Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2305342 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2024, M. B..., représenté par Me Terzak-Geraci, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 1er février 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2023 pris par le préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", dans le délai de 30 jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué fait mention de " l'article 3 de l'accord franco-algérien " ;
- le préfet des Alpes-Maritimes a entaché son arrêté d'un défaut de motivation ;
- l'arrêté contesté ne procède pas d'un examen complet de sa situation ;
- le préfet des Alpes-Maritimes a entaché son arrêté d'erreurs de fait ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit dans l'application des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 28 avril 2008 et des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des énonciations de la circulaire dite " Valls " du 28 novembre 2012 ;
- l'arrêté contesté a méconnu son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est disproportionnée.
La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 26 avril 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une lettre du 10 décembre 2024, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale entre l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lequel le refus de délivrance d'un titre de séjour contesté portant la mention " salarié " est fondé, et le pouvoir général de régularisation du préfet, les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étant pas applicables aux ressortissants de nationalité tunisienne qui souhaitent obtenir un titre de séjour au titre d'une activité salariée.
Par une lettre, enregistrée le 18 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Terzak-Geraci, a répondu à ce moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire et ses deux protocoles entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mahmouti.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 1er février 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'erreur de plume faite par le tribunal qui, citant les motifs de droit que comportait l'arrêté préfectoral contesté, a mentionné que celui-ci visait " l'article 3 de l'accord franco-algérien " alors que l'intéressé est tunisien, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, à supposer que le requérant soit regardé comme la contestant au titre de cette erreur.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. M. B... doit être regardé comme contestant les décisions par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.
En ce qui concerne les moyens communs soulevés à l'encontre des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :
4. L'arrêté contesté comporte les circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, dès lors, suffisamment motivé.
5. Si le requérant soutient que le préfet a considéré, à tort, que son épouse et ses deux enfants résidaient en Tunisie, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'il ait informé le préfet de leur arrivée, qu'il date du 31 juillet 2023, après avoir déposé sa demande de titre de séjour le 16 juin 2023. D'où il suit que le moyen tiré du défaut d'examen complet et sérieux de sa demande doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
6. Le requérant ne peut utilement invoquer l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 28 avril 2008 qui stipule que : " Les deux parties conviennent de mettre en place un comité de pilotage chargé du suivi de l'application de l'Accord cadre et de ses protocoles d'application. La composition et les modalités de fonctionnement du comité de pilotage sont fixées d'un commun accord entre les Parties. ". Il doit ainsi être regardé comme invoquant l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail, lequel stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ". ". En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'est pas titulaire d'un contrat de travail visé et ne remplit, dès lors, pas l'une des conditions requises pour obtenir un titre de séjour portant la mention " salarié ". Son moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de ces stipulations doit donc être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
8. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation d'un ressortissant tunisien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... soutient être entré en France en septembre 2016 sans toutefois le justifier. S'il soutient également y résider depuis lors, il ne verse au titre des années 2017 et 2018, que ses avis d'imposition. S'agissant des années 2019 à 2022, les pièces qu'il produit, composées essentiellement de factures d'achat et de correspondances administratives, ne montrent que sa présence ponctuelle sur le territoire français. Par ailleurs et comme devant le préfet, il s'abstient de fournir la copie exhaustive de son passeport. Il suit de là qu'il ne démontre pas son allégation selon laquelle il réside en France depuis sept ans sans discontinuer.
En outre, et comme il l'expose lui-même, son épouse et leurs deux enfants l'ont rejoint depuis le 31 juillet 2023 seulement, sans d'ailleurs qu'il ressorte des pièces du dossier qu'ils aient obtenu l'autorisation pour ce faire. Enfin, la circonstance que ses deux enfants aient été scolarisés en France lors de l'année 2023/2024 ne fait pas obstacle à ce que ceux-ci retournent dans leur pays d'origine où ils l'avaient déjà entamée. Compte tenu de tous ces éléments, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a, en s'abstenant de régulariser sa situation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation, qui constitue la base légale devant être substituée à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ni même d'erreur de droit. Ainsi et par conséquent, l'erreur de fait commise par le préfet sur la présence de l'épouse de M. B... et de ses enfants en France à la date de la décision attaquée est demeurée sans incidence.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour les mêmes raisons que celles mentionnées au point précédent et en particulier compte tenu de celles que M. B... a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine et que son épouse se trouve sur le territoire français sans qu'il ressorte des pièces du dossier qu'elle en ait eu l'autorisation, la décision contestée n'a, dès lors, pas porté au droit au respect de la vie familiale de M. B... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
11. Enfin, le requérant ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire dite " Valls " du 28 novembre 2012.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Compte-tenu notamment de ce qui a été dit aux points 9 et 10, le préfet des Alpes-Maritimes, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M.B.... Ce moyen doit dès lors être écarté.
13. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas non plus porté au droit au respect de la vie familiale de M. B... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions accessoires :
15. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, les conclusions de M. B... à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Terzak-Geraci et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 février 2025.
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N° 24MA01361
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