Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2101883 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 septembre 2023 et 5 avril 2024, M. A... B..., représenté par Me Moyaert, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation ;
- le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreurs de droit, d'erreur de qualification juridique, de dénaturation des faits et de pièces du dossier ;
- les dépenses relatives aux parties communes, à hauteur de 41 106 euros, qu'il a supportées en 2016, concernent exclusivement le paiement de travaux relatifs aux seules parties communes spéciales du bâtiment C (ou 3) dont il est l'unique copropriétaire ;
- les travaux réalisés sur les parties communes de l'ensemble immobilier, autres que celles portant sur le bâtiment C, ne sont pas des travaux de reconstruction ;
- les travaux portant sur les parties communes spéciales du bâtiment C sont dissociables de ceux entrepris sur les parties communes de l'ensemble du monument ;
- les travaux relatifs aux parties communes spéciales du bâtiment C, qui n'ont pas altéré de manière significative le gros œuvre de ce bâtiment et n'en ont pas augmenté la surface habitable, ne peuvent, en conséquence, s'apparenter à des travaux de construction non déductibles d'une charge foncière au sens de l'article 31 du code général des impôts ;
- l'article 25 " Modalités de répartition des dépenses " des statuts constitutifs de l'association syndicale libre, qui prévoit que chaque sociétaire supportera le coût des travaux réalisés en fonction des prestations souhaitées propres à son lot, ainsi que le coût des travaux des parties communes au prorata de sa quote-part attachée dans la propriété du sol et des parties communes générales, constitue une clause nulle et non écrite, qui lui est alors inopposable ;
- la réponse ministérielle n° 65447 du 16 août 2005 à un député et les paragraphes n° 230 et 240 de la documentation administrative référencée BOI-RFPI-BASE-20-30-20, relatifs aux travaux dissociables, sont opposables à l'administration.
Par un mémoire, enregistré le 8 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a acquis, le 26 juin 2015, deux lots, correspondant à un appartement en duplex et à une cave, au sein d'un ensemble immobilier à Versailles, dit C..., classé monument historique par un arrêté du 16 septembre 1929. Il a constitué, avec les autres copropriétaires, une association syndicale libre pour la réalisation globale des travaux de restauration de cet ensemble immobilier à laquelle il a réglé en 2016 la somme de 106 908 euros. Il a déduit la somme de 106 908 euros de ses revenus fonciers bruts de l'année 2016 et imputé le déficit foncier en résultant sur son revenu global de cette même année. Par une proposition de rectification du 4 novembre 2019, l'administration fiscale a remis en cause, en application de la procédure de rectification contradictoire, la déduction de cette somme correspondant au montant des travaux réalisés en 2016 et a, en conséquence, rectifié le montant du déficit foncier imputé par M. B... sur son revenu global. Consécutivement à un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 novembre 2020 portant sur l'année 2015, le centre des finances publiques de Bourgoin Jallieu a admis partiellement, par une décision du 26 janvier 2021, la réclamation du requérant au titre de l'année 2016 en le déchargeant du complément d'impôt sur le revenu, des contributions sociales, des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts, à hauteur en base d'une somme de 65 802 euros correspondant aux travaux portant sur la partie privative de son logement. M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités maintenues à sa charge après la décision du 26 janvier 2021.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de se prononcer sur tous les arguments de M. B..., a exposé, de manière suffisamment circonstanciée, les motifs l'ayant conduit à estimer que les dépenses d'un montant de 41 106 euros ne pouvaient être prises en compte dès lors qu'il n'était pas établi qu'elles se rapportaient exclusivement aux travaux effectués sur les parties communes spéciales du bâtiment C. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé doit être écarté.
4. En second lieu, M. B... soutient que le tribunal administratif a commis des erreurs de droit, une erreur de qualification juridique, une dénaturation des faits et de pièces du dossier. De tels moyens ne relèvent pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes du I de l'article 31 du code général des impôts : " Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et comme des travaux d'agrandissement ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants. Des travaux d'aménagement interne, quelque soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros œuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable.
6. Il appartient au contribuable, qui entend déduire de son revenu brut, en application de ces dispositions, les dépenses constituant, selon lui, des charges de la propriété, de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges en produisant des pièces justificatives, qui sont constituées de factures, de plans, de photographies et de tous autres éléments permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité de la charge supportée.
7. L'état descriptif de division de l'ensemble immobilier définit des parties communes générales appartenant à l'ensemble des copropriétaires et des parties communes spéciales, appartenant à certains copropriétaires seulement et prévoit, en particulier, que les charges relatives à la conservation, l'entretien et l'administration des parties communes spéciales au bâtiment C seront exclusivement supportées par le propriétaire du lot n° 200. Le règlement de copropriété dispose, aux articles 38 et 39, que les charges spéciales des lots d'un même bâtiment sont réparties entre les copropriétaires au prorata de leurs tantièmes dans le bâtiment considéré et que les dépenses communes, qui ne sont pas considérées comme spéciales, incombent à chaque copropriétaire, selon sa quote-part.
8. M. B... est propriétaire, au sein de cet ensemble immobilier comportant sept corps de bâtiments distincts, du lot n° 109, correspondant à une cave située dans le bâtiment B, et du lot n° 200, correspondant à l'unique appartement situé dans le bâtiment C. A cet égard, il détient 16/10 000èmes des parties communes spéciales du bâtiment B, 10 000/10 000èmes des parties communes spéciales du bâtiment C et 68/10 000èmes des parties communes générales.
9. M. B... fait valoir que la somme de 41 106 euros, demeurant en litige, dont il demande qu'elle soit admise en déduction des bases de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2016, se rapporte à des travaux affectant exclusivement les parties communes spéciales du bâtiment C, dont il est l'unique copropriétaire, et que les travaux effectués sur ce bâtiment, dissociables des autres travaux entrepris simultanément, n'ont pas présenté le caractère de travaux de reconstruction ou d'agrandissement. Il s'appuie sur une facture définitive de la société CIR concernant notamment les parties communes du bâtiment C, sur deux attestations de cette société des 27 décembre 2018 et 23 février 2023 qui indiquent notamment que les travaux relatifs aux parties communes de l'opération immobilière correspondent exclusivement à l'ensemble des travaux relatifs aux parties communes spéciales de chaque bâtiment, que les travaux sur les parties communes générales n'ont fait l'objet d'aucune affectation en fonction des tantièmes de copropriété, et sur une attestation de l'association syndicale libre, établie par M. B... en sa qualité de président de ladite association, affectant l'ensemble de la facture précitée aux travaux sur les parties communes spéciales du bâtiment C. Toutefois, les trois attestations ne présentent pas de caractère probant. En effet, il résulte de l'état descriptif de division que les parties communes générales comprennent notamment les cours de l'immeuble, le droit d'affouiller le sol, et de la demande d'autorisation de travaux que ces travaux portent notamment sur la restauration générale de l'ensemble de la cour après création d'un parc de stationnement de véhicules enterré de cinquante-deux places, alors que le requérant n'apporte aucune précision relativement aux travaux réalisés sur les parties communes générales et sur l'affectation de leur coût aux copropriétaires. De plus, si l'attestation de la société CIR du 23 février 2023 mentionne que " les travaux réalisés sur les parties communes spéciales des bâtiments, autres que celui du bâtiment C, ont été exclusivement affectés aux propriétaires de logements possédant des tantièmes de parties communes spéciale dans chacun des bâtiments concernés, de telle sorte que M. A... B... ne peut se voir opposer une quelconque participation aux travaux sur les parties communes spéciales des bâtiments autre que celui du bâtiment C ", le requérant détient 16/10 000èmes des parties communes spéciales du bâtiment B en vertu de son lot n° 109 et le règlement de copropriété stipule que les charges spéciales des lots d'un même bâtiment sont réparties entre les copropriétaires au prorata de leurs tantièmes dans le bâtiment considéré. En outre, l'état descriptif de division indique que les branchements et canalisations d'eau, de gaz, d'électricité, d'égout appartiennent aux parties communes générales, et la facture définitive de la société CIR fait état de travaux de mise à niveau de voirie et de maintien des réseaux existants, de terrassements pour les réseaux, de fourreaux d'électricité avec des tranchées, de réseaux communs d'eau et de tout-à-l'égout, sans que le requérant ne démontre que ces travaux ne portent pas en partie sur les parties communes générales précitées. Cette facture mentionne aussi des frais d'échafaudages pour trois bâtiments et non pour le seul bâtiment C, mais également pour la cour. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 et 8, M. B..., en sa qualité de propriétaire des lots n° 109 et 200, était tenu au paiement, outre des travaux réalisés sur les parties privatives de ces lots, d'une part, de l'intégralité des travaux effectués sur les parties communes spéciales du bâtiment C, et, d'autre part, d'une fraction à hauteur des tantièmes qu'il détient des travaux réalisés sur les parties communes spéciales du bâtiment B ainsi que sur les parties communes générales. Enfin, il résulte de l'instruction que les travaux réalisés sur les parties communes spéciales du bâtiment B, ainsi que sur les parties communes générales de l'immeuble, ont eu pour objet de transformer des bureaux en logements, sans que le requérant ne démontre que les bureaux étaient initialement affectés à des logements, et ces travaux ont eu pour effet au demeurant d'apporter une modification importante au gros œuvre par la suppression de planchers et d'un escalier, la création de vides et trémies pour les escaliers et ascenseurs, l'ouverture ou la modification de baies, et ainsi, les travaux précités présentent le caractère de travaux de reconstruction et non de travaux d'entretien, de réparation ou encore d'amélioration au sens du a) ou du b) du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts. Dans ces conditions, M. B... n'établit pas que la somme de 41 106 euros aurait été affectée exclusivement au paiement de travaux effectués sur les parties communes spéciales du bâtiment C, et non sur les autres parties communes dont le paiement lui incombe pour partie, de sorte qu'est sans incidence la circonstance que les dépenses afférentes aux travaux réalisés sur les parties communes spéciales de ce bâtiment pouvaient être comprises dans les charges déductibles de la propriété au sens de l'article 31 du code général des impôts.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02861