juge de cassation, est toutefois inopérant devant le juge d'appel. Par ailleurs, il ressort des termes mêmes du jugement que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments ni de citer l'ensemble des pièces produites, a indiqué de façon circonstanciée les motifs de droit et de fait qui l'ont conduit à écarter la responsabilité du SIVU des Landes, maître d'ouvrage, dans la survenue du désordre litigieux. Il a, dès lors, suffisamment motivé son jugement, contrairement à ce que soutient la société appelante.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions d'appel principal de la société Egis Eau :

4. Aux termes du paragraphe 4.1.3 de la note méthodologique du 31 octobre 2007 établie par le groupement de maîtrise d'œuvre composé de la société Setegue, aux droits et obligations de laquelle vient la société Egis Eau, et de la société Sinbio, qui a valeur contractuelle selon l'article 2.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d'œuvre (CCAP) : " Conformément au chapitre § 4 du CCTP, le bureau d'études SINBIO RHONE ALPES propose une mission d'EXE partielle sur la station d'épuration. (...) Sinbio RHONE-ALPES étant actuellement le seul bureau d'études pouvant réaliser ce niveau de prestation. Ainsi, l'appel d'offres travaux ne nécessitera pas d'entreprise spécialisée. Toute entreprise de travaux publics locale, même non spécialisée et ne disposant donc pas de bureau d'études (...) pourra répondre (...). En outre, Sinbio RHONE ALPES s'engage sur les performances épuratoires du système qu'elle conçoit, dès lors que la mission EXE lui a été notifiée. Ces performances seront précisées lors de la phase d'avant-projet, suivant les exigences de la police de l'eau. Il convient ici de rappeler trois points : - sont conçues des filières pouvant pousser la nitrification, voire dénitrifier. - sur plus de 200 stations de ce type en service, les engagements ont toujours été réalistes, et SINBIO RHONE ALPES (...) n'a pas eu connaissance de rejets non conformes sur ses stations. - cet engagement est donc assumé par SINBIO RHONE ALPES, en tant que maître d'œuvre, et en aucun cas reporté sur l'entreprise qui réalisera les travaux (...). ". Par ailleurs, l'article IV.1.4 du cahier des clauses techniques particulières du marché (CCTP) de construction de la station d'épuration prévoit que l'ouvrage doit être conforme aux prescriptions posées par l'arrêté ministériel susvisé du 22 juin 2007, en particulier celles relatives à l'azote NGL, dont la concentration ne doit pas dépasser 15mg/l en sortie de station ou dont le traitement doit présenter un rendement d'au moins 70% en moyenne annuelle.

5. D'une part, il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que depuis sa mise en service, la station d'épuration du SIVU des Landes ne respecte pas cette exigence réglementaire, reprise contractuellement. La non-conformité relative aux rejets d'azote a donné lieu à une réserve lors de la réception de l'ouvrage qui n'a pas été levée depuis lors. Il résulte du rapport du 29 septembre 2016 de M. B..., qui est intervenu à la demande du SIVU des Landes parallèlement aux opérations d'expertise ordonnées par le tribunal administratif de Nantes mais qui a lui-même la qualité d'expert et dont le rapport a pu être discuté par les parties, que le groupement de maîtrise d'œuvre a commis une erreur dans la conception de l'ouvrage, les caractéristiques de la station d'épuration livrée au maître d'ouvrage ne permettant pas un fonctionnement conforme s'agissant de la charge d'azote des rejets après traitement des eaux usées, alors même que le groupement s'était engagé contractuellement à respecter la norme applicable en la matière, ainsi qu'il résulte des stipulations de son marché rappelées au point 4 ci-dessus. L'ouvrage n'a en effet pas été doté de tous les dispositifs techniques permettant d'atteindre des résultats respectueux de l'arrêté susvisé du 22 juin 2007, ainsi qu'il résulte d'ailleurs du mémoire technique établi le 22 novembre 2013 par la société Sinbio elle-même. Dans ce mémoire, et comme le relèvent également les experts techniques de l'agence de l'eau et de la société Véolia, mais aussi M. B... dans son rapport précité du 29 septembre 2016, il apparaît que la mise en place d'un bassin anoxique agité de dénitrification en tête de station serait de nature à éviter les rejets excessifs d'azote. En s'abstenant d'intégrer cet élément à la conception initiale de la station d'épuration, le groupement de maîtrise d'œuvre a donc commis une erreur de conception de nature à engager sa responsabilité contractuelle. C'est dès lors à bon droit que le tribunal administratif a condamné solidairement, sur ce fondement, les sociétés Sinbio et Egis Eau à verser la somme de 300 000 euros au SIVU des Landes, cette somme correspondant au coût d'installation dudit dispositif.

6. D'autre part, la société Egis Eau n'est pas fondée à soutenir que la cause du dépassement de la norme applicable en matière de rejet d'azote résulte d'une faute, exonératoire de sa responsabilité, imputable au SIVU ou aux communes de Joué l'Abbé et de La Guierche. Si M. A..., expert désigné par le tribunal, dans son rapport du 7 septembre 2018, a estimé que les réseaux d'eaux pluviales ne seraient pas correctement entretenus par ces communes ce qui provoquerait, en cas de fortes pluviométries, des débits excessifs d'eaux claires à l'entrée de la station d'épuration entraînant ainsi l'apparition de rejets d'azote en sortie de station dépassant la norme applicable, les tableaux retraçant les relevés effectués par l'expert en 2016 et 2017 ne démontrent toutefois pas un tel lien de causalité entre l'apport excessif d'eaux pluviales et le dépassement de ladite norme. En effet, le rendement de la station est, au contraire, selon certaines de ces données, supérieur à 70%, et donc conforme aux prescriptions contractuelles dans un contexte de forte pluviométrie, alors qu'il est parfois inférieur à 70%, et donc non-conforme, pendant des périodes de sécheresse. Par ailleurs, l'expert ne conteste pas dans son rapport que la concentration d'azote dépasse 15 mg/l en sortie de station quel que soit l'importance des précipitations. Il résulte, en outre, du rapport précité du 29 septembre 2016 de M. B..., expert spécialisé dans les stations d'épuration près la cour de céans, dont les constats sont argumentés et justifiés par des références précises à la littérature technique, qu'il n'existe aucun lien entre les apports excessifs d'eaux pluviales, au demeurant habituels dans la plupart des stations, et le niveau irrégulier de rejet d'azote de l'ouvrage, dès lors que ce dernier est une station par filtres plantés de roseaux particulièrement adaptée aux à-coups hydrauliques et aux eaux parasitaires, ce qui résulte d'ailleurs des termes mêmes du IV.1.1 du CCTP du marché des entreprises de travaux. Une telle analyse est également corroborée par les prélèvements effectués par la société IRH dans le cadre de son diagnostic du 15 février 2019 effectué pour l'élaboration du schéma directeur d'assainissement des communes de la Guierche et de Joué l'Abbé ainsi que par le dire à expert adressé par la société Véolia le 29 juin 2018, qui indique n'avoir jamais constaté de corrélation entre les surcharges hydrauliques et la non-conformité du paramètre relatif à l'azote, alors même qu'elle a exploité la station pendant plusieurs années. Dans ces conditions, il n'est pas établi que cette non-conformité serait imputable à un mauvais entretien, en amont, des réseaux d'eaux pluviales par lesdites communes, qui n'ont donc commis aucune faute qui pourrait exonérer le maître d'œuvre de sa responsabilité contractuelle. Par suite, la société Egis Eau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée in solidum à verser la somme de 300 000 euros au SIVU des Landes.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'appel incident du SIVU des Landes :

7. En premier lieu, si le rapport d'expertise déposé par M. A... le 7 septembre 2018 aurait pu être davantage argumenté et documenté sur certains points, en particulier s'agissant du lien de causalité entre les apports d'eaux pluviales et les rejets d'azote de la station d'épuration, il apparaît toutefois qu'il répond à l'ensemble des questions posées par l'ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2015, conformément aux rappels qui ont été faits à l'expert à ce titre par le premier vice-président du tribunal dans son courrier du 1er février 2017. Par ailleurs, l'expert a tenu plusieurs réunions avec les parties et a répondu, dans le corps de son rapport et en annexes, aux dires des parties, notamment du SIVU des Landes. Il a donc respecté le caractère contradictoire de la procédure. Enfin, le fait, pour regrettable qu'il soit, que les opérations d'expertise aient duré près de quatre ans n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à entacher celles-ci d'irrégularité. Dans ces conditions, les conclusions du SIVU des Landes tendant à l'annulation de ces dernières doivent être rejetées.

8. En second lieu, le SIVU des Landes sollicite la condamnation, notamment de la société Egis Eau, à lui verser la somme totale de 1 400 000 euros correspondant aux travaux de mise en conformité de la station d'épuration. En effet, selon lui, la création d'un bassin anoxique agité de dénitrification en tête de station ne serait pas efficace pour remédier aux rejets non-conformes d'azote. Toutefois, cette solution a été préconisée par les experts techniques de l'agence de l'eau et de la société Véolia, mais aussi par M. B... dans son rapport du 29 septembre 2016, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus. Par ailleurs, le SIVU des Landes n'apporte aucune explication argumentée sur ce point dans ses écritures. S'il renvoie au diagnostic effectué par la société IRH le 15 février 2019, lequel préconise une reconfiguration totale de la station, via la substitution de la filière en place actuellement par une filière de type boues activées, ce diagnostic n'est cependant pas suffisamment étayé pour écarter la solution technique précitée, consistant en la construction d'un bassin anoxique en tête de station. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'appel incident du SIVU des Landes dirigées contre la société Egis Eau doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à celles-ci.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'appel provoqué du SIVU des Landes :

9. En premier lieu, il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé et à raison du fait dommageable commis par son assuré, alors même que l'appréciation de la responsabilité de cet assuré dans la réalisation du fait dommageable relève du juge administratif. Dans ces conditions, les conclusions du SIVU des Landes dirigées contre les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, en qualité d'assureurs du groupement de maîtrise d'œuvre, doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

10. En deuxième lieu, les conclusions indemnitaires du SIVU des Landes tendant à la condamnation des sociétés Sogea Atlantique, Epur Nature, Syntea, BHD Environnement et Sinbio ont la nature de conclusions d'appel provoqué. Elles sont irrecevables dès lors que la situation du SIVU des Landes n'est pas aggravée par ce que juge le présent arrêt sur l'appel principal. Il y a donc lieu de les rejeter.

Sur les frais d'expertise :

11. C'est à bon droit que le tribunal administratif a mis à la charge in solidum des sociétés Sinbio et Egis Eau les frais d'expertise, compte tenu de leur part de responsabilité dans la survenue des dommages. Dans ces conditions, les conclusions de Sogea Ouest TP tendant à ce que les dépens soient mis à la charge du SIVU des Landes doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés à l'occasion de la présente instance d'appel et, ainsi, de rejeter l'ensemble des conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Egis Eau est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et provoqué du SIVU des Landes sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'ensemble des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au SIVU des Landes, à la société Egis Eau, à la société Sinbio, à la société MMA Iard, à la société MMA Iard Assurances Mutuelles, à la société Sogea Ouest Atlantique, à la société Epur Nature, à la société Bhd Environnement et à la SELARL FIRMA 54, mandataire judiciaire de la société Syntea.

Copie en sera adressée pour information à M. C... A..., expert judiciaire.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2024.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de la Sarthe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01709


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01709
Date de la décision : 13/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : URBANLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-13;23nt01709 ?
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