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30/07/2019 | FRANCE | N°18PA03723

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 30 juillet 2019, 18PA03723


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 février 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à sa demande de changement de son nom de " C... " en " Elessie Olinga ".

Par un jugement n° 1706365 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour:

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2018, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour

:

1°) d'annuler le jugement n° 1706365 du 27 septembre 2018 du tribunal administratif de Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 février 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à sa demande de changement de son nom de " C... " en " Elessie Olinga ".

Par un jugement n° 1706365 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour:

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2018, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706365 du 27 septembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'ordonner que le nom " E... " soit mentionné en marge de tous les actes d'état civil français.

Mme C...soutient que :

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors qu'elle a toujours porté le nom sollicité et n'utilise jamais son patronyme actuel ;

- elle méconnait son droit à la vie privée, garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article 61-3-1 du code civil.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...C..., née en janvier 1985 à Yaoundé (Cameroun), a sollicité, par une requête publiée le 1er mars 2012 au Journal officiel de la République française et un courrier adressé le 4 janvier 2013 au garde des sceaux, ministre de la justice, le changement de son nom de " C... " en " Elessie Olinga ". Cette demande a été rejetée par une décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 13 février 2017. Mme C... demande l'annulation du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision litigieuse :

2. L'article 61 du code civil dispose : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / Le changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret ". Le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande de changement de nom de Mme C...au motif que l'intéressée ne justifiait pas du caractère constant et ininterrompu de l'usage du nom de " Elessie Olinga " sur une période suffisamment longue.

3. Il n'appartient pas en principe au juge administratif, hors les cas prévus aux articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, d'adresser des injonctions à l'administration. Les conclusions de la requête qui tendent à ce que la Cour " constate que Mme C... a toujours porté le nom E...et dise que le nom " E... " sera mentionné en marge de tous les actes d'état civil français " doivent être regardées comme tendant à l'annulation de la décision du 13 février 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de faire droit au changement de son nom sollicité.

4. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a légalement porté le nom de " E... " depuis sa naissance jusqu'à ce que, après sa reconnaissance le 23 octobre 1999 par M. A... C..., elle soit légitimée, le 22 janvier 2000 à l'âge de quinze ans, par le mariage de ses parents. MmeC..., à laquelle un certificat de nationalité française a été délivré au nom de " Elessie Olinga " le 9 août 2001 et qui a obtenu plusieurs titres d'identité à ce nom, dont en dernier lieu un passeport valable de juin 2014 à juin 2024, a continué d'utiliser ce seul nom depuis lors, tant dans sa vie privée que dans sa vie professionnelle et ses rapports avec les administrations, obtenant notamment sous le nom " E... " la délivrance de tous ses diplômes. Elle justifie, par suite, d'un intérêt légitime, au sens des dispositions de l'article 61 du code civil, à obtenir, par le changement de nom qu'elle a sollicité, la disparition d'une situation de discordance entre l'usage constant du nom qui lui a été attribué à sa naissance et l'attribution d'un autre patronyme du seul fait d'une reconnaissance paternelle et d'une légitimation intervenues alors qu'elle était déjà adolescente. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la décision critiquée est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article 61 du code civil, et que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à son annulation.

5. Il y a donc lieu pour la Cour, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, de prononcer l'annulation, tant du jugement attaqué que de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 13 février 2017.

Sur l'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du I (1°) de l'article 40 de la n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

7. En l'espèce, il y a lieu, pour assurer l'exécution complète du présent arrêt, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de présenter au Premier ministre, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, un projet de décret autorisant Mme D...C...à changer son nom en " Elessie Olinga ".

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1706365 en date du 27 septembre 2018 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La décision du 13 février 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à la demande de Mme D...C...tendant au changement de son nom de " C... " en " Elessie Olinga " est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de présenter au Premier ministre, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, un projet de décret autorisant Mme D...C...à changer son nom en " Elessie Olinga ".

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juillet 2019.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03723


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03723
Date de la décision : 30/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SODJI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-30;18pa03723 ?
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